RICHESSE de L’ANCIEN REGIME
Ecoutons la citation de Pierre de Vaissière dans « Gentilshommes campagnards de l’Ancienne France » : « L’exemple des bons vieux pères et prud’hommes romains, comme Cincinnatus, Attilius Collatinus, Scipion l’Africain et autre personnage de tel calibre qui, de leur charrue appelés aux armes, des armes s’en retournoient à la charrue ».
A la veille de la Révolution, la Féodalité ne subsistait plus que par quelques droits. Ces droits étaient considérés comme vexatoires par la paysannerie, dont la réussite sociale était incontestable. Dans la plupart des cas, ces droits n’étaient pas ou peu perçus. Le Duc de Cossé-Brissac disait à ses régisseurs : « Vous ferez beaucoup de bruits, mais vous ne ferez de contrainte que dans les cas urgents et indispensables » Pierre Gaxotte cite dans son livre « La Révolution Française », de nombreux cas de non paiements durant une trentaine d’années…
C’était surtout des sujets de tracasseries pour certains arrivistes nobliaux, hobereaux s’ennuyant et perdant du temps dans des procédures juridiques interminables. L’ancienne France était un enchevêtrement de droits et privilèges. Albert Babeau parlait de « self-government » en étudiant le monde rural : « 40 000 associations naturelles délibéraient sur leurs propres intérêts et choisissaient leurs agents ». Certains paysans achetaient leurs terres et les cas n’étaient pas rares. La situation de beaucoup de nobles, à la veille de la Révolution, faisait plus pitié qu’envie, car leur puissance comme leur richesse s’étaient au fil du temps, considérablement réduite face à la bourgeoisie triomphante. A chaque critique désolante sur la France de jadis, nous trouvons des textes qui contredises ces généralisations hasardeuses de notre passé. On ne peut généraliser aucun jugement dans une France si diversifiée de part ses climats, ses sols, ses coutumes, ses lois et ses habitudes de vie. Nos ancêtres n’avaient pas la tristesse d’aujourd’hui, tout était occasion à rire et à chanter, écoutons Stevens : « On dansait au Carnaval, aux fêtes publiques ; on dansait à la fauchaison, aux semailles, aux vendanges. En Novembre on se groupait pour « émoiser », et on dansait encore ; dames de châteaux, demoiselles, messieurs, paysans, paysannes domestiques, tous dansaient ensemble sans distinction de rang ou de naissance. Quand on ne pouvait plus danser, on chantait ; et il en était ainsi du Nord au Midi, de l’Est à l’Ouest. Heureux peuple ».
Comme le dit Frantz Funck Brentano dans son magnifique livre « L’Ancien Régime », véritable bible du pays jadis, on dansait aux villanelles, aux chansons, bourrées berrichonnes et auvergnates, sauteuses du Nivernais, gavottes du Dauphiné, branles de Bourgogne, farandoles de Provence, gaillardes , laitières, sabotières, rigodons…On le voit un peu dans le film « Chouan » ou paysans et nobles s’amusent ensemble dans l’Ouest profond… Qui n’avait pas connu l’Ancien Régime, n’avait pas connu la douceur de vivre (Talleyrand).
Les archives révèlent des banquets de mariage durant une semaine et le fait n’est pas rare…N’oublions pas que l’impôt rural, la Taille était fixée en fonction des signes extérieures de richesse et que ses collecteurs étaient des paysans choisis à tour de rôle, d’où l’intérêt de se plaindre et l’étalage de signes de pauvreté aux regards indiscrets…Il n’est pas rare que le seigneur campagnard, soit aussi pauvre que ses paysans, avec lesquels il vivait en parfaite harmonie. Il était d’ailleurs souvent soumis aux mêmes contraintes fiscales que ses paysans. J.Schmidt dans l’introduction à « Gentilshommes Campagnards » de Pierre de Vaissière : « …Les gentilshommes campagnards sont proches de leurs métayers, de leurs ouvriers agricoles, de leurs journaliers et sortent souvent de leurs manoirs et de leurs gentilhommières, très différents des châteaux princiers, pour pousser eux-mêmes la charrue, la désembourber s’il le faut, discuter de la dernière moisson ou de la prochaine vendange, sans avoir le sentiment de déroger, sans non plus sombrer dans la démagogie ou le paternalisme : ils aiment simplement, dignement la terre, ce qu’elle produit, ses fécondités, ses générosités et se sentent de plain-pied avec ceux qui, comme eux, en vivent ».
LA MONARCHIE et la BUREAUCRATIE
« On ne peut faire un pas dans ce vaste royaume, sans y trouver des lois différentes, des usages contraires, des privilèges, des exceptions, des affranchissements d’impôts, des droits et des prétentions de toute espèce » disait Calonne.
Il nous est difficile d’imaginer aujourd’hui, après deux cent ans de fonctionnarisme triomphant et d’assistanat complet, l’état de la France libre d’alors. L’Etat Royal très puissant dans ses attributions propres ne pouvait en aucun cas déborder ses pouvoirs sans risque de contestations au moins aussi puissantes que lui dans ses fonctions. On arrivait à ce mélange exceptionnel d’autorité et de libertés dans cette imbrication de coutumes et lois diverses. Le bureaucrate socialisé détient aujourd’hui l’autorité. Ses pouvoirs sont arbitraires et suprêmes, inimaginables pour nos ancêtres imbus de libertés publiques et très attachés à leurs droits et privilèges acquis parfois au prix du sang. Actuellement, le pouvoir fonctionnarisé détient le droit de vous prendre vos biens, vos enfants, de percevoir plus que de raison, de contraindre votre femme au travail car votre salaire est insuffisant, au lieu de reconnaitre son droit au salaire maternel !, de vous envoyer à la mort sur le terrain du carnage par les guerres d’enfer issues de la Révolution (autrefois celles-ci étaient affaire de professionnels, limités dans le temps, avec des principes et bien codés).
