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La susmulgation, pour en finir avec la réforme des retraites ?

Un nouveau mot commence à se murmurer dans les rangs des opposants mais aussi de quelques partisans effrayés de la réforme des retraites de Mme Borne : susmulgation ! Ce mot barbare cache en fait une réponse à l’impasse politique actuelle et ce qu’il recouvre a déjà été appliqué il y a un peu moins de vingt ans, en 2006, après l’adoption (sans acceptation…) et la promulgation du Contrat Première Embauche (CPE) défendu par le Premier ministre de l’époque Dominique de Villepin, puis plus récemment en 2020, comme le rappelle L’Opinion dans son édition des 17 et 18 mars derniers : ainsi, après cette adoption forcée du texte sur le CPE par le recours au 49.3 (décidément !), « si la loi est promulguée, son application est suspendue – on parle de « susmulgation » face à la bronca des jeunes. (…) Le 29 février 2020, Edouard Philippe met fin à l’obstruction des opposants à la réforme systémique des retraites. Le texte est adopté, mais son application est suspendue du fait de la crise sanitaire, puis abandonnée. » En somme, deux fois en moins de vingt ans, la susmulgation a envoyé deux textes importants aux oubliettes légales, parfois sans vraiment d’envie de la part de ceux qui les avaient prônés d’aller les y repêcher. Cela pourrait-il être le destin de la nouvelle (mais pas l’ultime) réforme sur les retraites ?

Pour cela, il y faudrait plusieurs conditions, pas encore réunies à ce jour : 1. Une contestation (dans les rues et dans les lieux d’études et de travail, principalement) si importante que le président de la République soit obligé de lâcher du lest envers une opinion publique et une France du Travail majoritairement hostiles au report de l’âge légal de départ à la retraite de 64 ans ; 2. Une remise à plat de la question et du débat sur les retraites et leur financement, voire du système même de solidarité intergénérationnelle et des formes d’épargne (individuelle ou « corporative ») susceptibles d’assurer un revenu aux populations sorties du « temps de l’emploi rémunéré » ; 3. Une situation économique qui renoue avec une certaine prospérité susceptible de dégager des marges de manœuvre financières et sociales…

La troisième condition ici évoquée est, avouons-le, peu probable dans l’immédiat, du fait de la guerre froide économique qui, aujourd’hui, caractérise la mondialisation (ou la bi-mondialisation en train de naître avec la guerre en Ukraine ?) et fragilise les positions françaises malgré les velléités de réindustrialisation de M. Le Maire : l’augmentation du nombre de défaillances d’entreprises en France ces derniers mois ; la persistance d’une inflation importante (en particulier sur les prix alimentaires) et les risques de pénuries énergétiques mais aussi la sécheresse hivernale qui n’annonce rien de bon pour le secteur de la production agricole cette année ; tout cela n’est guère favorable à la prospérité économique, même si cette mauvaise passe est surmontable ou, au moins un temps, supportable…

Restent les deux autres conditions : la première, celle d’une contestation sociale (et politique ?) triomphante ou, au moins, assez bruyante pour couvrir la voix de l’exécutif et gêner le travail législatif, n’est pas impossible mais est aussi la plus glissante si elle n’est pas ordonnée à un véritable projet politique, à une alternative crédible (fut-elle audacieuse), et si elle risque de dégénérer en poussée nihiliste qui nous rappelle la mise en garde de Maurras : « la politique du pire est la pire des politiques ». Les rues dévastées et les hôtels attaqués (comme à Rennes la semaine dernière), les poubelles enflammées (et fondues…) et les vitres des commerces brisées, rien de cela ne peut être bon quand les slogans qui les accompagnent participent d’un folklore extrémiste et d’une violence, non pas anarchiste mais anarchique. Pour autant, au-delà des désordres de la rue, il n’est pas impossible de penser que les risques d’une inflammation tournant à l’embrasement pourraient amener le Pouvoir à revoir sa position et à appliquer cette susmulgation de façon plus ou moins discrète, par exemple en annonçant un report de la promulgation ou de l’application du texte adopté (par défaut, en fait…) ces jours derniers. Cela peut se faire sous le couvert d’une nouvelle forme de « grand débat national » comme au sortir de la crise des Gilets jaunes, et qui valoriserait la deuxième condition que j’évoquais plus haut : une façon de sortir « par le haut » de la crise en renouant avec les différents acteurs sociaux (et, donc, remettre les corps intermédiaires en selle, alors que le président les snobe allégrement depuis sa première élection ?) ou directement avec les citoyens-électeurs, et de repopulariser, au moins en apparence sa présidence ?

Pour l’heure, les propos présidentiels de ce mercredi 22 mars ne sont guère apaisants et les soirées prochaines risquent d’être difficiles pour le repos des citadins des métropoles françaises, quand les journées seront occupées par les défilés incessants des protestataires (dont je suis sans partager forcément les couleurs, ayant les miennes qui sont, encore et toujours – et plus que jamais – fleurdelysées, couleurs que je ne cache nullement à mes voisins de promenade revendicative). Au-delà de cette révolte sociale sur le sujet du temps de travail, il paraît tout de même urgent de repenser la question sociale mais aussi les conditions économiques d’une prospérité qui, en créant de la valeur, peut favoriser un nouveau partage plus juste des fruits du labeur… Et si cela passait, d’abord, par le politique ? « Faites-nous de bonne politique, et je vous ferai de bonnes finances », disait le baron Louis à François Guizot, ministre du roi Louis-Philippe ; ce même baron Louis qui, déjà, avait avec la même philosophie redressé les finances de la France sous la Restauration, après 1814… Il n’est pas sûr que la République ait son baron Louis, mais il est de plus en plus certain que la République, au moins depuis une quarantaine d’années, ne fait pas cette « bonne politique » qui permettrait la prospérité et, au-delà, la justice sociale…



Jean-Philippe Chauvin

Les retraites ne sont pas solubles dans le 49.3 !

