« On attaquera l’ennemi partout où on le rencontrera », avait dit le général Joffre. La doctrine de l’état-major français, à l’époque, se résume en quatre mots : « l’offensive à outrance ». Le concept est dépassé et l’armée française va apprendre à ses dépens. Car, en ce mois d’août 1914, les armes ne sont plus les mêmes que celles utilisées quarante ans plus tôt, lors de la guerre de 1870.
Du 20 au 25 août 1914, le sort de la bataille dite des « Frontières » se joue. L’armée allemande, retenue en Belgique, à la surprise générale, vient de réaliser une percée. Quant aux troupes françaises, elles ont échoué à prendre pied en Lorraine et sont contraintes à se replier derrière la Meuse.
En fait, les soldats français sont déployés sur un front de 400 km, qui va de la Belgique à la Lorraine. Et, le 22 août, les cinq armées ainsi disposées passent à l’offensive sur plusieurs points : Bellefontaine, Bertrix, Ethe, Neufchâteau, Rossignol…
Sauf que le renseignement nécessaire pour préparer ces attaques a fait défaut : l’état-major ignorait que les troupes allemandes venaient d’être renforcées. En outre, les charges à la baïonnette des soldats français se heurtent à l’artillerie et aux mitrailleuses de leurs adversaires, qui ont opté pour une posture défensive.
Le bilan est terrible pour l’armée française, qui va perdre 27.000 hommes en une seule journée (40.000 au total dans la bataille des Frontières) : jamais elle n’avait subi autant de pertes en si peu de temps au cours de sa longue histoire.
Les rapports de ce 22 août sont terribles. Ainsi, à Rossignol (en Belgique), la 3e Division d’Infanterie Coloniale est décimée : elle a perdu 7.000 hommes. Son chef, le général Léon Raffenel, 58 ans, est tué, sans que l’on sache vraiment comment (suicide? balle ennemie?)
Plusieurs autres raisons peuvent être avancées pour expliquer ce désastre. En fait, elles s’ajoutent les unes aux autres. Outre la doctrine inappropriée compte tenu des progrès en matière d’armement et le renseignement défaillant, l’on peut citer un état-major dépassé par les événements, un fonctionnement des armées françaises trop rigide et hiérarchisé (les officiers allemands disposaient de plus de liberté dans leur jugement), des transmissions défaillantes (les ordres arrivaient trop tard) ou encore l’état d’esprit général qui interdisait toute retraite (c’est ce qui explique la mort de nombreux officiers, chargeant sabre au clair).
Quoi qu’il en soit, la bataille des Frontières est une cuisante défaite de l’armée française. Mais cette dernière n’a pas été mise en déroute. Elle prendre sa revanche quelques semaines plus tard, dans la Marne.
GLOIRE AUX SACRIFIES DE CETTE BATAILLE !