Ce pouvoir fonctionnarisé est puissant et sans limite. Il est le vainqueur de l’Ancien Régime. Ecoutons Pierre Gaxotte : « Il connait nos revenus et fait l’inventaire de nos héritages. Il sait si nous possédons un piano, une automobile, un chien ou une bicyclette. Il instruit nos enfants et fixe le prix de notre pain. Il fabrique nos allumettes et nous vend notre tabac. Il est industriel, armateur, commerçant et médecin. Il a des tableaux, des forêts, des chemins de fer, des hôpitaux et le monopole des téléphones. Il accapare la charité. Si nous appartenons au sexe masculin, il nous fait comparaître devant lui, nous pèse, nous mesure et examine le fonctionnement de notre cœur, de nos poumons et de notre rate. Nous ne pouvons faire un pas ou un geste sans qu’il en soit averti et sans qu’il trouve prétexte d’intervenir » (La Révolution Française).
Il n’y a rien de plus étranger à l’ancienne France que cette situation là. A chaque nouvelle province acquise, le Roi garantissait les droits et coutumes existants et ainsi ne dérangeait aucune organisation, habitude de vie et de pensée. Cette conception de vie, où l’on voit un Louis XV pensionner un inventeur d’explosifs terrifiants pour qu’il ne divulgue pas son arme de mort au risque de rendre la guerre inhumaine, nous surprend par son humanisme : « Un joaillier grenoblois du nom de Dupré, inventa un feu grégeois qui eut un certain succès en 1759. Le Maréchal de Belle-Isle eut, après quelques expériences de bons résultats. Louis XV, par sentiment d’humanité, trouva que : « le génie de l’homme était trop inventif pour la destruction ».Le susnommé Dupré reçut une pension de 2000 livres et le cordon de saint-michel, après destruction complète de l’invention… »
Rappelons aussi ce que Louis XV enseignait à son Fils de Dauphin de France, lors de la bataille de Fontenoy en 1745 :
« Voyez ce qu’il en coûte à un bon cœur de remporter des victoires. Le sang de nos ennemis est toujours le sang des hommes, la vraie gloire est de l’épargner ».
On est loin de Hiroshima et Nagazaki au nom des démocraties et des Droits de l’Homme…
Voici un petit extrait de « Le matin des magiciens » de Louis Pauwels et Jacques Bergier ou il est question d’une mitrailleuse présentée à Louis XVI :
« Plus près de nous, en 1775, un ingénieur français, Du Perron, présenta au jeune Louis XVI, un «orgue militaire » qui, actionné par une manivelle, lançait simultanément vingt-quatre balles. Un mémoire accompagnait cet instrument, embryon des mitrailleuses modernes. La machine parut si meurtrière au Roi, à ses ministres Malesherbes et Turgot, qu’elle fut refusée et son inventeur considéré comme un ennemi de l’humanité.
A tout vouloir émanciper, nous avons aussi émancipé la guerre. Jadis occasion de sacrifice et de salut pour quelques-uns, elle est devenue la damnation de tous. »
Voilà comment Louis XVI, qui fut qualifié de « Tyran » par les révolutionnaires, considèrerait notre époque : comme « ennemi de l’humanité »
Nous sommes habitués au contraire, armé de la religion nouvelle des droits de l’homme et broyé par l’administration qui peut décider de nous envoyer dans les guerres ou plus rien d’humain n’existe (camp de la mort, massacres de femmes et enfants, destruction de cités…). Situation inimaginable dans « l’obscur moyen-âge » sous l’aval d’un roi de France si cruel soit-il. Louis XIV disait : « Sa Majesté promet et jure sur les Saints Evangiles qu’elle et ses augustes successeurs les tiendront et maintiendront bien et loyalement en tous et quelconques leurs privilèges, franchises et libertés, anciennes possessions, usages, coutumes et ordonnance, et généralement qu’Elle fera tout ce qu’un Prince et Comte Palatin de Bourgogne est tenu de faire. »
La Monarchie issue de la Féodalité unifia au fil du temps les pays et les hommes qui constituèrent la diversité Française. Ecoutons encore Pierre Gaxotte : « Elargissez cet exemple, représentez-vous les provinces, les villes, les classes, les associations, les métiers, les offices, pourvus de chartes, de droits, de statuts, d’immunités de toute nature, et vous aurez une idée, de ce qu’était la France de Louis XV et de Louis XVI et de la manière dont pouvait s’y exercer la volonté royale. »
Il est toujours bon de sortir la vérité des archives afin de confronter les incohérences de la pensée dominante. Inlassablement nous montrerons le caractère indéniable de l’humanisme réel d’une institution ancrée dans l’inconscient collectif de notre peuple : Le caractère social de la monarchie à Dunkerque :“…les heureuses conséquences sociales, par un privilège que Louis XIV avait octroyé aux habitants de Fort-Mardyck et qui s’était perpétué. Pour peupler ce nouveau port, le Roi-Soleil avait décidé que chaque foyer qui s’y fonderait recevrait en cadeau de mariage un lopin de terre d’un demi-arpent d’ordonnance (2400m2 d’aujourd’hui), prélevé sur les dunes, et où trouverait place sa chaumière et son jardin. Si bien que la Ligue du Coin de Terre aurait dû honnêtement se mettre sous le patronage du plus absolu de nos rois ! “
Notre jour viendra !
Frédéric Winkler