Anobli en 1668, troisième de 14 enfants d’un marchand de Montréal, il est intéressant de noter ici l’ascension sociale d’une famille qui passe du commerce au métier des armes. Ce petit détail pour les histrions républicains parlant d’un blocage de la Monarchie dans la caste noble. Pierre est instruit, éduqué, rusé et intrépide. Il resta quelques temps chez les Iroquois et en apprit la langue et servit aussi pour les négociations. Sa bravoure impressionna les Iroquois qui lui laissèrent la vie après l’avoir capturé et l’adoptèrent en faisant de lui leur représentant aupres du gouverneur.Ami de Dollard des Ormeaux dont il devait partager la tragique fin s’il n’avait été prit par ses travaux dans son domaine, il se maria et eut 13 enfants.Ce nom illustre les familles au service du Roi donc de la France : St. Helene bléssé mortellement au siège de Quebec, De Chateauguay tué lors de la prise du fort Bourbon en1694, Bienville tué d’une balle dans la poitrine dans l’attaque d’une maison défendue par les Iroquois.
Il commença à se faire connaître, lors d’une expédition en 1686 avec ses 2 frères Jacques et Paul, visant à déloger les Britannique de la Baie d’Hudson. Cette petite troupe composée de 70 Canadiens (miliciens/trappeurs) et de 30 soldats des troupes de Marine attaqua le Fort Moose sur l’ile Hayes. Ils passèrent dans les courants et rapides de la rivière Outaouais, le lac Temiscamingue, les rivières Abitibi et Monsioni.L’événement est intéressant car il révèle la personnalité de Pierre qui se trouva, lors de l’assaut, seul, pistolet dans une main et épée dans l’autre, entouré de 17 Anglais, qu’il captura avec rage et témérité…Saint Hélène s’illustra aussi en prenant le flanc gauche du fort avec 18 hommes, en parlementant la réédition il aperçut un anglais pointant un canon sur eux, il le foudroya d’une balle entre les deux yeux. Il sauva du même coup son frère et ses hommes. En peu de temps le sud de la baie devint française, il prit le poste de commandant du Fort Moose, rebaptisé St Louis.
Il se dirigea à 10 jours de marche vers le poste de traite de Rupert, St Hélène en éclaireur, attaque le fort Rupert qui sera rebaptisé St Charles pendant que le 3 Juillet en canoë avec 13 hommes d’Iberville prend d’assaut le vaisseau « Le Craven » ancré près du fort.Le troisième Albany(Quichichouane) tomba dans la foulée.
En 1687, voulant quitter le fort avec sa cargaison de fourrure, il se trouve face à 2 navires de 3 mats Anglais d’au moins 24 canons chacun sur la rivière Albany, coincés par les glaces. Le frère de D’Iberville, De Maricourt harcela durant tout l’hiver avec un petit groupe de commando canadien les 85 Anglais essayant de se ravitailler sans succès. Le scorbut atteignit les marins anglais aux abois, d’Iberville en flibustier se saisit de l’occasion et fit prisonnier tout ce petit monde. Il en prit un autre dans les jours qui suivirent et arriva à Québec avec 3 vaisseaux et 85 prisonniers capturés par 16 Canadiens.
Il envoi trois hommes en reconnaissance vers un bâtiment Anglais prit dans les glaces près de l’ile Charleston.Ils se font prendre, sauf un qui s’échappe. Le printemps arrive, le commandant du navire se noie, ne reste que 6 hommes. Ils délivrent un canadien pour les aider à manœuvrer qui, profitant du fait que les Anglais étaient à la voilure, se saisit d’une hache, tue les deux marins près de lui, libère son ami et retrouvent d’Iberville venu les secourir sur le chemin…
Février 1689, il continu de faire parler de lui. Trois détachements que l’on peut qualifier de commandos décident d’attaquer les établissements Anglais du nord de la Nouvelle-Angleterre. Un groupe est aux ordres de son frère Le Moyne de St Hélène, l’autre à Nicolas d’Ailleboust, officier aguerri et le troisième sous ses ordres, le tout composé de 114 Canadiens et 96 Amérindiens.Partant en avant les coureurs des bois avec les Abénaquis et des Mahicans ou Loups. Il faut se figurer la température qu’il fait en hiver au Canada, lors de ses attaques et la distance parcourue avec les vêtements de l’époque…La corpulence de ses hommes de Louis XIV, traversant l’Amérique en canoë, à pied ou en raquettes, avec des mousquets à un coup, poignards et tomahawk… On laisse les canoës au lac Champlain puis on chausse les raquettes, on ne fait pas de feu, gourdes d’eau de vie et lard froid..Ils arrivent en pleine nuit du 18 Février à Corlaer aujourd’hui Schenectady, état de New-York et passent à l’attaque. Ils hurlent des cris de guerre comme les iroquois, lors du massacre de la colonie Française de Lachine, l’année précédente. L’établissement fut pillé et brûlé. Ils repartirent avec 50 chevaux chargés de butin et 25 prisonniers à Montréal. « Grâce à de semblables coups de main où les Canadiens se montrèrent plus résistants que les meilleurs guerriers iroquois et parfois plus cruels que leurs ennemis, la colonie put tenir sans aide venue de France, pendant plus de 3 générations » (L’Amérique Française d’Henri Servien)
En 1690, 80 hommes et 3 vaisseaux, il attaque le Fort New Severn sur la baie d’Hudson, sud-est de fort York.
