La révolution
« La France est le pays le mieux administré, le plus sûr, a les plus belles villes, les meilleurs routes, (…) la croissance la plus rapide d’Europe »
Un visiteur étranger.
Notre pays « jamais plus n’est redevenu la première puissance d’Europe »
L’abolition des privilèges,
nuit du 4 août
« Aucun de ces paysans, aucun de ces artisans qui, durant vingt ans de guerre , vont devoir répondre à la conscription ; qui actionneront les usines de la révolution industrielle, creuseront les mines, construiront routes, canaux, ponts, chemins de fer ; et qui, pour toute reconnaissance, seront réduits à la condition de prolétaires, aucun de ceux-là ne se doutent un seul instant que, cette nuit-là, disparaissent les vestiges du régime qui les avait libérés, responsabilisés, intégrés dans la vie économique, associés à la vie politique et qu’en même temps s’efface la trace du vieux principe de la loi des Wisigoths, grâce auxquels ils avaient participé à part entière au développement, ut quod laboravit nullo modo perdat. »
R. Delatouche
S’il faut parler de démocratie, jamais régime à cette époque n’y fut plus proche dans la nuit du 4 août 1789, les privilèges des provinces, des villes, des métiers sont spoliés…Ceux-ci permettaient à de petites structures de vivre mais la Révolution en a voulu autrement. La Révolution n’a nullement été pour le peuple mais préparée, financée, conduite contre celui-ci par les Puissances d’argent pour imposer comme en Angleterre sous l’œil horrifié de notre roi Louis XV, le mercantilisme sur une société d’esclaves…Ces idées seront importées par nos philosophes dits des « Lumières » conquis par le capitalisme naissant. Pour le triomphe de ces arrivistes, il fallut détruire, au nom de la Liberté abstraite, toutes les libertés réelles qui faisaient de la « douce France », ce pays tant envié des visiteurs étrangers. Les provinces furent détruites au profit d’un énorme gaufrier départemental, handicapant pour l’avenir notre territoire face par exemple aux puissants « länders allemands»… les communes refusèrent à 95% de fournir un état des biens communaux, biens qui appartenaient à tous…les merveilles, objets, monuments, meubles, musiques et œuvres d’art qui nous viennent de ce lointain passé sont d’une telle beauté et respirent un tel équilibre qu’il est inimaginable de penser qu’ils aient pu être fait par un peuple malheureux…
La Révolution a non seulement enlevé au travailleur la propriété de son état mais en dilapidant les biens corporatifs qui servaient de secours, elle l’a exproprié…Les associations ouvrières furent détruites par les lois d’Allarde, les ouvriers tentèrent alors de se regrouper comme les imprimeurs et les charpentiers. L’assemblée Constituante craignant que ceux-ci veuillent rétablir les anciennes corporations vota en toute hâte l’interdiction des groupements professionnels par la loi Le Chapelier.
Les entrepreneurs, quand à eux, purent librement se regrouper, écoutons Proudhon : « Ce qui a créé la distinction toute nouvelle de classe bourgeoise et de classe ouvrière, c’est le nouveau droit inauguré en 1789 ». L’assemblée Législative décréta la peine de mort pour les ouvriers désirant s’unir. Le prolétariat était né, au nom de la Liberté, des riches avec son cortège de souffrance et de misère. Les temps nouveaux de la République, inaugurant le nouvel esclavage économique était né. La durée du travail passa allègrement à 15, 16 voir 17 heures par jour…
Ecoutons Pierre Gaxotte : « Il connaît nos revenus et fait l’inventaire de nos héritages. Il sait si nous possédons un piano, une automobile, un chien ou une bicyclette. Il instruit nos enfants et fixe le prix de notre pain. Il fabrique nos allumettes et nous vend notre tabac. Il est industriel, armateur, commerçant et médecin. Il a des tableaux, des forêts, des chemins de fer, des hôpitaux et le monopole des téléphones. Il accapare la charité. Si nous appartenons au sexe masculin, il nous fait comparaître devant lui, nous pèse, nous mesure et examine le fonctionnement de notre cœur, de nos poumons et de notre rate. Nous ne pouvons faire un pas ou un geste sans qu’il en soit averti et sans qu’il trouve prétexte d’intervenir »
En France, c’est la liberté qui est ancienne, c’est le despotisme qui est nouveau, disait Madame de Staël.