Ces derniers jours ont été bien agités dans les villes de France, et les slogans des manifestants n’ont pas suffi à étancher la colère qui, sur les lieux de travail ou de convivialité, s’exprime de façon de plus en plus imagée et, en définitive, de moins en moins tranquille : autant dire que le 49.3 a jeté une immense bassine d’huile sur un feu qui ne demandait qu’à se transformer en incendie ! Est-ce de la maladresse de la part d’un président qui paraît de plus en plus absent à la France ou du cynisme, une façon de provoquer une opinion publique qui, malgré les manifestations syndicales des dernières semaines, tendait pourtant à se résigner à cette mesure impopulaire du recul de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans ?

Il est étonnant de constater que ce président qui emploie souvent le vocabulaire de l’audace et du courage se réfugie, à la fois craintif et arrogant, derrière un article qui, tout constitutionnel et démocratique qu’il soit, n’en reste pas moins, dans le cas présent, comme un soufflet aux parlementaires, à ce pays légal (de l’Assemblée nationale mais aussi du Sénat) qui d’ordinaire se plie aux apparences de la dispute politique au sein des assemblées et sur les plateaux de télévision et qui, aujourd’hui, se trouve frustré par le Chef de l’Etat de son occupation principale : car, que reste-t-il aux parlementaires d’opposition, par exemple, si ce n’est la seule voie du courage suicidaire ? Si la motion de censure la plus réaliste (1), celle des centristes, réussissait à renverser le gouvernement d’une Madame Borne déjà condamnée au départ prochain, l’Assemblée nationale serait immédiatement dissoute et de nouvelles élections législatives, si l’on en croit les derniers sondages, ne changeraient pas fondamentalement les équilibres actuels, au risque de verser un peu plus dans une sorte de retour à feue la Quatrième République et, donc, à une ingouvernabilité qui serait la pire des politiques pour une France qui, en fait, a besoin d’une direction claire, affirmée et, surtout, volontaire et indépendante, en un mot : souveraine !

En fait, à moins d’une grande surprise (2), le gouvernement ne tombera pas, et la réforme des retraites de 2023, qui entrera alors en vigueur dès cette année, n’est que le prélude à celle de 2027 (déjà annoncée par quelques prétendants au siège élyséen et voulue par les instances européennes comme par les milieux financiers) destinée à aligner l’âge légal de départ à la retraite sur les recommandations de la Commission européenne (3), soit 67 ans…

Alors, que faire ? Il m’apparaît nécessaire de continuer à dénoncer un report désormais toujours plus loin de l’âge de départ à la retraite, particulièrement injuste pour les classes laborieuses (au sens fort du qualificatif) et populaires, ouvrières, paysannes et d’employés, sans négliger néanmoins que certains peuvent vouloir poursuivre leur profession au-delà de l’âge légal de départ à la retraite et qu’il faut aussi leur ouvrir cette possibilité : un peu de souplesse dans le système d’accès à la retraite est évidemment nécessaire, ce que la réforme Borne, mal ficelée et fort incomplète en plus de ne pas être socialement juste, n’évoque même pas, preuve de son caractère purement technocratique et financier… Mais il faut aller plus loin dans la réaction et rappeler qu’il ne pourra y avoir de pérennité du système de retraites par répartition que s’il s’accompagne d’autres formes d’épargne en prévision du temps de l’après-travail, qu’elles soient corporatives ou socio-professionnelles (cela existe déjà pour certains secteurs d’activité et professions, et parfois depuis fort longtemps), ou qu’elles soient constituées par une « épargne sur les bénéfices des entreprises », dont les formes peuvent varier selon le moment ou l’activité, et selon les profits réalisés eux-mêmes. De plus, il y a trois éléments qu’il ne faut pas négliger pour équilibrer le système de solidarité intergénérationnelle (qui, d’ailleurs, doit fonctionner dans les deux sens et sur des synergies entre générations, entre autres) : 1. Une politique démographique qu’il n’est pas abusif de qualifier de nataliste ; 2. Une politique de l’emploi destinée à garantir, autant que faire se peut, une continuité de celui-ci durant le temps professionnel, y compris pour les travailleurs âgés (je rappelle que ce qualificatif d’âge ne s’applique pas forcément de la même manière selon la profession et la charge de travail, mais aussi selon les forces physiques et la santé des personnes : un ouvrier du bâtiment vieillit plus vite qu’un professeur d’université, en général) ; 3. Une politique de création de valeur (de richesses, si l’on préfère) qui peut être soutenue par une stratégie d’incitation et d’impulsion de l’Etat, et qui doit permettre aux entreprises, quelles que soient leur taille et leur puissance, de valoriser leur activité et d’exploiter intelligemment les atouts français (espaces ; potentialités énergétiques, agricoles ou industrielles ; savoir-faire et matière grise, etc.).

La République actuelle peut-elle mener cette politique sociale juste et nécessaire dont le pays et ses habitants ont besoin pour envisager l’avenir sans le poids trop lourd de l’inquiétude ? Au regard des blocages qu’elle semble se créer elle-même, il est logique de douter de ses capacités… A bien y regarder, cette crise sociale et désormais politique (mais ne l’a-t-elle pas toujours été, en fait ?) peut être l’occasion de réfléchir sur les institutions politiques elles-mêmes et leur rapport avec le monde du travail, rapport qui, pour être constructif et crédible, doit largement reposer sur une bonne compréhension de la justice sociale et sur la concertation permanente avec les corps sociaux productifs, partie prenante d’une économie dont ils sont aussi les acteurs incontournables…




Jean-Philippe Chauvin


Notes : (1) : Quand j’écris que la motion de censure présentée par les centristes est la plus réaliste, cela ne signifie pas qu’elle soit la plus satisfaisante mais qu’elle est simplement en mesure de rassembler des voix de tous les bords de l’Assemblée sans être accusée de servir les intérêts des uns ou des autres et, donc, qu’ de mobiliser le maximum des voix possible et nécessaire pour arriver à ses fins, communes à des groupes politiques qui, d’ordinaire, se détestent et s’excommunient rageusement les uns les autres…

(2) : Qui sait ? Après tout, n’est-il pas bien connu que « le désespoir en politique est une sottise absolue » ?

