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Tandis que la grande ombre de l’abstention s’étendait sur les urnes et que le soleil inondait la France, le Groupe d’Action Royaliste faisait banquet ce dimanche 18 juin pour la dernière fois de l’année scolaire, au terme d’une longue période électorale épuisante et fort déstabilisante pour les anciens équilibres politiques, désormais obsolètes. En présence d’une cinquantaine de convives, Jean-Philippe Chauvin a déroulé quelques éléments de réflexion sur le thème de « la Monarchie pour une vraie démocratie », dont voici le résumé ci-dessous :
La République s’est donnée un nouveau président, à l’issue d’élections plus animées par les affaires et les juges que par les vrais débats économiques, sociaux ou tout simplement politiques : on peut le regretter, mais c’est ainsi… Il est vrai que nous vivons à l’ère de la communication, et le règne de la transparence ressemble de plus en plus à celui des juges. Sommes-nous désormais les sujets d’une République des juges qui s’imposerait au Politique et ordonnerait ses décisions et l’orientation du Pouvoir d’État ? Peut-être pas encore, mais certains en rêvent, et ce n’est pas sain pour la qualité du discours et de la discussion politiques…
Et c’est ainsi, en définitive, que M. Macron a profité des circonstances autant que du soutien, fort peu discret, des grands médias et de l’Union européenne (en ses institutions et commensaux) qui, désormais, s’invite sans vergogne dans nos élections et débats français, décidant pour nous de ce qui est bien et de ce qui est mal. Ainsi, selon la Commission européenne, il ne pouvait y avoir que deux candidats acceptables, viables et, surtout, « eurocompatibles », MM. Fillon et Macron, ce dernier devenant son favori après les ennuis judiciaires du candidat de la Droite républicaine, et son « chouchou » quand il revendiquait haut et fort son europhilie et sa modernité.
Ainsi fut-il élu, presque sans peine…
Mais il n’alla pas célébrer sa victoire à la Bastille ou à la République, lieux symboliques et habituels de cette Gauche qui se réfère à une Révolution dont les ouvriers et paysans furent pourtant les principales victimes comme l’avait bien compris le socialiste Proudhon. C’est au Louvre qu’il se rendit, dans le palais des rois, dans ce lieu d’histoire qui est la preuve la plus forte et convaincante que la France n’est pas née en 1789 !
Hommage du vice à la vertu, diront certains d’entre nous, mais ne boudons pas notre plaisir de voir l’histoire royale française ainsi reconnue, valorisée et sans doute récupérée, peut-être sous l’influence de Stéphane Bern, soutien affirmé du couple présidentiel : après tout, ne dit-on pas que le diable porte pierre ?
Macron connaît l’histoire de France, mais il la trafique parfois et en contredit la vérité quand il parle de la colonisation en Algérie comme d’un crime contre l’humanité. Nous le savons, nous qui sommes royalistes de la longue mémoire, et nous le contredirons, au nom de cette vérité due à la France mais aussi à nos enfants, même s’il semble avoir renoncé à ce qui paraît bien être une provocation sans lendemain (mais pas forcément sans conséquences)…
Il connaît l’histoire de France et s’amuse aussi à lui faire nombre de clins d’œil, comme il semble aussi en faire aux royalistes ou, du moins, à ceux qui savent l’importance de l’héritage monarchique dans notre pays. Son entretien de l’été 2015 publié dans la revue Le 1 et dans lequel il évoquait l’absence de la figure du Roi comme préjudiciable à l’exercice même du pouvoir en France et dans lequel il rappelait, à raison, que le peuple français n’avait pas voulu la mort du roi en 1793, ne nous laisse pas, évidemment, indifférent.
Mais nous sommes en République…
Nous sommes en République, et non en Monarchie… Peut-être, après tout, M. Macron aurait-il été un bon ministre du roi, voire un « régent acceptable » selon la formule d’un collègue professeur qui sait ses classiques ! Mais la République, elle, par son principe électif même et son idéologie centralisatrice, et par ses véritables maîtres que sont les féodalités de l’Argent, empêche toute bonne politique sur le long terme et décrédibilise les meilleures intentions quand elle décourage les meilleures volontés.
Les élections qui s’apprêtent à bouleverser le « pays légal » avec la formation d’une « Chambre bleu Macron », démontrent à l’envi que, selon la formule tirée du « Guépard », « Il faut que tout change pour que rien ne change ». Si les têtes sont nouvelles, l’esprit reste souvent le même, et la République se confirme à travers ce nouveau « pays légal » qui ne représente pas exactement le, ou plutôt « les pays réels ». Les nombreuses enquêtes sur les candidats de « La République en marche » confirment que ceux-ci appartiennent plus aux catégories aisées qu’aux classes populaires… Le problème n’est pas qu’il y ait des « privilégiés » au Palais-Bourbon (il peut même être heureux qu’il y en ait, de chef d’entreprise à haut fonctionnaire) mais qu’ils soient surreprésentés quand les catégories moins aisées en sont quasiment absentes !