La monnaie, que l’on nommait assignat, perdit 30 puis 50% de sa valeur en 6 mois.1793 et 1794, on réquisitionna les ouvriers, qui ne voulaient plus travailler pour presque rien et le Tribunal Révolutionnaire se chargea des récalcitrants. Les ouvriers refusèrent le nouveau calendrier révolutionnaire du Décadi, ayant supprimé dimanches et fêtes par le Décadi composé de 3 semaines de 10 jours. Ils se mirent en grève mais on était plus dans l’ancien Régime et ce fut 12000 condamnations à mort…Jusqu’au 27 juillet 1794, 9 Thermidor, les ouvriers monteront sur l’échafaud au nom des libertés perdues…
René Sédillot dans son admirable livre « Le Coût de la Révolution Française » dit : « S’il y a des perdants c’est paradoxalement à la base qu’il faut les chercher. La condition ouvrière s’est avilie avec la mort des compagnonnages et l’interdiction du syndicalisme… ». Le « flicage » sous l’Empire avec le livret ouvrier, laissant celui-ci au seul jugement de l’entrepreneur. On est loin de l’équité de l’Ancien Régime…
1830 après la Commune et ses 30 000 fusillés par le bourgeois Thiers, en 1831, les Canuts de Lyon se révoltent et c’est dans le sang que la République réprime « Il faut que les ouvriers sachent bien qu’il n’y a pas d’autre remède pour eux que la patience et la résignation » s’exclame le ministre de l’intérieur Casimir Périer.
Les Canuts seront avant, pendant et après la Révolution en compagnie des chanoines-comtes de la primatiale St Jean pour leur revendication que ce soit en 1744 ou en 1786.Cette noblesse était tellement lié aux ouvriers qu’ils en venaient quelquefois à l’épée pour venger ceux-ci. En 1790 lorsque les ouvriers eurent besoin d’aide, c’est aux chanoines-comtes qu’ils s’adressèrent et non aux assemblées révolutionnaires. La Fête de la Fédération vit à Lyon, défiler la bourgeoisie sous le drapeau tricolore et les ouvriers sous le drapeau du roi…On retrouve une similitude à Dijon entre les compagnons et les père Chartreux…Les canuts se retrouveront au coude à coude avec ces chanoines-comtes contre la Révolution lors de l’insurrection Lyonnaise de 1793…
En 1952, Yves Renouard (Le grand commerce des vins de Gascogne au Moyen-âge, revue historique, avril-juin1959) publia une étude dans lequel à l’appui de chiffres, la comptabilité des sorties de vin par la Gironde durant le 1er tiers du XIVe siècle était de 747 000 hectolitres, 850 000 environ en 1308-1309. En 1950 pour toute la France on avait 900000 hectolitres !
Sur les 1 200 000 soldats « désignés volontaires » de 1794, 800 000 désertent. Il faut dire que la levée en masse est nouvelle dans une France dont l’armée était de métier, composé dune bonne partie de régiments étrangers. Comme s’exclamait Anatole France sur la République, le crime des crimes est d’avoir enlevé le paysan à sa terre pour le faire tuer aux frontières…Sur les 400000 qui marcheront au feu, la gendarmerie au derrière, ce sera la boucherie…On est loin du peuple en armes.
La Révolution a rétrogradé la France. C’est seulement sous la Restauration de Charles X que la France retrouvera péniblement l’équivalence des échanges extérieurs de 1788 (Le sens de la Révolution Française ).La révolution a fait rater à la France la tête de l’expansion économique (D..W. Brogan) «Les Français se sont montrés les plus habiles (révolutionnaires) artisans de ruine qui aient jamais existé au monde. Ils ont entièrement renversé leur commerce et leurs manufactures. Ils ont fait nos affaires, à nous leurs rivaux, mieux que vingt batailles n’auraient pu le faire » disait le britannique E. Burke.
Les ouvriers se cachent dans la clandestinité pour avoir comme dit l’historien du monde ouvrier E.Coornaert, avec le roi en 1815, leur propre restauration dans le retour du compagnonnage.