(3) : Depuis janvier 2011, la Commission européenne recommande de retarder l’âge légal de départ à la retraite à 67 ans, et certains pays ont déjà cédé à cette insistante demande, et cela même s’ils étaient dirigés par des partis de gauche, voire de gauche dite radicale : en Espagne, pour 2027 ; au Portugal, c’est 66 ans et 7 mois, mais avec une possibilité d’élévation prochaine en fonction de l’espérance de vie des retraités eux-mêmes ; en Italie, en Allemagne, en Belgique, c’est aussi officiellement 67 ans, à plus ou moins long terme…







Vers une nation paysanne ?

La France n’est plus un pays agricole, avec moins de 500.000 exploitants agricoles, mais peut-elle redevenir une « nation paysanne » ? Il ne s’agit pas de prôner un hypothétique retour à la terre, mais de penser le rapport du pays au monde des campagnes.
Loin de toute démagogie et de tout idéalisme, quelques propositions royalistes pour un nouvel enracinement paysan français, sans oublier que l’État, lui, reste un État urbain.


La France, vers une nation paysanne ?

Chaque année à la fin de l’hiver, la France se rappelle, quelques jours, qu’elle a été une grande nation paysanne, d’abord paysanne : c’est le Salon de l’Agriculture qui est l’occasion de ce rappel, de ce souvenir, de cette nostalgie même. Mais c’est aussi le temps des discours convenus des politiques et des officiels du Pays légal, qui viennent caresser les bêtes et leurs éleveurs dans le sens du poil, et qui les oublient la semaine suivante et toutes les autres, sauf, étrangement, en période électorale. De toute façon, le nombre d’agriculteurs ne cesse de diminuer, et leur poids électoral avec : quand certaines communes bretonnes ne comptent plus un seul agriculteur en activité, que les néo-ruraux imposent leur mode de vie aux campagnes quand les résidences et les lotissements ont remplacé les près et les champs, comment les agriculteurs peuvent-ils se faire entendre et être entendus ? Il y a plus de noms de paysans sur les monuments aux morts de nos villages que dans les registres des Chambres d’agriculture et du Ministère de la même fonction… C’est d’ailleurs la guerre, et plus exactement la Grande, celle de 1914-1918, qui a désarmé, démographiquement parlant, le monde agricole et, au-delà, le monde rural, quand la société de consommation des Trente Glorieuses (les mal nommées, sans doute) va leur porter le coup de grâce ou, plus exactement, de disgrâce.

Aujourd’hui, la France compte environ 500.000 agriculteurs, ce qui représente 1,4 % de la population active, quand cette part était encore de 2,6 % (près du double) il y a vingt ans ; le nombre d’exploitations agricoles reconnues comme telles, lui, est passé en cinquante ans, de 1.588.000 (1970) à moins de 390.000 aujourd’hui… Ce processus d’effacement démographique de la population agricole n’est, semble-t-il, pas fini, et je me souviens que, dans un manuel de Géographie de 1ère il y a quelques années, il était expliqué que le nombre de 600.000 exploitants agricoles (à l’époque) était encore trop élevé au regard de l’objectif de 200.000 que le professeur narrateur considérait, à le lire, comme idéal : en fait, c’est bien l’objectif de la bureau-technocratie, qu’elle soit européenne ou parisienne, d’atteindre un tel chiffre dérisoire qui ferait de ce monde agricole une simple activité économique sans véritable enracinement ni visibilité humaine ou démographique. Une invisibilisation programmée en somme, pour effacer le mauvais souvenir pour la République d’un monde trop réactif ou trop rétif à ses commandements, comme l’histoire l’a abondamment prouvée depuis la Révolution française, de la réaction vendéenne de 1793 face à la levée en masse destinée à envoyer les jeunes paysans de l’Ouest faire la guerre loin de chez eux (ce que la Monarchie royale avait largement évité, malgré un tirage au sort léger mais toujours impopulaire) à la révolte des Bonnets rouges en 2013 ou à la résistance paysanne au projet de construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes, en plein bocage !

Pourtant, la France a tous les atouts pour rester ou, plutôt, redevenir une nation paysanne. Ne nous méprenons pas sur le sens de ce propos, mais précisons-le, justement pour éviter tout malentendu : la France, comme Etat, s’est construite par l’action royale puis républicaine à partir des villes, Paris (ou Versailles au XVIIIe siècle) en étant le cœur, et, en cela, la France est une construction historique urbaine, comme l’était avant elle la plupart des grands Etats de l’Antiquité, d’Athènes à Rome ou à Constantinople. Mais la nation française, comme être sensible de l’histoire (fondé par celle-ci depuis le Moyen âge), est éminemment paysanne dans ses racines et son âme, dans son rapport à la vie longue de la société… C’est ce qui, longtemps, lui a permis de vivre et de survivre dans les moments les plus durs et malgré les malheurs, et pas seulement sur le plan nourricier : les campagnes ont été le lieu des sociabilités enracinées qui, sans se soucier de l’Etat (juste aperçu par les populations rurales à travers le profil des pièces de monnaie ou perçu, pas toujours positivement, à travers le percepteur) de la capitale (parfois itinérante, avant le temps de Versailles et de Paris), ont incarné la pluralité française, cette marqueterie de particularités dont l’Etat royal incarnait jadis l’unité sans se sentir obligé de tout repeindre d’uniformité…

Comment renouer avec cet esprit de nation paysanne ? Il ne s’agit pas d’obliger à un retour autoritaire à la terre, dont on comprend aisément les limites et les risques, comme l’a montré à l’envi la terrible expérience chinoise des années 1960 ; le fait de marteler « nation paysanne, nation paysanne… » suivant la méthode Coué n’est pas non plus souhaitable ni efficace ! En fait, c’est une politique d’Etat qui doit permettre d’atteindre cet objectif et d’assumer cet esprit sans tomber dans une forme d’exclusivisme qui oublierait la ville comme aujourd’hui la République oublie ou, au mieux, néglige le monde paysan.

