Le déclin du monde moderne

Démocratisation2

Il serait bien trop long de faire le bilan général de la société actuelle dans ce qu’elle a de dégénérescente. Nul besoin d’être un grand penseur ou un observateur chevronné pour comprendre que notre société va de plus en plus mal. Allumez juste votre téléviseur et regardez une émission de téléréalité. Un genre de « divertissement » spécialisé dans la mise en valeur des plus médiocres. Le matérialisme et l’individualisme forgent désormais notre quotidien. Rien ne se fait sans ces deux fléaux dont les conséquences sont à tous les niveaux. Nos hommes politiques n’inspirent plus la confiance depuis bien longtemps aux yeux des français. Bref ! Sans chercher à rentrer dans les détails, une période de crise générale s’est amorcée depuis quelques années déjà, et l’avenir n’est pas vraiment prometteur…
Charles de Montalembert disait : « Les longs souvenirs font les grands peuples. La mémoire du passé ne devient importune que lorsque la conscience du présent est honteuse. » Difficile aujourd’hui de ne pas considérer la conscience du présent comme honteuse.

On comprend dès lors parfaitement, la raison pour laquelle l’Education Nationale cherche à expurger au maximum les contenus glorieux dans ses livrets scolaire d’Histoire de France. Ou également, pour tous ceux qui ont encore quelques réminiscences scolaires, qui se souviennent de l’expression rendue célèbre par les révolutionnaires lors de la « nuit du 4 Août », la nuit dite de « l’abolition des privilèges » : « faisons table rase du passé » !!!! Et oui ! Faire table rase du passé, comme si, déjà à cette époque, ils avaient hontes des grandes périodes les ayant précédées…
Il est difficile de porter un bon jugement sur quelque-chose si on ne prend pas la peine de se référer à des exemples passés.

Une personne qui fait une course de vitesse seule sera toujours satisfaite de son score. Mais si cette personne fait une course avec une autre personne plus performante, alors elle se rendra compte qu’elle n’est pas la meilleure et prendra conscience du travail qu’il lui reste à faire pour se perfectionner.
C’est à peu près dans cette logique que nous allons mettre en évidence les défaillances de notre civilisation moderne en la comparant aux enseignements de l’histoire, forgés et transmis par nos ancêtres. Le but n’étant nullement de conclure qu’avant c’était mieux et qu’aujourd’hui ne vaut plus rien. Non ! Notre objectif est de puiser tout ce qu’il y a eu de grand et de positif dans l’évolution des grandes civilisations aux files des millénaires, en commençant par la nôtre : La civilisation française. Cette pratique comparative est couramment désignée comme un « regard empirique ». Et c’est avec ce genre de comparaison que l’on pourra juger plus sereinement notre civilisation présente, et mettre en relief ses défaillances.