En 1691, après la chute de Port Royal, il fallut faire face à Québec à une attaque Anglaise de 32 navires dont 4 de 3 ponts bien armés et 2000 miliciens, qui fut repoussée…Frontenac n’était pas homme à se laisser impressionner et répondit aux anglais : « Je n’ai point de réponse à faire à votre général que par la bouche de mes canons et à coups de fusil » St Hélène et son frère ainé de Longueil blessé au bras, décimèrent avec 200 volontaires le débarquement britannique aux ordres du major Walley sur les rives proches.Maricourt arriva dans la ville et s’occupa d’une partie de l’artillerie…Deux jours de combat, des cris de joie quand un boulet fracassa le pavillon Anglais du vaisseau amiral. Le 21 Octobre, variole, blessés et moral au plus bas, l’escadre anglaise partit, Québec était sauvée…Maricourt fut nommé capitaine, officier de marine chez les Iroquois, qui l’adoptèrent comme fils, les chefs Iroquois Onontagués lui donnèrent le nom de Taouestaouis(le petit oiseau toujours en mouvement) en le nommant ambassadeur. Cela préparait la « Grande Paix de 1701 » .Son frère Longueil lui succèdera plus tard dans ses fonctions auprès des Iroquois.Pierre devint capitaine de frégate.Il était souvent accompagné du corsaire Denys de Bonaventure…
En 1692, il capture 3 navires Anglais.
En 1694, prise du Fort York de la baie d’Hudson et rebaptisé Fort Bourbon avec 120 Canadiens et quelques indiens du Sault St Louis.Opération éffectuée par les 3 frères, d’Iberville commandant la Salamandre , Sérigny le Poli avec Châteauguay comme enseigne qui mourut lors de l’attaque…
En 1696, le 14 Juillet, voilà une date plus intéressante à fêter, il court aider Joseph Robineau de Villebon, gouverneur d’Acadie au prise avec 3 vaisseaux britanniques. Il bondit avec ses frégates, capture le Newport de 24 canons pendant que les deux autres s’enfuient.
Il en profite pour attaquer le Fort William Henry sur la frontière entre Acadie et Nouvelle-Angleterre.Avec le corsaire Baptiste et Bonaventure embarquant Villebon et 50 guerriers, il est aidé du baron de St Castin, chef Abénaquis arrivé avec 240 guerriers.Il le détruit et renvoi les prisonniers à Boston.
Hiver 1696/97, Il va à Terre-Neuve, accompagné du gouverneur Brouillan et de 80 volontaires. « Pendant neuf jours, les Canadiens marchèrent dans les bois épais, sur un sol détrempé, brisant la glace à chaque instant sous leurs pas, traversèrent des rivières et des marécages avec de l’eau jusqu’à mi-corps, et couchèrent sur la dure. »( La Nouvelle France ) Ils prennent St John’s et 36 établissements anglais, 200000 quintaux de morue et « …pendant deux mois parcoururent le pays, enlevant les points fortifiés, brûlant les établissements, répandant la terreur parmi les habitants. Ils tuèrent deux cents ennemis qui se défendaient les armes à la main, et firent plus de sept cents prisonniers… »( La Nouvelle France ) Les groupes de « Canadiens, raquettes aux pieds, allèrent par petits détachements dans les hameaux isolés où étaient installées les pêcheries qu’ils incendièrent et pillèrent comme ils avaient fait à Saint-Jean »(L’Amérique Française »d’Henri Servien).
Avant de pouvoir finir, il est demandé à la baie d’Hudson où, sur le chemin, séparé du reste de la flotte, à bord du Pelican de 44 canons et 150 combattants(40 malades du scorbut), il trouve en face de lui le Hampshire, 250 hommes et 56 canons, le Dering de 36 et le Hudson’s Bay de 32.Pas question de fuir dans la Royale , il manœuvre comme un génie, se range en bataille et attaque comme un loup de mer. Il désempare ses officiers en donnant ses ordres défiants les règles de manœuvre et plaçant son navire au vent. Ecoutons Henri Servien : « Le Moyne cria des ordres rapides : Armez tribord ! Les chefs de pièces à ,démâter, à couler pour le second pont ! La barre dessous, bordez les écoutes !