L’Etat peut (doit, même !) favoriser ce que les royalistes qualifient de « redéploiement rural » : ce n’est pas la rurbanisation (1), bien au contraire, mais une intégration active des populations venues des villes dans les lieux et les fonctions des campagnes, sans en négliger la mémoire et le patrimoine bâti comme historique et spirituel. Cela doit s’accompagner d’une revitalisation de la petite et moyenne agriculture, par des aides à l’installation et la mise à disposition de nouveaux « communs », gérés par la commune ou par la Chambre d’agriculture locale, voire par une organisation syndicale agricole (2) ; une promotion des métiers de la terre (et pas seulement de production agricole) dès l’école primaire (en complément d’un éveil à la nature et aux enjeux environnementaux dès les premiers jours d’école maternelle) et avec une valorisation de ceux-ci tout au long du cycle scolaire jusqu’aux classes préparatoires ; une évocation plus affirmée dans les programmes scolaires de l’histoire rurale de la France (histoire des techniques agricoles, des communautés paysannes, de leurs cultures particulières, etc.), histoire aujourd’hui absente (ou très discrète…) dans les programmes et les manuels scolaires ; une mise en place de stages de travaux agricoles pour les élèves de lycées et de classes préparatoires, voire un « service civique et social agricole » en complément du Service National Universel, par exemple ; etc.

Dans un monde globalisé dominé par une métropolisation triomphante à défaut d’être mesurée et équilibrée, il importe que l’Etat reprenne sa place de serviteur des populations dont il a la charge, héritage de l’histoire et devoir de service obligent, et qu’il soutienne cet effort pour refaire de la France une nation qui, sans être esclave de la terre, des usages et des travaux de celle-ci, reconnaisse en chaque habitant du pays un héritier conscient et enraciné, et non un simple électeur nomade balloté au gré des besoins de l’économie mondiale et des promesses électorales…



Jean-Philippe Chauvin




Notes : (1) : La rurbanisation est l’inverse même de l’esprit de nation paysanne et du redéploiement rural : elle est, en fait, l’imposition du mode de vie urbain et de la société de consommation de celui-ci au monde des campagnes, et une forme de volonté de domination des nouveaux venus sur un monde rural qui les précédait, sans beaucoup d’égards pour lui. La rurbanisation « remplit » les communes rurales mais elle ne les fait pas vraiment vivre : les rurbains préfèrent faire leurs courses à la ville voisine, dans les centres commerciaux plutôt que d’aller acheter ou manger dans les commerces et cafés-restaurants de la commune dans laquelle ils se sont installés… En fait, ils ne sentent pas obligés de s’intégrer à la commune d’accueil, mais sont très soucieux de leurs droits, parfois au détriment des traditions et des usages locaux, et ils ne supportent pas, le plus souvent, les contraintes ou les cycles de la vie à la campagne…

(2) : Je rappelle qu’il s’agit ici de propositions qui peuvent être discutées, complétées ou critiquées, pourvu que des arguments crédibles soient avancés…

J’ai vu « Vaincre ou mourir »

Enfin un film sur les Guerres de Vendée, pourrions-nous dire. Un film français qui met en exergue des héros de notre histoire, ce n’est pas vraiment ce qui court les salles obscures du monde cinématographique « français » républicain. On se souvient du film de Luc Besson traitant d’une grande héroïne de notre histoire, et pas des moindres, puisqu’il s’agissait de notre très Sainte Jeanne d’Arc. Ce film, qui date déjà de 1999, est un véritable navet grotesque qui s’acharne à faire ce que les Anglais n’avaient su faire à cette époque, à savoir, rendre folle notre Sainte héroïne. Héroïne incarnée par l’hystérique Milla Jovovitch. Bref ! Une vraie bouse insultant notre histoire et notre religion, mais qu’attendre de plus de la part d’un anti-français comme Besson ?

Avec « Vaincre ou mourir » c’est doublement surprenant. Car, non seulement il s’agit d’un film retraçant d’une manière assez fidèle, les péripéties d’un de nos grands héros de notre histoire, mais qui plus est, un héros en lutte contre les forces révolutionnaires, et donc par extension, contre la république ! Double crime au regard du monde moderne républicain, américanisé et wokiste !

Sortie le 25 janvier, ce film a déjà fait l’objet de quelques critiques dans les colonnes (infernales) du « journal » Libération. C’est une certaine Elisabeth Franck-Dumas, journaliste de ce torchon, qui nous a fait part de son incroyable maîtrise de la bêtise et de l’ignorance. Les républicains de Libération sont exaspérés par l’existence même de ce film, qui représente à leurs yeux tout ce qu’ils détestent le plus au monde : la France ! En tant que royaliste, il était donc tout naturel pour ma part que j’aille voir ce film qui suscite autant de dégoût chez l’anti-France, mais surtout parce qu’il s’agit du général Charette.

« Vaincre ou mourir » est la première production de « Puy du Fou Films » avec pour réalisateurs Paul Mignot et Vincent Mottez (Vinsorus) pour ceux qui ont connu… On comprend déjà mieux l’origine de l’existence même de ce film. Le parc du Puy du Fou qui est déjà à lui seul une véritable vitrine à la gloire de notre histoire mais aussi, en partie, de la contre-révolution ! Après le parc, voici qu’arrive maintenant un film ! De quoi donner la jaunisse à nos chers républicains…

Au premier abord, la présence de quelques acteurs m’avait un peu gêné, entre autres, l’acteur Jean-Hugues Anglade qui n’est pas vraiment réputé pour son côté patriote ! C’est peut-être pour cela d’ailleurs qu’ils l’ont cantonné à jouer le rôle du conventionnel Albert Ruelle (1754-1805) chargé de diriger la lutte contre les Vendéens.

Néanmoins, je paie mon billet comme tout le monde et m’installe sur un strapontin du cinéma. Le film commence par une intervention de l’historien Reynald Secher. Oui ! Celui qui, de par ses travaux, a mis en évidence le fait que ce qui s’était passé en Vendée durant la révolution, relevait du génocide ! Ça commence bien ! Je comprends mieux pourquoi cette chère Elisabeth Franck-Dumas s’est sentie dans l’obligation de nous pondre une incroyable analyse digne d’une télé-réalité.

Sans vouloir divulguer le contenu du film, par respect pour ceux qui ne l’ont pas encore vu, voici quelles sont mes impressions. Certes, c’est un film qui dispose malheureusement de beaucoup moins de moyens que le « Jeanne d’Arc » de Besson. Cela se ressent quelque peu, mais dans l’ensemble, c’est une jouissance ! Voir un film au cinéma, avec des drapeaux « Pour Dieu et le Roi », entendre Charette dire à ses hommes, tous flanqués d’un sacré-coeur : « Nous sommes le dernier rempart d’un royaume de mille ans » chose qui caractérise toujours les Royalistes d’aujourd’hui. Voir enfin, le vrai visage des armées républicaines de cette époque, leur férocité dans le carnage et leur fanatisme ! Ça change des récits imaginaires de l’Éducation dite « Nationale » sur ce sujet.