« La vie renchérit, la hausse des subsistances entraîna les mêmes conséquences que la disette » disait l’historien communiste A. Soboul et il continu : « …les classes populaires sombrent dans le désespoir. Hommes et femmes tombent d’inanition dans les rues, la mortalité augmente, les suicides se multiplient.». Parlant des terres communales qui, sous nos rois, appartenaient à tous et que les communistes essayeront de copier, Soboul parle de « copropriété des terres ». Un autre historien communiste écrit que la Révolution : « a coûté très cher » A Rouen dans les quartiers populaires au début de l’an IV, la mortalité est multiplié par quatre et à Paris on a un excédent de 10000 morts sur les naissances…Même les révolutionnaires comme Jacques Roux s’exclament : «Sous le règne des Sartines et Flesselles, le gouvernement n’aurait pas toléré qu’on fit payer les denrées de première nécessité trois fois au dessus de leur valeur » Mais qu’importe on fait arrêter les ouvriers en grève comme suspect (F. Furet)
Second semestre 1793 et durant l’année 1794 ce sont les moissonneurs et les vignerons qui se mettent en grève, alors que le Lyonnais, la Lozère, la Normandie, la Bretagne et la Vendée se soulèvent…
Les campagnes s’exilent dans les villes et formeront le prolétariat nécessaire pour la République naissante.
Si on prend la Révolution, ne serai-ce que sur un des aspects économiques, que voit on :
٠Emprunt forcé sur tous les revenus (1793)
٠fermeture de la Bourse (juin 1793)
٠suppression des sociétés anonymes (août 93)
٠mise sous scelles des banques et maisons de change(sep 93)
٠réquisition des créances or sur l’étranger
٠confiscation des monnaies en métaux précieux (nov93)
٠taxation sur les blés (mai93)
٠loi sur l’accaparement (juill93)
٠taxation générale des denrées (sept 93)
٠taxation des salaires
٠réquisition de l’ensemble de la flotte de commerce
٠réquisition de l’ensemble du commerce extérieur (mai93)
٠réquisition des effets personnels des Français
٠réquisition des travailleurs…
٠établissement de cartes de pain, viandes, œuf…
٠réquisition universelle « des bras et des talents » (avril 94)
٠impôts des portes et fenêtres (décourager les constructions et développement des maladies dont la tuberculose…)
La Terreur s’abattit sur tous les producteurs. La guillotine, selon Donald Greer, supprima 28% de paysans et 41% d’ouvriers, artisans et commerçants…Pendant que les révolutionnaires feront de véritables razzias sur les biens des Français. La natalité, par les lois de successions nouvelles chuta brusquement et l’Etat fit main basse sur les biens des Français. La division des patrimoines encouragea la dénatalité et la disparition progressive de tout patrimoine familial. Les entreprises éclatèrent pour le plus grand profit de l’étranger et de l’empire anglo-saxon en particulier.
L’obligation du passeport ouvrier, du certificat de civisme et de la cocarde tricolore (21 sept 93) montrent combien la dictature s’installait. « Les femmes qui ne porteront pas la cocarde tricolore seront punies…». La Révolution puis la République furent vécues comme une occupation par le peuple de France. La loi des suspects et les dénonciations largement encouragés. On est massacré par simple suspicion comme les 600 malheureux transférés de Saumur à Orléans en novembre 1793. A Avrillé ce sera 2000 suspects qui seront massacrés à coup de crosse et de baïonnettes mais il serait trop long ici d’en faire la liste interminable…De 1793 à 1915, on entre dans la période des 6 invasions.
Le désastre du Traité de Paris sera en partie vengé vingt ans plus tard en 1783 par la défaite sur terre et sur mer de l’armée anglaise et cela reste pratiquement le seul exemple dans l’histoire. Nous avions redressé notre marine redevenu capable de battre l’Angleterre, celle-ci sera gâchée par Napoléon à Trafalgar en 1805.