Ainsi va la démocratie représentative qui n’est rien d’autre, en somme, qu’une forme d’oligarchie plus ou moins discrète, et cette démocratie-là, alibi du pouvoir des « puissances économiques d’abord », est critiquable, condamnable, parfois détestable à l’usage.
Soyons clairs quand les démocrates revendiqués ne le sont pas, bien prompts plutôt à tricher sur le sens des mots pour imposer leur domination sur tous, et en vanter la légitimité, « la seule acceptable » (sic !), bien sûr…
Redonnons leur sens aux mots et regardons leur pratique concrète : la démocratie, si l’on en croit l’étymologie grecque, c’est le pouvoir du peuple. Mais il faut aller plus loin : c’est le pouvoir du plus grand nombre au sein de ce peuple qui, lui-même, n’est souvent qu’une partie plus ou moins importante de la population de l’espace civique considéré.
Dans l’histoire, le mot et la chose apparaissent à Athènes, au cinquième siècle avant notre ère, et la démocratie se veut directe, les décisions les plus importantes et les plus politiques étant prises par la majorité des citoyens présents sur la colline de la Pnyx, à l’ecclesia. Cela finira mal, car l’opinion la plus nombreuse et la plus courante n’est pas forcément la raison ni l’intérêt commun. Athènes en fera l’amère et cruelle expérience, et perdra sa liberté par sa faute et son arrogance toutes démocratiques…
Aujourd’hui, la démocratie directe s’applique peu dans notre pays, car la République lui préfère la démocratie représentative, ce que nous pourrions appeler la démocratie d’apparence, forme à peine déguisée d’une oligarchie qui prend les traits de parlementaires, de ministres et de présidents forcément provisoires, mais aussi ceux d’une sorte de « classe discutante » destinée à « tenir l’opinion ». C’est ce qu’illustre magnifiquement le film « Le Président », dans lequel Jean Gabin, président du Conseil d’une République qui ressemble surtout, il est vrai, autant à la Quatrième qu’à la Troisième, s’en prend aux députés, même de gauche, dont les intérêts personnels se trouvent d’abord dans le domaine économique et financier, et qu’il dénonce cette sorte de « démocratie de connivence ».
D’ailleurs, quand la République, désormais avec mauvaise grâce, se plie à l’exercice du référendum, elle n’en respecte pas forcément le résultat s’il ne lui convient pas, à elle ou à l’Union européenne, comme les électeurs français ont pu le constater avec colère et ressentiment après le vote de 2005…
De plus, cette colère des électeurs, de plus en plus vive mais mêlée souvent de fatalisme, se traduit par une abstention électorale importante (cette « sécession du peuple » qui rappelle celle des plébéiens romains de l’Antiquité), qui atteint désormais plus de la moitié de l’électorat, les plus absents étant ceux des générations montantes et les classes populaires : désaveu d’une démocratie parlementaire dans laquelle une grande partie du « pays réel » ne se reconnaît plus et ne retrouve pas ses propres préoccupations et aspirations. Désaveu terrible, gros de tempêtes futures…
Nous, royalistes, voulons un retournement politique, ce que certains pourraient nommer une « révolution », mais le terme peut tromper sur ses formes et conséquences, et rappeler de mauvais souvenirs à ceux qui ont la mémoire longue et sensible. Nous voulons donc la démocratie à la base et la monarchie à la tête, comme une remise en cause de ce qui est actuellement et une remise en ordre de la nation dans toutes ses particularités et dans son unité profonde. Nous voulons un nouvel équilibre des pouvoirs qui ne doit plus être cette disharmonie permanente et injuste issue de la Révolution jacobine.
Ce retournement, c’est une véritable décentralisation des pouvoirs et non une simple déconcentration ; c’est l’autonomie des pouvoirs régionaux, communaux et professionnels, dans le cadre de l’unité française.