Dans ce film, les répliques du général Charette sont assez percutantes, même si l’acteur a tendance à s’exprimer sur un ton uniforme. Dommage quand même de lui avoir fait dire que nous étions la jeunesse du « monde » ! Dans la citation d’origine, il dit à ses hommes que nous sommes la jeunesse de Dieu, et pas celle du monde, ce qui religieusement fait toute la différence ! Jean-Hugues Anglade tient la route dans son rôle, les autres acteurs aussi. Les scènes de combat sont assez bien réalisées dans l’ensemble.

Bref ! C’est un film qu’il faut impérativement aller voir, ne serait-ce pour s’abreuver du courage et du sacrifice consenti de la part de tous ces combattants contre-révolutionnaires. Cela fait du bien de voir un film qui fait la part belle au panache français et au sens de l’honneur, dans un monde qui est l’aboutissement des idéaux révolutionnaires. Un grand merci à toute l’équipe du Puy du Fou pour tout ce travail. Espérons que « Vaincre ou mourir » n’est que le premier d’une longue série à la gloire de notre histoire et de nos glorieux ancêtres.

Plus que jamais, aujourd’hui comme en 1793, pour Dieu, la France et le Roi !

P-P Blancher

Non au report de l’âge légal de retraite.

Le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, annoncé mardi soir par Mme Borne, n’est qu’une étape avant un report vers un âge encore plus élevé, comme le suggèrent déjà les journalistes économiques sur les ondes radiophoniques, en attendant qu’ils l’écrivent, une fois de plus et noir sur blanc, dans leurs éditoriaux des jours prochains. Déjà, la scénographie syndicale se prépare, à grands renforts de manifestations, de slogans, de calicots couleur fluo, et la Gauche, celle-là même qui a préparé les 43 ans de cotisation pour avoir une retraite à taux plein (réforme Touraine, sous le quinquennat de M. Hollande), monte sur ses grands chevaux, son amnésie en bandoulière et son hypocrisie en oriflamme : triste spectacle d’un pays légal qui dévalorise la parole politique pour quelques pourboires électoraux. J’avoue avoir plus d’estime pour un Laurent Berger, syndicaliste dont je ne partage pas forcément les préjugés et les timidités dans l’action, que pour un Olivier Faure, apparatchik d’un parti sans colonne vertébrale et sans honneur, mais je ne méconnais pas non plus les insuffisances et la démagogie de syndicats qui, trop souvent, ont été les supplétifs d’un système socio-économique qu’ils partageaient avec les classes gouvernantes tout en faisant semblant de le contester. Dès les années 1900-1920, Georges Valois, promoteur d’un débat prometteur mais inachevé entre les syndicalistes ouvriers et les royalistes sociaux (1), dénonçait les faux-semblants d’un syndicalisme devenu quasiment officiel et régimiste au risque de s’interdire de repenser les bases du Travail et les conditions de son organisation. Il en est ainsi aujourd’hui, et c’est fort regrettable. Cela signifie-t-il qu’il faille se détourner totalement des syndicats et de leurs initiatives quand le combat social s’engage ? Non, je ne le pense pas, et je suis partisan d’un certain pragmatisme politique en ce domaine.

Soyons clair : je refuse toute démagogie, et toute contestation, si elle veut être crédible, doit être argumentée et, mieux encore, constructive. Dans le combat qui s’engage à nouveau, plus encore que les slogans, ce sont les propositions qui pourront crédibiliser l’opposition au report de l’âge de départ à la retraite, et il ne sera pas inutile de les porter, d’une manière ou d’une autre, au sein des cortèges syndicaux ou des coordinations professionnelles (un journaliste les qualifiait l’autre jour de « corporatives », ce qui n’est pas totalement faux au regard de la définition même de ce qu’était une corporation…), ou dans les discussions et débats que ne manqueront pas de soulever les projets de Mme Borne.

Les syndicats seront-ils ainsi capables de motiver une contestation qui soit capable d’aller au-delà d’elle-même ? Leurs échecs récents et leur perte de crédit dans le monde du Travail lui-même peuvent nous inciter à la prudence, et il faudra sans doute, non se passer d’eux complètement mais savoir les « déborder » : non par l’outrance mais par l’espérance (2) ; par la force des convictions et celle des propositions. C’est ce que je vais essayer d’initier ici, en tant que royaliste social soucieux de réfléchir aux conditions nécessaires à l’équilibre, à la justice et à l’avenir de la société française dans laquelle s’inscrit, en priorité, ma pensée et mon action.

Le refus d’un report de l’âge légal de départ à la retraite au-delà de 62 ans (limite qui, en soi, n’est pas inamovible, et qui peut elle-même, et selon les métiers et leurs contraintes, être discutée « à la baisse ») s’entend en priorité pour les professions liées au travail d’usine, du bâtiment, de la terre et du soin médical (entre autres, la liste précédente n’étant pas exhaustive), et à celles qui exposent au péril physique (fonctions de secours et de lutte contre le feu et les catastrophes, maintien de la sécurité publique, etc.). Ce refus ne doit pas, pour autant, prendre la forme d’une interdiction : qui veut poursuivre son activité professionnelle au-delà de l’âge légal de départ à la retraite doit, après examen médical et entretien de motivation dans certains cas, pouvoir le faire et être assuré d’être accepté au sein de l’entreprise ou de l’organisme d’origine, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui, d’ailleurs. Mais obliger des travailleurs à poursuivre leur activité professionnelle au-delà de leurs propres limites physiques et mentales parce que la loi y oblige en âge ou en trimestres travaillés, voilà qui paraît bien peu social et qui risque, à rebours de toute velléité d’amélioration des conditions de travail et de vie, d’amplifier le sentiment d’amertume et de ressentiment qui, désormais, semble parcourir la société toute entière, de part en part. Si les conditions de « l’acceptabilité sociale » ne sont plus réunies, il est fort à parier que le mal-être sensible aujourd’hui dans notre pays n’en sera que plus fort et, à terme, plus dangereux pour l’unité même de la nation : les risques d’une « sécession multiple » des catégories les plus affectées par la conjoncture économique actuelle et par des mesures gouvernementales déconnectées des réalités sociales humaines sont bien réelles, et le soulèvement des Gilets jaunes de l’automne 2018 nous rappelle que l’injustice sociale, quand elle est trop criante, porte en elle la révolte comme la nuée porte l’orage, peut-on affirmer en plagiant Jaurès (3).


