« Ou est Fanchon ? Ou est Grégoire ? Ma voix se casse en les nommant ; Notre jeunesse est de l’histoire : On ne remonte pas le temps…
Aujourd’hui, je quête la trace. De ce qui fut verte saison. Clairs jeunes gens de notre race
Gardez les lys et nos chansons »
Michel Saint Junien
Louis XV disait : « Ne disons point que nous voulons la paix mais désirons là comme le plus grand bien pourvu qu’elle puisse durer longtemps. Attendons ce qu’on nous dira. Ne négocions rien sur cela présentement avec nos Alliés. Si l’on nous prise aujourd’hui, c’est que l’on nous craint. Ne faisons mine que de vouloir faire la plus vigoureuse guerre. Il n’y a jamais que cela qui puisse amener la paix que je désire autant et plus que tout autre. »
On nous parle de Napoléon mais avons-nous perdu tant que cela la mémoire pour oublier les grandes victoires de nos rois et ce grand roi à cheval que fut Louis XV nommé « Le Bien-aimé ». Parlons du soleil de Fontenoy, de l’humilité et la grandeur d’âme du prince vainqueur, laissant attribuer le mérite de la réussite au Maréchal de Saxe, alors qu’il avait lui-même dirigé la stratégie victorieuse…
Napoléon, qui méprisait les Bourbons ne s’y trompa pas quand il écrivait : « Il faut reconnaître à chacun, ce qui lui est dû. La victoire de Fontenoy est due à Louis XV qui est resté sur le champ de bataille. S’il eut repassé l’Escaut, comme le Maréchal de Saxe le voulait, la bataille était perdue. Les boulets arrivaient jusqu’au pont de Calonne…Si le Roi est resté, il en a tout le mérite. On ne comprend pas trop bien les dispositions du Maréchal de Saxe.».
Louis XV avait de bonnes connaissances diplomatiques, il disait à son ministre de la guerre en 1745 : « Vous n’entendez rien à la guerre. Un défensive est ruineuse parce que l’on mange son propre pays, tandis que par l’offensive, on mange le pays ennemi. Aujourd’hui nous ne pouvons attaquer la Reine de Hongrie que par les Pays-Bas. Cela effrayera les puissances maritimes. »
La couronne d’Angleterre était aux mains de la Maison Allemande du Hanovre qui payait en Livre Sterling une coalition formée de contingents européens. Benoit XIV, le Pape décida d’accorder à la France un Jubilé en récompense de l’estime qu’accordait le peuple Français à son Roi dans l’Europe des Lumières.
Le départ pour les Flandres vint le 6 mai. A son habitude, Louis XV ne veut pas de faste ni d’émotion dans les départs. Il est accompagné de son fils, le Dauphin, âgé de 16 ans afin de lui montrer les horreurs de la guerre…Il fait simple pour éviter les dépenses inutiles. Il n’y aura pas d’escorte flamboyante, ni police sur le chemin. Couché la veille, on le trouve en prière à 3 heure du matin, écoutons Luynes : « La Reine a attendu le Dauphin. Lorsqu’il est passé pour aller chez le Roi…Elle l’a embrassé vingt fois, fondant en larmes…».
Il est 7h15 le Roi et le Dauphin partent et quatre aurores plus tard ils entendent les tambours de « La Maison du Roi » saluer ce qui va être le soleil de Fontenoy. La présence du Roi, selon le Maréchal de Saxe valait sur le champ de bataille au moins 50.000 hommes, tant par sa présence auprès des troupes que l’impression sur les ennemis. Louis XV alors que son fils n’a accepté que le grade d’officier subalterne, s’adressa aux officiers pour leur dire qu’en cette occasion ce serait la première fois depuis St Louis qu’un Roi de France vaincrait les Anglais et aussi la première fois depuis Jean le Bon à Poitiers qu’un roi aurait son fils à ses côtés. L’armée Française était composée de la « Brigade Irlandaise », placée soigneusement en réserve et commandé par Dillon et dont les familles étaient persécutées par les Anglais. Traitement bien plus atroce que nos protestants depuis l’Edit de Nantes…Le souvenir des officiers catholiques crucifiés, tripes à l’air, hantait les irlandais. Le code pénal en Irlande était le code du sang, oublié de nos philosophes anglophiles !!!