La brusque manœuvre contraignit la conserve du Hampshire à s’écarter ;les deux vaisseaux à portée l’un de l’autre lâchèrent leurs formidables bordées en même temps :45 grosses pièces tonnèrent de concert. Une partie des boulets anglais passèrent en ronflant au dessus du pont français. Dans la fumée et les cris, la voix d’Iberville dominait.
Armez bâbord ! Chefs de pièces à couler ! Feu de bordée !
Le Hudson’s Bay n’avait pas eu le temps de tirer. Comme pour le Hampshire les boulets du Pelican lui causèrent de graves dégâts. Il préféra virer de bord et s’écarta. Au deuxième passage, encore noyées dans des bancs d’épaisse fumée, les coques de chêne éclatèrent en échardes meurtrières ». Bienville fut grièvement bléssé au commandement d’une des batteries d’artillerie. D’Iberville veut en finir et positionna son navire bord à bord en envoyant une bordée sur la ligne de flottaison du Hampshire. Celui-ci la coque crevée sombra avec tout son équipage sous les hourras des Français victorieux. Le Hudson’s Bay stupéfait devant tant de hardiesse se rendit sans combattre. Le Pelican durement éprouvé lors de l’accrochage, par des avaries multiples, laissa le During s’enfuir…
L’histoire enseigné dans nos écoles a oublié tout ces héros de jadis et comme je le disais à une assemblée de jeunes lors de mes repas, c’est les enterrer une seconde fois que de ne plus en parler…La baie d’Hudson est maintenant Française. Mais la campagne n’était pas terminée : « sans vivres, sans effets de rechange, d’Iberville prit le parti désespéré d’attaquer le fort Bourbon et, de l’enlever d’assaut. Mieux valait périr dans un combat acharné que de succomber au froid et à la faim sur ces plages glacées. Il allait engager l’action lorsque le Palmier, le Wesp et le Profond parurent à l’embouchure de la rivière. C’était le salut, et un renfort suffisant pour réduire bientôt à merci la garnison du fort déjà démoralisée par la destruction de la flotte de secours. Aussitôt les approches furent faites et les batteries établies. Quarante huit heures d’un violent bombardement déterminèrent les Anglais à capituler pour éviter un assaut… »
La gloire de d’Iberville est alors, connu de tout le Canada. Habile et clairvoyant, il avait écrit sur la vallée du Mississippi : « Si la France , ne se saisit pas de cette partie de l’Amérique, qui est la plus belle, pour avoir une colonie assez forte pour résister à celle qu’à l’Angleterre dans la partie de l’est depuis l’Acadie jusqu’à la Caroline , la colonie anglais, qui devient très considérable, s’augmentera de manière que dans moins de cent années elle sera assez forte pour se saisir de toute l’Amérique du Nord et en chasser les autres nations ».On lui demande de reconnaitre un endroit du Mississipi pour y établir un fort. A l’époque, ce n’était guère aisé, car la région, très humide et marécageuse était difficile, fièvres, bois pourrissant, insectes…Il fait construire le Fort Maurepas dans la baie de Biloxi aujourd’hui Océan Springs pour contrôler les mouvements dans la région. Il est le premier Canadien à recevoir, la Croix de St Louis, haute distinction militaire des rois de France, en demandant par la même occasion, une colonisation rapide de la Louisiane.
En 1700, il construit le Fort Mississipi, plus au nord en établissant de chaleureuses relations avec les tribus environnantes.
En 1701, c’est l’établissement à Mobile, du Fort St Louis. D’Iberville, sans relâche, entretient prioritairement les bonnes relations avec nos alliés autochtones. Pour cela, il favorise l’envoi de missionnaires et l’établissement de « coureurs des bois » qui vivent et se marient avec les indiennes. C’est aussi l’époque où un édit de Richelieu stipulait, que tout sujet amérindien christianisé, pouvait se considérer comme sujet du Roi de France, humanisme inconcevable pour un sujet britannique puritain. Il faut signaler que les Dauphins de France grandissaient souvent avec comme camarade de jeu, un ou deux enfants amérindiens, confiés par leur père, souvent chef de tribu…
D’Iberville commence à être fatigué, plusieurs crises de malaria l’affaiblissent mais il reste à l’affut pour empêcher toute expansion britannique à l’ouest des Appalaches.
En 1706, il arrive de France avec 12 vaisseaux et terrasse les godons aux Antilles. St Christopher est ravagé sans merci. Nevis et Charlestown capitules en Guadeloupe et 24 vaisseaux Anglais sont pris. Il se dirige sur Cuba à la Havane et s’éteint…Voilà le destin d’un grand homme que l’on pourrait largement citer aux jeunes générations en remplacement de quelques stars pailletées à grand frais, sans dimension…Il est vrai que les peuples ont les gouvernements qu’ils mérites et par symétrie, les idoles que l’on peut…
Frédéric WINKLER