(à suivre)






Notes : (1) : Georges Valois eut un parcours politique et idéologique complexe, mais sa période royaliste (qui dura tout de même plus de vingt ans, jusqu’à sa rupture brutale avec l’Action Française en 1926…) fut d’une grande densité intellectuelle et d’une richesse conceptuelle et pratique sur laquelle il n’est pas interdit de se pencher et de réfléchir.

(2) : L’outrance se marque souvent par un activisme désordonné qui vise à déstabiliser le Pouvoir sans s’assurer de ce qui pourrait suivre quand l’espérance, elle, s’inscrit dans le temps long et cherche à fonder un nouveau rapport de forces ou, mieux encore, un nouvel ordre des choses, le premier visant, en fait, à promouvoir le second.

(3) : Le socialiste Jean Jaurès, lors d’un déplacement à Lyon le 25 juillet 1914, quelques jours avant d’être assassiné, déclare dans un discours resté célèbre (autant que lettre morte, d’ailleurs) : « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ! ». Une semaine après, la Grande Guerre faisait ses premières victimes…





Jean-Philippe Chauvin, royaliste social.

La retraite à 65 ans, avant celle à 67 ?

Les débats sur les retraites sont relancés et les hostilités sociales et politiques à nouveau engagées sur ce terrain délicat autant pour tout gouvernement que pour les organisations syndicales et les acteurs sociaux. Et là encore, la République actuelle se retrouve prisonnière de ses propres principes et de ses contradictions institutionnelles, montrant au passage son incapacité systémique à résoudre efficacement et justement la question sociale, jamais résolue (c’est une question éternellement renouvelée, en fait, de génération en génération…) mais question qu’il convient de prendre en compte pour éviter les deux maux extrêmes de l’injustice et de l’inefficacité.

Madame Borne, Premier ministre de son état, issue de la Gauche socialiste, s’avère être en première ligne (un propos sans doute à nuancer si le Président, comme il le fait ce dimanche dans Le Parisien, s’engage à son tour sur ce terrain pourtant périlleux pour lui) et dévoile, avant de l’officialiser le 15 décembre prochain, la réforme des retraites voulue et pensée officiellement par le Président de la République, sous le contrôle peu discret de la Commission européenne qui, régulièrement, appelle la France à « faire les réformes nécessaires » : cette dernière formule toute faite désigne en réalité les exigences de cette Union européenne si peu sociale que cela en est gênant, en particulier pour ceux qui pensent en termes de justice sociale et de bien commun (l’un étant peu dissociable de l’autre).

Quelques remarques préliminaires : la date choisie est-elle l’effet du hasard, ainsi posée à dix jours de la Nativité ? J’ai du mal à le croire, évidemment, et j’y vois, sinon une forme de provocation, du moins une tentative, peu fine, de profiter du relâchement programmé des fêtes pour passer en force sur un sujet clivant et particulièrement explosif. Bien sûr, nombre de débats, de tribunes, de colloques, voire de contestations, ont déjà eu lieu, et il serait faux de parler de nouveauté ou de surprise à la lecture des intentions et projets gouvernementaux. Durant la campagne présidentielle elle-même, le Président alors candidat à sa réélection a bien annoncé la couleur : le report de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans et, entre les deux tours, à 64 ans (mais avec l’objectif final de … 65 ans !). Qui n’était pas au courant qu’une fois réélu, il chercherait à tenir sa promesse de campagne en arguant qu’une majorité des électeurs avaient, dans le même temps que sa personne, avalisée cette mesure annoncée ? Personne n’a été pris en traître, pourra-t-il affirmer ! Certains diront qu’il néglige le fait que nombre de ses électeurs l’ont été juste de manière occasionnelle, pour écarter l’autre candidat, mais eux semblent oublier, ou méconnaître, que l’élection est, en plagiant Clemenceau à propos de la Révolution française, « un bloc »…

L’argument classique du gouvernement et des libéraux est de souligner le risque d’une sorte de faillite et de disparition du système de la retraite par répartition si les comptes ne sont pas consolidés : il est tout à fait vrai que le coût du financement des retraites ne cesse d’augmenter, du fait de l’élévation (heureuse) de l’espérance de vie des Français, de la baisse (moins heureuse et plutôt malvenue aujourd’hui) de la natalité et, donc, de la proportion trop faible désormais de personnes en activité professionnelle abondant les caisses des retraites (1,6 cotisant environ pour 1 retraité quand c’était 4 pour 1 après la Seconde Guerre mondiale) mais aussi d’un taux de chômage qui reste encore préoccupant quand, de plus, les emplois précaires (donc rapportant beaucoup moins aux finances de l’État) sont en nette augmentation, confortant une sorte de précariat désormais constitutif de notre économie contemporaine nationale. Aussi, aborder la question des retraites sous le seul angle d’une mesure d’âge et, en l’occurrence, du report de l’âge de départ à la retraite, est une erreur flagrante pour tout État digne de ce nom : il n’y a donc pas une, mais un ensemble de réponses et de propositions qu’il faut penser, valoriser et pratiquer, sans oublier la complexité des nécessités, des activités et des vœux de la société française et de ses éléments.