Cette bataille comme celle victorieuse plus tard de Lawfeld enseignèrent à l’Europe ce qu’était un prince chrétien dans la charité. On est loin ici des guerres Libérales sans pitié qui viendront comme aux Amériques. N’oublions pas que seul un roi de France pouvait s’offrir le luxe d’avoir à la tête de ses armées un Maréchal protestant. Ou se trouvait alors la tolérance ?
Le matin de la bataille, à 4 h le roi est le premier debout. Il fait réveiller le Maréchal de Saxe et va se positionner à 5h avec son fils près du pont de Calonne à Notre Dame des Bois.
Déjà en première ligne, les Gardes Françaises, dont le colonel de Gramont vient de mourir, plient sous la pression des Anglo-hollandais. Le Roi assiste attristé au déshonneur du régiment parisien sous l’œil de son fils, sentant la victoire échapper au Maréchal de Saxe. Les boulets tombaient près de lui, menaçant de détruire le pont de l’Escaut que le Maréchal de Saxe, Craignant qu’il ne soit touché, souhaitait le voir repasser. Louis XV refuse, il restera malgré le danger, s’écriant au messager du Maréchal de Saxe : « Je resterai où je suis ! »
Les Suisses tiennent bon., jamais ils ne reculent malgré 30 officiers et 500 soldats affreusement mutilés au sol. Parmi les morts, un jeune cadet dont le père de Courten prit le jabot déchiqueté en s’écriant : «C’était à mon fils, ce sera désormais la cravate du drapeau ! ». Toujours sous un feu apocalyptique, les Suisses s’accoudent à une redoute qu’ils tiendront durant 6 heures… 4 officiers sur 7 tombent pendant qu’un petit tambour, les deux jambes broyées par un boulet, continu de battre la charge. Un flottement dans le commandement Français fait craindre le pire, le Maréchal de Saxe, atteint de la Goutte , demeurait étrangement absent et introuvable alors que les 14000 Habits rouges avançaient imperturbablement. Une nouvelle demandait d’abandonner Anthouin, pendant que la Brigade Irlandaise bouillait d’impatience…
L’heure des décisions qui change l’histoire était arrivée, alors que pour l’entourage du Roi, il ne s’agissait plus que de sauver celui-ci. Louis XV prend la situation en main. Les officiers d’Etat Major qui habituellement restent en retrait, costumes étincelants au jabot et dentelles blanches, foncent l’épée à la main, sus à l’ennemi, véritable folie face aux Anglais de Cumberland et les Hollandais de Waldeck.
Louis XV décida que le village de Fontenoy servirait de pivot et fait positionner les 4 derniers canons face aux anglais, écoutons le Dauphin : « le roi ne put jamais faire revenir au combat les fuyards…Pendant cette retraite qui lui perçait le cœur, son visage ne changea pas et il donna ses ordres avec tranquillité ». Le Roi consulta, sans protocole Richelieu et Biron. Le duc de Richelieu, s’adressait au Roi, l’épée dégainée à la main. Le Roi donna l’ordre à Montesson de faire charger sa Maison, dont il connaissait l’héroïsme et on passa à 14h d’une attitude défensive à celle de l’offensive.
L’audace du Roi montrait l’extrême maîtrise de la situation. La colonne anglaise s’arrête, pendant que dans une furie extraordinaire les uniformes chamarrés de la Maison du Roi chargent, épées en avant. Alors, tandis que les tambours du Roi commencent à battre la charge définitive du reste de la Gendarmerie Ecossaise , Anglos-catholique et des Chevaux-Légers, les Anglais fléchissent. La Maison du Roi créé le trouble en faisant de lourdes pertes aux « Habits Rouges », le Roi retint le Dauphin bouillant d’aller en découdre. Des grands noms sont tombés comme Gramont, Courten ou Craon, tandis que les « Life Guards » dits les « Blues » essaient de maintenir les arrières Anglais, dans ce choc terrible…
Il est 18 heures et soudain monte une clameur en Gaëlique des rangs Français. Ce sont les Irlandais qui craignent de ne pas avoir leur « part d’Anglais ».