Ce n’est donc pas cette République qui, en 2014, raye d’un trait de plume l’Alsace pour l’intégrer légalement et administrativement dans une super-région technocratique et sans âme. Ce n’est pas cette République qui refuse aux Nantais de pouvoir redevenir Bretons depuis 1955, contre l’avis même des populations locales et, aussi, contre l’histoire de la ville, capitale des ducs, et de la Bretagne toute entière ; ce n’est pas cette République qui refuse certains prénoms celtiques à l’état civil pour de mauvaises raisons administratives, comme cela est encore arrivé en avril dernier à Quimper ; ce n’est pas cette République qui impose, au nom de directives européennes qui lui sont supérieures (si l’on en croit les juristes), une libéralisation violente qui entraîne la disparition des services publics dans les villages et les villes moyennes de France sous prétexte de « rentabilité » et de « lutte contre les déficits » qui, pour ces derniers, ne cessent néanmoins de se creuser toujours plus au fil des années… Le « dessèchement » du monde rural, qui se traduit parfois par une désertification concrète des territoires et par la réduction du nombre d’écoles, de gares et de maternités, est aussi la destruction d’une part de ce que Fernand Braudel nommait « l’identité de la France » et, comme nous oserons le dire, de son « âme ».
Cette démocratie-là, qui se drape dans les plis d’une République qui se veut exemplaire à défaut d’être irréprochable (ce qui semble fort difficile comme de récents scandales nous le prouvent à l’envi), n’est pas royale : elle n’est qu’oligarchique et « libéraliste », et elle semble, sauf heureuses exceptions, oublier tous les devoirs politiques et sociaux de l’État, tout ce qui fait qu’un État est juste et légitime !
Nous, royalistes, voulons les démocraties locales (et c’est bien le pluriel qui s’impose), les « républiques françaises », celles qui donnent aux citoyens le pouvoir de décision pour ce qui leur est le plus proche : la région ou la province, la commune ou le quartier, l’usine, l’université, voire même le lycée. C’est d’ailleurs une constante du combat royaliste car, dans les années 1920-30, les étudiants monarchistes évoquaient la défense des libertés universitaires mises à mal par la République, tandis que, dans les années 1970, les lycéens d’Action Française lançaient l’étrange formule du « Tiers-Pouvoir lycéen » et le journal AF-Université titrait « Communes, libérez-vous ! ».
Ces communautés de proximité, aussi bien affectives que professionnelles, se trouvent, dans la conception royaliste qui est la nôtre, sous l’arbitrage et le contrôle de dernier recours de la magistrature suprême de l’État, de cet État royal qui ne cherche pas à imposer des règles décidées d’en haut, de Paris et de son Pouvoir jacobin ou centraliste, mais simplement à ordonner les pouvoirs à l’intérêt commun, à ceux des « pays réels » mais aussi à éviter les débordements et les atteintes dangereuses à l’unité profonde et nécessaire des « provinces-unies du royaume », selon l’expression de Maurras, et parfois à les réunir sous sa houlette sans les opposer entre eux… La Monarchie est libératrice, et elle est, essentiellement, médiatrice…
Référendum à initiative populaire ou locale (ou les deux à la fois) ; institutions et élites communales, provinciales et professionnelles renforcées ; autonomie de celles-ci tant qu’elles ne fracturent pas l’unité de la nation historique : en somme, la Monarchie, c’est la confiance de l’État royal central dans la responsabilité de chacun !
Tout cela peut prendre de multiples formes, mais ce n’est pas à l’État de décider celles que prendront les provinces : l’organisation de la Bretagne, celles de la Normandie ou de la Corse, de l’Alsace et de la Franche-Comté, seront ce que les régions en feront, librement et souverainement. Voilà la vraie subsidiarité, inscrite dans le traité européen de Maëstricht mais oubliée dans la réalité ! Et l’État royal n’est que le trait d’union entre les provinces, les communautés (au sens historique et enraciné du terme, pas au sens du repli sur soi propre au communautarisme, caricature parfois sinistre de la vie communautaire traditionnelle), les citoyens… Ce n’est pas la barre de fer du jacobinisme parisien ou son carcan kafkaïen !
Oui, pour rendre active la vie locale de nos « pays réels » et rendre leurs libertés et pouvoirs aux personnes dans leurs lieux de vie et de création, de production, il faut une royauté forte, politique, qui porte haut et loin les couleurs de notre pays et de son histoire, y compris dans ses aspects provinciaux et, parfois, antagoniques ; une royauté qui, comme le disait le Camelot du Roi Bébert de Maubert dans les années 1980, nous « lâche les baskets » pour que nous puissions bondir plus haut…
En somme, dans une Monarchie retrouvée, aujourd’hui de plus en plus nécessaire face à la mondialisation de la servitude économique et à la gouvernance oligarchique, dans le grand concert des libertés françaises, le Roi est, encore et toujours, le chef d’orchestre qui peut nous éviter la cacophonie… Il est ce « un », héréditaire et successible, qui autorise les « anarchies nécessaires », véritable foisonnement de libertés qui permettent la respiration démocratique de notre pays en tous ses coins et recoins.
Jean-Philippe Chauvin