couvasc27Comme cette année 2014 est l’année du centenaire de la Première Guerre Mondiale et des 800 ans de la bataille de Bouvines, nous allons commencer par un regard empirique sur la guerre.
La guerre de 14 fut particulièrement atroce et coûta la vie à près d’un million et demi de français. Au Moyen Âge, une guerre comme la Guerre de 14 aurait été parfaitement impossible. Et ce pour plusieurs raisons. La première, qui est la plus évidente, étant la technologie. Les mitrailleuses, les chars d’assaut, les avions, les grenades, les obus etc, n’existaient pas au Moyen Âge. Faire la guerre à cette époque-là, c’était un art et un honneur. Le corps à corps, si possible à l’épée, était de rigueur et une éthique de noblesse. Leurs tenues n’étaient pas camouflées, il fallait au contraire se faire remarquer par des actions d’éclats, avec des couleurs vives arborant les armes des diverses familles présentes. Jamais un chevalier au Moyen âge n’aurait accepté les 1/10ème de notre technologie actuelle tant elle lui paraîtrait honteux comme pratique de combat.
Tuer un homme au fusil à lunette à distance, atomiser une ville entière en appuyant sur un simple bouton ou mitrailler des centaines d’homme en appuyant une seule fois sur une gâchette planqué dans un bunker, pour un chevalier du XIIIème siècle cela aurait été le plus grand déshonneur et la honte absolue. Il faut dire qu’à cette époque, l’alliance entre la science et la guerre était quasi inexistante et il aurait été difficile qu’il en soit autrement lorsque l’on songe aux mœurs et aux règles qui régissaient les lois de la guerre à cette époque. Souvenons-nous les problèmes liés à la venue de l’arbalète sur le champ de bataille et les polémiques s’y rapportant…Aujourd’hui nous savons ce qu’il en est. L’éthique dans la guerre s’est dissipée au fil du temps depuis les théories révolutionnaires de la guerre totale, même si des survivances de chevalerie ont encore existés entre combattants lors de la deuxième guerre, notamment entre aviateurs (Douglas Bader, pierre Clostermann, mémoires…). Depuis les désastreuses expériences des conflits du XXème siècle, la science est au service de la guerre, nous voyons chaque jour, de plus en plus d’armes sophistiquées conçues pour la guerre d’usure et donc les massacres de masse. Les américains ont ouvert la voie avec Hiroshima et Nagasaki montrant un visage nouveau de la guerre, on massacre sans laisser aucune issue aux civils, femmes, hommes, enfants et vieillards, et ce dans le seul but d’économiser des soldats ! La science au service de la barbarie !
Voici un petit extrait de « Le matin des magiciens » de Louis Pauwels et Jacques Bergier ou il est question d’une mitrailleuse présentée à Louis XVI :

« Plus près de nous, en 1775, un ingénieur français, Du Perron, présenta au jeune Louis XVI, un « orgue militaire » qui, actionné par une manivelle, lançait simultanément vingt-quatre balles. Un mémoire accompagnait cet instrument, embryon des mitrailleuses modernes. La machine parut si meurtrière au Roi, à ses ministres Malesherbes et Turgot, qu’elle fut refusée et son inventeur considéré comme un ennemi de l’humanité.
A tout vouloir émanciper, nous avons aussi émancipé la guerre. Jadis occasion de sacrifice et de salut pour quelques-uns, elle est devenue la damnation de tous. »

Voilà comment Louis XVI, qui fut qualifié de « Tyran » par les révolutionnaires, considèrerait notre époque : comme « ennemi de l’humanité ». Cette conception de vie, où l’on voit un Louis XV pensionner un inventeur d’explosifs terrifiants pour qu’il ne divulgue pas son arme de mort au risque de rendre la guerre inhumaine, nous surprend par son humanisme : « Un joaillier grenoblois du nom de Dupré, inventa un feu grégeois qui eut un certain succès en 1759. Le Maréchal de Belle-Isle eut, après quelques expériences de bons résultats. Louis XV, par sentiment d’humanité, trouva que : « le génie de l’homme était trop inventif pour la destruction ».Le susnommé Dupré reçut une pension de 2000 livres et le cordon de saint-michel, après destruction complète de l’invention… » Rappelons aussi ce que Louis XV enseignait à son Fils de Dauphin de France, lors de la bataille de Fontenoy en 1745 :
« Voyez ce qu’il en coûte à un bon cœur de remporter des victoires. Le sang de nos ennemis est toujours le sang des hommes, la vraie gloire est de l’épargner »

La deuxième raison qui justifie qu’une guerre comme la Guerre de 14 aurait été impossible au Moyen-Âge est la « Mobilisation générale ». Et oui ! Cette fameuse mobilisation qui ne choque plus personne aujourd’hui était parfaitement inexistante au monde médiéval. La raison en était simple, comme la guerre était à cette époque un honneur, une manière d’inscrire son nom dans l’histoire, donc réservée aux seigneurs. Depuis les débuts de la féodalité, ceux-ci devaient payer l’impôt du sang alors que les paysans demeuraient aux champs, protégés par les lois de l’Eglise, interdisant toute violence envers eux, comme aux femmes, aux enfants et aux vieillards. Sans compter les dimanches et fêtes religieuses interdisant les conflits (Paix et Trêve de Dieu)…