Ils veulent se venger des humiliations et des crimes sauvages des godons à Limerick. Certains philosophes comme Montesquieu admiraient le Libéralisme Anglais sans voir la misère ouvrière terrible et les sanglantes répressions qui en découlaient. Le Parlement britannique avait avalisé les horribles boucheries de femmes et d’enfants des soudards de Guillaume III.
Aux cris de « Souvenez vous de Limerick » (Cuimhnigi ar Luimneach agus ar feall na) les Irlandais se ruent sur les anglais à l’arme blanche. Les Burke, Sullivan, O’Neil, Walsh Serrant, Hennessy et tant d’autres traversent Les « Fanfans la Tulipe », stupéfaits devant les visages terrorisés des britanniques, les voyant approcher. Un corps à corps atroce s’en suivie où seule la vengeance donnait le ton. Pour les Irlandais, seule l’arme blanche symbolisait la noblesse dans le combat, on était loin du « Messieurs les Anglais tirez les premiers… ». Le colonel-chevalier Dillon restera sur le champ de bataille avec 58 autres officiers Irlandais dans une victoire complète malgré de lourdes pertes.
En 1907, l’Irlande fera ériger une immense croix pour commémorer ce 11 mai 1745, la vengeance Irlandaise face à la félonie anglaise du Traité de Limerick…
De Saxe réapparut pour laisser les restes de l’armée Anglo-hollandaise se retirer tranquillement…
Les soldats Français jettèrent leurs tricornes en l’air en lançant le cri de ralliement : « Vive le Roi », tandis que le Roi tourné vers son fils dit : « Voyez ce qu’il en coûte à un bon cœur de remporter des victoires. Le sang de nos ennemis est toujours le sang des hommes, la vraie gloire est de l’épargner » . Il ordonna alors de soigner tous les blessés du champ de bataille en y adjoignant son propre médecin : La Peyronnerie. « Qu’ils soient Anglais, Hessois, Hanovriens, Hollandais, Français, tous doivent être soignés avec la même sollicitude. » Aucun « despote éclairé » d’Europe ni Parlement libéral ne résonnait en européen comme Louis XV, roi très chrétien, devant ce champ de bataille. Ces paroles frappèrent l’opinion internationale et l’on vit le roi se déplacer dans les rangs, avec un sang froid surprenant, encourager les hommes et les visiter. On ouvrit les hôpitaux de Douai, Valenciennes, Lille et Cambrai…On fit le siège de Tournai et la ville se rendit le 20 juin. Louis XV d’après une relation imprimée à Amsterdam, prit les femmes et les enfants sous sa protection et les mis en sûreté à Oudenarde. Ce texte disait : « ces innocentes créatures…y allèrent comme autant de trompettes qui publiaient la gloire, la bonté et la clémence du vainqueur »
Cet acte grandissait le Roi aux yeux de l’Europe à l’image du souvenir de St Louis. « Ses paroles frappèrent l’opinion internationale. Elle embrassait la communauté européenne dans une réalité qui dépassait déjà les notions de vainqueurs et de vaincus. Quelle leçon pour le dauphin » disait Del Perugia dans son Louis XV. Ecoutons le témoignage de Edmond-Jean-François Barbier : « Le Roi a donné ordre sur le champ de bataille qu’on eût grand soin des blessés. La présence du Roi qui allait dans tous les rangs, avec un sang froid surprenant, pour animer les troupes, a beaucoup contribué au gain de cette bataille qui est très importante et infiniment glorieuse pour le Roi, étant sa première. Le Prince de Soubise, le duc de Richelieu, le duc d’Aumont, de Boufflers et tous les seigneurs et officiers généraux ont fait des prodiges. Le duc de Biron a eut cinq chevaux tués sous lui. La Maison du Roi a fait des miracles et l’on dit qu’on lui doit la réussite. Elle en voulait aux Anglais depuis la malheureuse affaire de Dettingen car plus des trois quarts des morts ou blessés sont anglais.»
