Il est très difficile aujourd’hui de proposer le principe corporatif comme conception économique, tant les esprits sont imprégnés des idéologies dominantes : le libéralisme et le socialisme. Depuis que l’ordre naturel, fondé sur des communautés naturelles organiques, a été bouleversé par la loi Le Chapelier, qui ne reconnaît plus que les individus et l’État, nous baignons dans un système qui oscille entre la poursuite d’intérêts individuels, exaltés par l’idée de concurrence, où toutes les barrières qui régulaient l’économie sont abolies, et une défense d’intérêts de classe, où le principe d’opposition s’est substitué au principe d’union et d’organisation. Tout le problème est là. Cette philosophie de l’économie, a débouché sur l’ouverture des marchés à tous vents, au développement de la grande distribution tuant le commerce de proximité, à la mondialisation, aux multinationales et à la disparition des économies locales, qui reflétaient un art de vivre et qui ont fait toute l’originalité de notre civilisation. Que peut-on faire aujourd’hui pour reconstituer des structures d’organisation et de participation dans le domaine professionnel ?
Avec René de la Tour du Pin on sait qu’il n’y a pas deux, mais trois principales écoles d’économie politique :
» celle où l’on considère l’homme comme une chose « , c’est le libéralisme,
» celle où on le considère comme une bête « , c’est le socialisme,
» celle ou on le considère comme un frère « , il s’agit alors du corporatisme.
C’est de cette troisième école d’économie politique dont nous allons parler :
Cette troisième école d’économie politique, venue de l’expérience de l’histoire, par empirisme, en quelque sorte, oubliée par confort par ceux qui soumettent les peuples à l’usure et au monde des chimères matérialistes, fut celle des temps médiévaux. Cette école a fleuri sur l’arbre de nos ancêtres, fruit des usages, coutumes, droits acquis et traditions multiples, que nos pères avaient accumulés avec le temps. Les efforts dans le labeur avaient constitué des règles, liés aux divers métiers et soucis sociaux, c’est ce que nous appellerons plus communément le régime corporatif. Ce régime est le plus humain et le mieux adapté face aux difficultés économiques d’aujourd’hui et de demain. Les considérations qui vont suivre le feront paraître.
Et d’abord quelle est la condition essentielle d’un bon régime du travail ? La Tour du Pin a fait à cette question une réponse de nature à satisfaire les plus difficiles : « Le travail n’a pas pour but la production des richesses, mais la sustentation de l’homme, et la condition essentielle d’un bon régime du travail est de fournir en suffisance d’abord au travailleur, puis à toute la société, les biens utiles à la vie. »
La Tour du Pin a défini le régime corporatif : « Une organisation de la société en corps professionnels, aussi bien dans l’ordre politique que dans l’ordre économique ». Dans l’ordre politique, il fournit aux corps élus la représentation des droits et des intérêts en lieu de celle des partis ; dans l’ordre économique, « il substitue à la liberté illimitée du travail et du capital et à la concurrence sans frein qui en résulte des règles variables dictées par les corps professionnels eux-mêmes dans l’intérêt de la sécurité et de la loyauté du métier ».
Retenons bien cette formule : « Règles dictées par les corps professionnels eux-mêmes » : elle restitue au régime corporatif son vrai visage. Ce régime n’est pas, ne doit pas, ne peut pas être une création d’Etat : il est l’organisation de la profession par les hommes de la profession.
Le régime corporatif français rejette le libéralisme, l’anonymat des entreprises, la lutte des classes et l’orientation de la production tournée exclusivement vers le profit.