Plus tard c’est un système de recrutement dans les campagnes qui autorisera les gens du peuple à participer aux campagnes militaires des Rois. Le paysan avait le choix d’aller ou de ne pas aller à la guerre. Son goût pour l’aventure pouvait le motiver à partir, sinon il restait bien sagement dans sa ferme. Lors de la bataille de Bouvines en 1214, le Roi Philippe Auguste fit appel à ce que l’on appelait à cette époque « les milices communales ». Dix-sept des trente-neuf communes de l’État capétien répondirent à l’appel. Ce qui traduit un caractère non obligatoire à la participation d’une bataille à cette époque.

C’est la révolution de 1789 qui va imposer pour la première fois cette notion de mobilisation générale et de « guerre totale ». Il s’agissait de la fameuse levée en masse de 300 000 hommes pris parmi les célibataires ou veufs de 18 à 25 ans, décidée le 23 février 1793 par la Convention. Ceci afin d’assurer une guerre, qu’ils avaient eux-mêmes déclenchés, condition nécessaire pour renverser le Roi. C’est cette levée en masse obligatoire qui fut l’une des causes des Guerres de Vendée car les paysans à cette époque n’avaient pas l’habitude qu’on les force à faire une guerre inutiles et dont ils n’étaient en rien responsables. Cette mobilisation générale restera une pratique constante aussi bien pour les républiques que pour les empires, le roi, à partir de ce moment et jusqu’à nous, représentera désormais pour le peuple, à chaque restauration les conditions nécessaires pour la paix.

C’était donc tout naturellement dans la logique républicaine qu’en 1914, lorsque la guerre fut déclarée à l’Allemagne que la troisième république ordonna la mobilisation générale le 2 août 1914. C’était donc au nom de la liberté soi-disant acquise depuis 1789, et des Droits de l’homme, que le français de 1914 avait perdu sa liberté d’aller ou de ne pas aller à la guerre ! La guerre de 14 fut la conséquence de cette alliance entre une mobilisation générale forcée et une science au service des technologies meurtrières. La suite nous la connaissons….
Et force est de constater qu’aujourd’hui encore la notion de « Mobilisation générale » est toujours de rigueur en France, et la science est toujours au service de la guerre avec des conséquences futures qu’il est préférable de ne pas imaginer….

Pour ce qui est du chef de l’Etat.

Faisons une comparaison entre un président aujourd’hui et un Roi d’Ancien Régime. La différence fondamentale entre un Roi de France et un président de la république se trouve déjà dans le titre lui-même. Un Roi de France comme son titre l’indique, n’est Roi que parce qu’il y a une France. Et qu’en conséquence si la France chute, le Roi chute avec, car son titre n’a de réalité que tant que la France existe. C’est ce qui failli se produire avec Charles VII, mais Jeanne d’Arc en décida autrement. C’est l’une des raisons pour laquelle le Roi ne peut pas faire ce qu’il veut quand il est au pouvoir, mais doit au contraire tout faire pour tirer son pays vers le haut et œuvrer en permanence pour le bien-commun de son Peuple.

En comparaison, un président de la république, comme son titre l’indique, n’est président que parce qu’il y a une république. De ce fait même si la France chute, ou tombe en décadence, tant qu’il y a une république en tant que système de gouvernement, cela reste la priorité, plus que l’existence même de la France. Un Roi incarne la stabilité politique de son pays pour toute une vie, alors qu’un président actuel n’incarne qu’une idéologie pour cinq ans. Un Roi transmet naturellement sa couronne à son fils ainé, alors qu’un président doit être élu tous les cinq ans avec les dépenses considérables qu’engendre chaque élection. Tout comme la fortune d’un roi appartient à l’Etat, à la France, à son rayonnement, alors qu’un président, au scrutin éphémère, est finalement là, pour se servir. Chaque président part de l’Etat, les poches remplis, quelle gabegie, pendant que l’éducation Nationale sermonne nos enfants sur les dépenses de la Monarchie, de qui se moque-t-on !