Quand il entra dans Paris en évitant les fastes voulus par les parlementaires faisant payer les factures au peuple…Ces hypocrisies bourgeoises le dérangeait car les Corps de métier étaient encore endettés…Il pénétra sobrement en carrosse accueilli par le peuple de Paris et entra dans Notre Dame pour remercier Dieu de la victoire. Un « Te Deum » retentit sous les drapeaux aux couleurs multiples pris à l’ennemi. Nous ne pouvons décrire ici la liesse populaire qui l’accueilli à la sortie de la messe avec les Dames des Halles, car aucun écrit ne peut représenter l’atmosphère et la joie populaire ressenti des humbles avec leur Roi. A Metz, Louis XV gagnait le titre de Bien-aimé du peuple comme Voltaire vieillissant le considérera toujours. A Fontenoy, c’est l’Europe qui l’aima pour des sentiments dont elle reconnaissait les sources vives. Louis XV dévaluait les doctrines « nouvelles » qui ne représentaient qu’un retour en arrière vers le paganisme (Del Perugia). « Les soldats qui le virent pleurant sur les lauriers de Fontenoy, parcourant les hôpitaux, consolant les blessés, s’écriant au milieu de ces tristes victimes de la victoire : Anglais, Français, ennemis, sujets, que tous soient également traités : ils sont tous des hommes ». Une décision de l’Académie Française signée plus tard par d’Alembert, demandera la publication de ce discours. Le jour où l’humanisme d’un Roi fut plus grand que les théories libérales fumeuses du monde qui allait naître… Les victoire s’égrèneront comme Bruges, Gand, Oudenarde, Deutermonde, Ostende…
Nous sommes loin des guerres d’enfer et massacres en masse des populations civiles, que nos sociétés dites évolués et démocratiques sont capables d’infliger. Il serait long d’énumérer les multiples invasions du territoire depuis que les rois s’en sont allés mais dans la vieille église , au bord de la plaine ondulant de Sedan à Waterloo, se cache, aujourd’hui encore, le monument que Louis XV a voulut y laisser : une statue de la Vierge tenant son fils porteur du globe terrestre. Sur le socle brille l’inscription dorée : « Don du Roi Louis XV ». Louis XV vivait alors sans fastes ni dépenses en rapport à certains qui l’entouraient. Certes il y eut des mauvais et des moins bons mais au delà des abus et vices qui touchent la faible nature humaine, regardons l’œuvre générale qu’ils ont laissés. A l’heure des scandales incessants qui nous rongent, d’un système que plus rien d’humain ne touche, des catastrophes et misères connus et à venir, n’est-il pas souhaitable de retrouver dans une famille liée à notre peuple par l’histoire commune, le soin de conduire notre destinée. Souhaitons alors être guidé par un grand homme comme le furent nos Capétiens et non comme les voleurs d’une république qui devant les dangers fuient vers l’étranger. Comprenez combien la révolution et la république vous ont menti. Le règne de l’usure et de l’argent dirige la république aux ordres du nouvel ordre mondial. Aucun régime n’est idéal, la leçon de Louis XV fut ce jour celle des grands chefs d’Etat. Il ne tient qu’à vous de le découvrir, en cherchant au fond de vous-même, ce qui fit de vos ancêtres des hommes qui jetaient leur tricorne dans les airs en s’époumonant du Vive le Roi, traversant les siècles. Car comme disait Marcel Jullian : « Peuple et Roi sont de droit divin ». Libérez-vous et brisez vos chaînes, vous comprendrez alors, que seul un Roi ouvre la voie de l’humanisme….
« Voyez ; je suis vieille, mais je suis belle ; mes enfants pieux ont brodé sur ma robe des tours, des clochers, des pignons dentelés et des beffrois…Ils passent, mais je reste, je suis leur mémoire…Regardez cette fontaine, cet hôpital, ce marché que les pères ont légués à leurs fils.Travaillez pour vos enfants comme vos aïeux ont travaillé pour vous. Chacune de mes pierres vous apporte un bienfait et vous enseigne un devoir… » Anatole France
Frédéric Winkler