Pour en revenir au report de l’âge de la retraite à 65 ans, il n’est qu’une étape avant un report à 67 ans, mesure préconisée depuis 2011 par la Commission européenne et qui a déjà été étendue (ou en voie de l’être) à nombre de pays de l’Union européenne, en particulier (au-delà de l’Allemagne promotrice de cette politique et à l’origine de la préconisation de l’UE) à ceux sur lesquels ladite Commission pouvait faire pression en raison de leurs difficultés économiques et de leur dépendance au système monétaire européen, c’est-à-dire à l’euro, « monnaie unique » aux règles parfois iniques : la Grèce, l’Italie par exemple, le Portugal étant sur la même voie avec une retraite à 66 ans et 7 mois. D’autres pays, ceux-là considérés comme « riches », ont déjà mis cette mesure en place : l’Allemagne déjà évoquée, le Danemark, quand les Pays-Bas sont à 66 ans et 7 mois, mais les raisons ne sont pas liées aux difficultés économiques mais bien plutôt aux problèmes démographiques de renouvellement de la population active et à une culture protestante plus « franklinienne ». En tout cas, la majorité des États de l’Union européenne ont déjà adopté (ou sont restés à) un départ à la retraite à 65 ans, sachant que, là encore, la Commission européenne prévoit que ce n’est qu’une mesure d’étape et non une décision définitive !

Certains m’accuseront d’exagérer, j’en suis bien certain, et évoqueront un pessimisme social sans fondement. Alors, évoquons, en historien du « social », le cas si révélateur de la Pologne, pour illustrer mon propos précédent. En 2012, pour suivre les recommandations de la Commission, le gouvernement libéral de Donald Tusk a reculé l’âge de départ à la retraite à 67 ans (elle était fixée auparavant à 65 ans, comme le veut M. Macron aujourd’hui pour la France), en une réforme fort impopulaire dans un pays qui avait, contrairement à tant d’autres en Europe, échappé aux effets de la crise de 2008. Cela provoqua un très fort mécontentement des Polonais et entraîna bientôt le retour des conservateurs-catholiques au pouvoir qui, en 2017, ramenèrent l’âge de départ à la retraite à 65 ans pour les hommes et à 60 ans pour les femmes ! Donald Tusk, lui, fut recyclé dès 2014 (et jusqu’en 2019) par les instances de l’Union à la présidence du Conseil européen, sans doute en remerciement des services rendus à la « cause »… Mais quand la Pologne « revint en arrière » (selon l’expression en cours dans les couloirs de la Commission européenne), elle dût faire face à une véritable offensive de l’UE contre sa nouvelle réforme des retraites, avec deux arguments « européens » qui se voulaient alors définitifs : d’une part, cette réforme allait entraîner un effondrement de l’économie polonaise (effondrement qui, en fait, n’eut pas lieu…) ; d’autre part, elle contrevenait à l’égalité hommes-femmes en permettant à celles-ci de partir 5 ans avant les hommes, et l’UE commença d’évoquer des sanctions contre la Pologne pour cette dernière raison jugée discriminatoire, du moins jusqu’au moment où l’Autriche fit remarquer qu’elle aussi avait mise en place cette mesure « inégalitaire » ! La Commission européenne, vaincue, se contenta alors de grommeler sans insister mais en cherchant à discréditer cette mesure en l’accusant de… renvoyer les femmes à la maison !

Cet exemple, peu évoqué par les médias français et européens, montre en fait les véritables intentions de la Commission européenne et celles qui animent, sans doute, la plupart des ministres européistes français et leur président, « européiste en chef ». En s’opposant aujourd’hui en France au passage de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans, on s’oppose en fait à la retraite légale à 67 ans voulue par la Commission.




Jean-Philippe Chauvin

Non à la retraite à 67 ans !

Jusqu’où iront-ils ? L’ancien premier ministre Edouard Philippe, dans un entretien paru dans Le Parisien, dimanche 9 octobre, évoque la possibilité d’un recul de l’âge d’accès à la retraite, comme le souhaite d’ailleurs la Commission européenne depuis 2011, à 67 ans, en attendant, pourquoi pas, 68, 69 ou plus, qui le sait ? Ce même triste sire, déjà en campagne pour la présidentielle de 2027, est bien celui qui durant trois ans a gouverné la France avec le succès que l’on sait, et les conséquences que l’on subit. Certes, il n’a rien fait d’autre que suivre une pente déjà empruntée par ses peu glorieux prédécesseurs, et que l’actuelle locataire de l’Hôtel Matignon s’empresse elle aussi de suivre : cette constance dans l’erreur mérite d’être saluée autant que dénoncée et condamnée… Mais il est parfois désespérant de constater que ceux qui nous gouvernent au nom du pays légal, semblent ne rien avoir appris de l’histoire, qu’elle soit politique, économique ou sociale, et que les préjugés des précédents sont aussi ceux des successeurs, dans une spirale infernale d’une forme de fatalisme qui montre le peu d’imagination et d’audace véritable de nos élites devenues routinières pour éviter les remises en cause douloureuses et, qui sait, « renversantes ».

Le dossier des retraites n’est pas un insoluble problème même s’il est éminemment complexe et délicat, et il ne peut être question de renvoyer le débat sur cet épineux sujet aux calendes grecques, c’est-à-dire aux générations suivantes. Et, là encore, il n’y a pas une seule solution mais bien plutôt un ensemble de possibilités et de propositions utiles pour envisager la pérennité d’un système de distribution de retraites aux travailleurs de notre pays, le terme de « travailleurs » étant employé ici à dessein pour signifier que ce sont bien eux en priorité qui doivent être concernés par une stratégie sociale privilégiant le travail et non la rente ou l’assistanat. Une véritable politique familiale digne de ce nom et une lutte plus efficace contre le chômage, entre autres, sont des moyens de sortir de la nasse : pourquoi la première proposition est-elle si absente des discours du pays légal contemporain, comme s’il y avait un abandon de toute ambition démographique qui consisterait, non à surcharger la planète, mais à remplir un peu plus nos berceaux, nos crèches, nos écoles, nos campagnes ? N’oublions pas que quelques dizaines de milliers d’enfants supplémentaires chaque année entraîneraient le maintien ou la création de plusieurs milliers d’emplois en crèche, dans nos écoles, collèges et lycées à moyen terme, et, donc, de nouveaux cotisants pour abonder les caisses de retraites. Or, les services de l’Education nationale, aujourd’hui, nous annoncent, sans s’en inquiéter outre-mesure, une diminution d’effectifs dans les cinq prochaines années d’un demi-million d’élèves ! Cela explique peut-être que le Ministère se préoccupe si peu du non-renouvellement des générations (aujourd’hui fortement vieillissantes…) d’enseignants qui, pourtant, devrait entraîner une véritable stratégie active (plus encore que réactive) de remplacement et d’enracinement de nouvelles équipes de professeurs dans nos établissements publics et privés : s’il y avait encore un Etat digne de ce nom à la tête des institutions de la République, il oserait une politique familiale et scolaire qui pourrait permettre de dépasser certains blocages actuels. Mais, apparemment, la République n’a plus besoin de professeurs ni d’enfants, juste de consommateurs et de contribuables assagis et raisonnables, sans autre ambition que de suivre les modes et les ordres du moment : vers la servitude volontaire ?