Un Roi est formé dès son enfance à son futur métier de Roi, alors qu’un président n’est le plus souvent qu’un petit arriviste ambitieux, œuvrant souvent pour sa petite gloire personnelle. Nous ne parlerons pas des ministres incompétents en république, énarques, écumant tantôt à droite, tantôt à gauche à l’affut d’une place, élu d’une heure, salaire à vie et retraite doré. Les privilégiés d’avant avaient au moins de la classe, du panache et souvent mourraient aux frontières en défendant le peuple de leur sang, autre temps, autres mœurs ! Aujourd’hui « responsables mais pas coupables » les nouveaux privilégiés osent faire mourir le peuple innocent, pour assurer leurs portefeuilles dorés !
Un Roi incarne l’indépendance, alors que les présidents actuels sont le plus souvent soumis à des lobbies qui les contrôlent, et à travers eux, le pays. Un Roi dirige un pays qui est l’œuvre historique de toute sa famille, alors qu’un président n’a aucun lien historique ou peut n’avoir aucun attachement à notre histoire, qui est plus du domaine secondaire pour ne pas dire inutile pour certains. Un Roi représente son pays dans tout son ensemble, alors qu’un président ne représente qu’une minorité ayant voté pour lui et encore, car, il n’est que le produit de ralliements afin de gagner le deuxième tour ! (Même si après avoir été élu ils aiment à rappeler idéologiquement, qu’ils représentent la France dans son intégralité, ce qui est parfaitement inconcevable dans la logique du système républicain dans lequel ils évoluent.)

Pour ce qui est de l’accessibilité du Roi en comparaison d’un président actuel, la différence est assez symptomatique aussi. Voici quelques extraits issus du livre « Ce qu’était un Roi de France » de Frantz Funck Brentano :
« Dans les rues de Paris, le monarque se promène à pied ; le premier venu vient lui parler. Les chroniqueurs ont conservé un dialogue qui se serait engagé entre un pauvre jongleur et Philippe Auguste. L’histrion réclamait du vainqueur de Bouvines un don en argent:
« Ne suis-je pas, seigneur, votre parent ?
– Comment cela ?
– Je suis votre frère par Adam ; mais son héritage a été mal partagé et je n’en ai pas eu ma part.
– Reviens demain et je te la donnerai.»
Le lendemain. Dans son palais. Philippe Auguste aperçoit le jongleur parmi la foule. Il le fait approcher et, lui remettant un denier :
« Voilà ce que je te dois ; quand j’en aurai donné autant à chacun de nos frères descendus d’Adam, c’est à peine si de tout mon royaume, il me restera un denier. »
L’un de mes confrères de la presse parisienne se rendit à l’Elysée et demanda au concierge à voir le Président de la République.
– Mais on ne peut voir ainsi M. le Président ! Avez-vous une lettre d’audience ? Que désirez-vous ?
– Je désire voir le Président.
Le concierge, bon enfant, proposa au visiteur de l’introduire auprès du secrétaire de l’Elysée. Et il s’en alla annoncer au secrétaire cet inconnu qui, sans aucun autre motif, voulait voir le Président de la république.
– Ce doit être un fou, s’écria le secrétaire ; c’est très dangereux. Dites-lui qu’il m’écrive pour me demander audience.
Sous la Monarchie absolue, un chacun pouvait aller voir librement le Roi-Soleil en son palais du Louvre ou en son château de Versailles ; sous notre libre démocratie, j’avais projeté d’aller offrir mes hommages au Président de la République et je ne suis même pas parvenu jusqu’à son secrétaire ! »

Et oui ! Même les Rois qualifiés « d’absolus » comme Louis XIV était parfaitement accessible à n’importe qui. Ce qui en dit long sur les rapports de confiance qui existaient entre le Peuple et le Roi. Aujourd’hui difficile d’en dire autant depuis que nous avons la république du peuple, par le peule et pour le peuple… La mémoire de ce passé en devient d’autant plus importune !
Signalons au passage le président Hollande, faisant enlever les percuteurs des troupes qu’il visite ! Je parle de l’armée française, pas à l’étranger !!!