La Révolution et l’Empire favoriseront l’unité allemande en appliquant le principe des nationalités, cher à Rousseau et dont nous paierons chèrement l’utopie. Six villes principales subsistèrent au lieu de plus d’une cinquantaine d’avant. En 1806 une trentaine d’Etats remplacèrent les centaines de petites souverainetés…Le Traité de Westphalie nous ayant pourtant assuré la paix à l’Est. « En résistant à quelques milliers de Français vivants, il eut (Louis XVI) sauvé des millions de Français à naître» C. Maurras
Dans l’ignoble, il n’y a pas de fin. Les révolutionnaires levèrent une compagnie d’enfants à Rennes pour les obliger à exécuter les prisonniers enfin, les suspects. Il fallait recommencer autant de fois que les victimes n’étaient pas mortes comme à la foire…Il n’y a pas de limite à la cruauté et les ecclésiastiques paieront le prix cher, massacres, yeux crevés…Tout est bon. Pour imposer la République, il ne faut pas reculer jusqu’à éliminer plus de la moitié de la population s’il le faut, dit le conventionnel Jean Bon Saint André…Les massacres de 1792 où l’on laissa égorger et massacrer les filles de la Salpêtrière et les enfants à Bicêtre ainsi que d’autres à la Conciergerie au Châtelet. Il fallait imposer le contrat social de Rousseau coûte que coûte.
Carrier, l’inventeur des noyades de Nantes où l’on attachait souvent les couples nus avant d’être noyés dans des positions obscènes. N’avaient-ils pas dit qu’ils feraient un cimetière de la France plutôt que de ne pas la régénérer à leur manière. On tanne les peaux humaines durant la Révolution selon St Just, celles des hommes, sont d’une consistance meilleure que celles des femmes plus souples que celles des chamois. Le 6 novembre 1794, le citoyen Humeau s’était exclamé à Angers : «Le nommé Pecquel, chirurgien major au 4e bataillon des Ardennes en a écorché 32…» pour faire des culottes aux officiers supérieurs…Selon St Just, les têtes sont au bout des lances et l’on voit certains boire le sang, arracher des cœurs et les manger. Ne parlons pas des colonnes infernales républicaines dont la Vendée se souvient encore…Pensons au général Turreau dont le nom est gravé sur l’Arc de Triomphe, lui qui s’était vanté d’avoir exterminé hommes, femmes et enfants. Les populations, vieillards, femmes et enfants entassés dans les églises pour les y faire brûler, les Lucs se souviennent…Les républicains traversant les villages ou gisent aux entrées les femmes éventrés et comptant les bébés empalés sur les baïonnettes, au nom des droits de l’homme. Quand dira-t-on la vérité sur les cruautés et le fleuve de sang servant à asseoir ce régime indigne que l’on nomme République. Peut on en vouloir aux anarchistes de bouder la Marseillaise !
L’historien juif Israël Eldad s’était exclamé : « La dernière pierre que l’on arracha à la Bastille servit de première pierre aux chambres à gaz d’Auschwitz ». Les déportations massives de 1792 à 1794, suivirent selon Jean Dumont par la «Gestapo révolutionnaire » avec l’encouragement aux dénonciations. Cent livres de prime pour un prêtre dénoncé…Les conditions de détention furent horribles, pas de soins, du sommeil rarement et de la nourriture parfois. Ecoutons Jean Dumont : « Les pontons de Rochefort, véritables camp de la mort où périront 70% des prêtres déportés, sous d’affreux sévices…d’autres plus tard, déportés en Guyane, à Cayenne où jusqu’à 99% mourront de misère…tout à fait digne des camps d’extermination nazis qui comme les camps du goulag soviétique, n’auront qu’à suivre l’exemple fourni en gros et en détail par notre Révolution»
Les journalistes suivront ainsi que les écrivains et chansonniers n’appréciant pas le nouveau régime dont Ange Pitou. Puis les députés car les premières élections libres donnèrent une majorité royaliste élue par le peuple en 1797… On évalue aujourd’hui la Révolution à 600 000 victimes. Les colonnes républicaines de Grignon tuaient environ 2000 hommes, femmes et enfants par jour, selon son témoignage. En 1793-94, les juifs échappèrent de peu au massacre en Alsace et Lorraine par les sans culottes de Baudot…
La liberté utopique de Rousseau, martelé sur les mairies remplaça les libertés réelles vécues sous le roi.
Frédéric Winkler