Pour ce qui est du monde du travail :

Laissons la parole à l’historienne Marion Sigaut. Voici quelques extraits de sa conférence sur : Comprendre les Lumières : aux sources de la prolétarisation du monde ouvrier :
« Le Chapelier à l’Assemblée cita abondamment à l’Assemblée Jean-Jacques Rousseau, théoricien du « entre l’individu et l’Etat, il n’y a rien »: « il n’y a que des individus séparés et la Volonté générale ». Il dit: « Il est sans doute permis à tout citoyen de s’assembler paisiblement et sans armes, mais il ne doit pas être permis aux citoyens de la même profession et du même Etat de s’assembler pour leur prétendu intérêt commun. Car il n’y a plus de corporation ni de société, il n’y a plus d’intérêts communs, il n’y a plus que des intérêts individuels et l’intérêt général pour la chose publique. »
Ça c’est du Rousseau. Robespierre n’a rien dit et la presse non plus. C’est le triomphe de Turgot. Chaque contrat de travail serait signé individuellement entre un ouvrier et un employeur qui, en termes civiques, étaient effectivement égaux. C’est « l’égalité » de la Révolution.

Conséquence : d’un côté on a des individus poursuivant chacun ses intérêts propres, de l’autre un Etat mandaté par le « Peuple souverain » et « représentant l’intérêt général ». Vaste plaisanterie… Le modèle ne comprend plus aucun corps intermédiaire. La Révolution est faite.
L’ancien processus de sélection s’est effacé devant la marchandisation. C’est l’argent le nouveau critère. L’argent sera le seul et unique prix de la maîtrise. Vous voulez vous installer comme charpentier ? Payez.
Le nouveau système relève de l’économie de marché et non plus de l’économie morale.
L’ouvrier sera tenu de s’incliner non plus devant l’autorité morale du maître, mais devant les exigences expresses de l’Etat, avec pour chapoter le tout, la police.
L’économie morale est battue en brèche par l’économie de marché, c’est le « libéralisme » apparu un siècle avant la révolution « française de 1789 » avec la révolution anglaise. « Le libéralisme c’est l’anglomanie ». Les ennemis des physiocrates et des Encyclopédistes c’étaient la monarchie absolue catholique.
Un ouvrier incorporé (avant 1789) ne connaissait pas le chômage et si un individu n’avait pas de corps et connaissait le chômage il était de toute façon secouru, soutenu et pris en main par une corporation. Ex: un domestique sans travail rencontre un domestique qui en a un et le lendemain il trouve du travail. Ce n’est pas l’Etat qui gère le travail, c’est la base qui se gère toute seule, ce n’est pas l’Etat qui s’en occupe. Le monde ouvrier d’Ancien Régime se gère, s’occupe de ses affaires et a l’oreille des autorités. Le roi reçoit régulièrement les corporations.
Si on devait revenir à ce système, cela pourrait partir de la base avec des métiers qui s’organisent seuls.
En France, le roi n’a pas voulu obéir aux riches : on lui a coupé la tête. Et ce n’est pas « le Peuple » qui a demandé ça. La façon dont on nous a présenté les choses (1789) est tronquée. »

Voilà qui explique en partie les défaillances du monde du travail d’aujourd’hui. La révolution de 1789 fut la porte ouverte au libéralisme économique que Louis XVI, tant bien que mal, cherchait à combattre pour la protection de son peuple. Autrefois il régnait une réelle liberté au sein de ces fameuses corporations, qui établissait elles-mêmes les règles du travail, leurs us et coutume, les formations et dont le Roi était le protecteur.
Dans son analyse, Charles Péguy avait mis en évidence un second fléau qui frappa le monde du travail. Dans son œuvre «L’Argent » qu’il rédigea en 1913, il dénonça l’embourgeoisement de la classe populaire travailleuse. Il fit à ce sujet un remarquable regard empirique assez intéressant :
« Nous avons connu un honneur du travail exactement le même que celui qui au Moyen-Âge régissait la main et le cœur. C’était le même conservé intact en dessous. Nous avons connu ce soin poussé jusqu’à la perfection, égal dans l’ensemble, égal dans le plus infime détail. Nous avons connu cette piété de l’ouvrage bien fait, poussée, maintenue jusqu’à ses plus extrêmes exigences. J’ai vu toute mon enfance rempailler des chaises exactement du même esprit et du même cœur, et de la même main, que ce même peuple avait taillé ses cathédrales.
Que reste-t-il aujourd’hui de tout cela ? Comment a-t-on fait, du peuple le plus laborieux de la terre, et peut-être du seul peuple laborieux de la terre, du seul peuple peut-être qui aimait le travail pour le travail, et pour l’honneur, et pour travailler, ce peuple de saboteurs, comment a-t-on pu en faire ce peuple qui sur un chantier met toute son étude à ne pas en fiche un coup.
Ce sera dans l’histoire une des plus grandes victoires, et sans doute la seule, de la démagogie bourgeoise intellectuelle. Mais il faut avouer qu’elle compte. Cette victoire.
Il y a eu la révolution chrétienne. Et il y a eu la révolution moderne. Voilà les deux qu’il faut compter. Un artisan de mon temps était un artisan de n’importe quel temps chrétien. Et sans doute peut-être de n’importe quel temps antique. Un artisan d’aujourd’hui n’est plus un artisan. »

Déjà à cette époque, Charles Péguy constatait qu’une décadence s’était amorcé dans le monde du travail, et surtout dans les mentalités des travailleurs eux-mêmes. L’honneur ancestral du travail avait fait place à l’esprit bourgeois généralisé, qui poussait le peuple à mettre toute son étude à ne pas en fiche un coup !
Aujourd’hui le libéralisme économique et cette mentalité bourgeoise associée au culte du confort sont les deux fléaux qui régissent nos sociétés modernes dans le cadre du monde du travail. Il ne faut pas s’étonner dès lors s’il y a des délocalisations, un chômage élevé, le règne de l’argent et du mondialisme. L’économie souffre dans un climat social vivant de luttes interminables entre syndicats patronaux et syndicats employés, chacun voyant midi à sa porte par pur individualisme, sans esprit de corps et de solidarité.

Nous pourrions parler aussi de la vie sociale. Jadis chaque village en France était une source de vie. Il n’y avait pas de télévisions ni d’internet ou de radio, le monde virtuel n’existait pas, les gens se côtoyaient. Le progrès technique a supplanté le progrès de l’homme. Ce n’était pas encore la suprématie des voitures, chaque rue des villes et villages étaient en priorité piétonnes.

Les fêtes à cette époque pouvaient durer toute une semaine. C’est d’ailleurs ce qui se produit à Paris lorsque le Roi Philippe Auguste rentra dans la cité vainqueur de la bataille de Bouvines en 1214. Cela en dit long sur le sens de la vie et la joie qu’il y avait à cette époque. On est loin des boîtes de nuits ou souvent il y règne la musique américaine assourdissante, l’alcool à foison et drogues en tous genre… On ne parlera pas des raves party…
Pas plus tard encore que le début du siècle dernier, le vouvoiement était de rigueur, il était une marque de respect envers son prochain. Aujourd’hui il est devenu limite insultant, voir seulement utilisé pour garder une certaine distance hiérarchique dans le cadre du monde du travail. Il n’est pas rare de rencontrer des gens qui vous demandent de les tutoyer prétextant une certaine gêne à être vouvoyé.

Nous pourrions aussi parler de la religion. Jadis pendant des siècles, elle fut une pratique constante chez nos ancêtres. Il n’y a qu’à voir les églises et les cathédrales surtout celles du XIIème et XIIIème siècle pour se rendre compte de l’importance et de la considération qu’avaient nos pères pour la religion. C’est cette maîtrise de la transcendance qui éleva notre civilisation aux files des siècles. Aujourd’hui, pas besoin de faire un bilan de ce qui reste de notre religion historique. Depuis la révolution de 1789, les diverses républiques qui se sont succédées jusqu’à aujourd’hui, n’ont eu de cesse de détruire un peu plus chaque jour la religion chrétienne, afin d’imposer la sienne, à savoir une laïcité aux origines maçonniques. Le Veau d’Or à prit ensuite la place des Tablettes de la Loi, et c’est le matérialisme et le consumérisme associé à l’hédonisme qui remplacèrent dans les cœurs et dans les mœurs ce qu’autrefois nos ancêtres avaient accumulé par tradition et par sentiment. Alors, on s’étonne, et on s’indigne quand une autre religion comme l’Islam s’implante au fil du temps sur notre sol chrétien. Mais l’implantation de l’Islam en France n’est-t-il pas la conséquence du vide spirituel des français de souches ? Vide spirituel qui a pour conséquence l’abandon de nos églises. On s’indigne encore de voir ces églises être démolies parce qu’il n’y a plus de fonds pour pouvoir les rénover ? Ou se trouve cet argent qui aurait pu sauver ce patrimoine religieux ? Et bien il se trouve dans votre téléviseur, votre I-phone, votre console de jeux, vos derniers vêtements de marque à la mode…etc. L’argent à supplanté le christianisme, on a retiré la transcendance de tout un peuple pour le plonger dans une nouvelle forme d’esclavagisme tout en lui faisant croire qu’il est au sommet de la liberté !

Observons également ce qu’est devenue notre architecture. Il n’est pas rare de constater dans les campagnes de France, des vieilles fermes ou chaumières datant du XVIIIème siècle voire pour certaines directement du Moyen-Âge. Comment ne pas être effaré de voir ces anciens bâtiments qui étaient ceux des pauvres et des paysans d’autrefois alors qu’aujourd’hui en ce début du XXIème siècle, les moins riches n’ont droit qu’à un petit appartement dans une grande tour sans âme, souvent de couleurs grise, aux allures carcérales. Ces vieilles chaumières se vendent aujourd’hui à prix d’or, alors qu’elles étaient autrefois la maison du pauvre pour des générations de familles. Ces chaumières ont su traverser le temps, ce qui en dit long sur la qualité de leur construction. Aujourd’hui les petites villas en parpaing ont en moyenne une durée de vie de quelques dizaines d’années. On ne construit plus pour transmettre mais seulement pour que les entreprises spécialisées dans ces constructions s’enrichissent rapidement. Rien ne durera de ce monde d’argent et c’est peut-être pas plus mal comme ça. Mais il faudrait songer à un autre monde possible…

Bref ! Nous pourrions faire un dossier complet sur tout ce qui constitue notre civilisation actuel, le comparer avec différentes périodes de notre histoire qui nous enseigne une vision différente et souvent bien plus mature de ce que nous faisons aujourd’hui. Pour conclure, une citation de Paul Valery parfaitement adapté à notre exposé, s’opposant au principe de faire table rase du passé ou de considérer ce dernier comme une simple nostalgie :
« La véritable tradition, ce n’est pas de refaire ce que les autres ont fait, mais de retrouver l’esprit qui a fait ces choses et qui en ferait d’autres, dans d’autres temps ».

P-P Blancher

Laisser un commentaire