Cette piste démographique n’est qu’une piste parmi d’autres pour résoudre la question des retraites et de leur financement : il y en a tant d’autres encore possibles, et le basculement progressif vers un système de « patrimoines corporatifs » pris en charge par les différents acteurs du monde économique et social plus encore que par l’Etat, peut en être une autre, complémentaire, et qui mériterait d’être discutée, tout en prenant en compte la modification des formes et des structures du Travail en France. Va-t-on attendre la prochaine République ou la Septième, ou la Dixième, pour ouvrir enfin la boîte à idées et la chambre à débats ? Il y a urgence et, visiblement là encore, mieux vaut la Monarchie royale et sociale, et le plus tôt possible : pour penser cet avenir que la République, elle, limite toujours à la prochaine présidentielle quand la Monarchie l’imagine et le prépare sur le long terme, non des élections, mais des générations…

En attendant, il n’est pas inutile de redire à M. Philippe qui se rêve déjà en calife à la place du calife : non, nous ne voulons pas de vos solutions sans imagination, injustes et antisociales ! Sans doute faudra-t-il le crier encore plus fort dans quelques jours ou dans quelques semaines.

Jean-Philippe Chauvin



La République imprévoyante.

La rentrée scolaire est faite, et déjà les premiers cours font oublier les vacances quand, dans le même temps, l’actualité fait entendre sa petite musique lancinante et que les inquiétudes, pour certains jamais complètement écartées, remontent à la surface : « Aurons-nous des professeurs devant tous les élèves cette année ? » ; « Pourrons-nous nous chauffer convenablement ? » ; « Que restera-t-il de l’économie française au printemps ? » ; etc. Il est vrai que la guerre en Ukraine, la menace d’une nouvelle vague de Covid et la crainte d’une dégradation climatique accélérée, sont autant de motifs de souci et, parfois, de désespérance. Et, plus encore que la colère, c’est une sorte de fatalisme qui paraît imprégner les populations, un sentiment d’abandon qui est d’autant plus dangereux qu’il est difficile d’en saisir tous les ressorts et tous les contours, et qu’il pourrait bien, en quelque occasion, se muer en ouragan, au moment où l’on s’y attend le moins : le gouvernement de la République et son chef de l’Etat en sont-ils conscients ? J’ai du mal à en douter, ne méconnaissant pas l’intelligence mâtinée de suffisance de ceux qui monopolisent les institutions de la République…

En fait, nos gouvernants espèrent que la peur de l’inconnu et du désordre freinera toute contestation d’ampleur, et parient que les oppositions présentes à l’Assemblée nationale, soucieuses d’éviter une dissolution (même si cette option semble s’éloigner, le recours au 49-3 permettant de contourner, au moins temporairement, l’obstacle parlementaire) et cherchant à crédibiliser leur « alternative », sauront contenir les troubles qui, s’ils en semblaient les organisateurs ou les promoteurs, pourraient bien se retourner contre elles. Ce calcul, présidentiel avant que d’être proprement gouvernemental, est risqué, mais est-il juste ? L’avenir nous le dira, et il me semble prudent de n’écarter aucune possibilité de celui-ci, ne serait-ce que parce que « l’inédit » est aussi une des marques et des leçons de l’histoire qu’il s’agit de ne pas méconnaître. Autant j’évite de faire de la divination politique, autant je ne veux négliger, a priori, aucune des possibilités de l’avenir : « prévoir l’imprévisible, attendre l’inattendu » est aussi une nécessité politique pour qui ne veut pas subir l’histoire et cherche à en saisir les ressorts pour ne pas être désarçonné le jour venu, lorsque se lève le vent des « événements » …

Ce qui est certain, c’est que la République, prisonnière de ses propres principes et de sa dérive électoraliste qui l’empêche d’inscrire une politique d’Etat sur le long terme et qui soumet celle-ci aux rapports de force et aux démagogies de tout (dés)ordre, n’a pas su prévoir ni préparer ce qui, hier avenir, est notre « aujourd’hui ». L’exemple terrible de la politique énergétique, celui-là même dont M. Macron refuse de porter la responsabilité alors qu’il a bien été (après, il est vrai, le premier ministre Lionel Jospin en 1997, initiateur du « désastre énergétique » et le président Hollande, tous deux soucieux de donner quelques os à ronger aux « Verts » antinucléaires…) le fossoyeur d’une stratégie nucléaire raisonnable en mettant fin au projet Astrid en 2019 (1) et en fermant la centrale de Fessenheim, est là pour nous prouver, si besoin en était, l’inconséquence de la République dont, aujourd’hui, notre pays comme ses habitants sont les principales victimes. Et il n’est pas inutile de rappeler que la République n’a même pas su, faute de volonté politique et de vision à long terme (le seul horizon de la République est… la prochaine élection présidentielle !), développer une stratégie des énergies marines renouvelables dont la France, avec ses 11,5 millions de kilomètres carrés de territoire maritime (la deuxième Zone Economique Exclusive – ZEE – du monde, ce n’est pas rien, tout de même !), pourrait être la première productrice mondiale si elle s’en donnait la peine ! Quel gâchis, quel scandale !

« Gouverner c’est prévoir », dit-on ! Visiblement, la République a « oublié » cette formule de bon sens




Jean-Philippe Chauvin



Notes : (1) : Selon le site électronique du quotidien Le Figaro du 20 avril 2022, le projet Astrid « était un projet de réacteur expérimental, à neutrons rapides, lancé en 2010 par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Controversé en raison de son coût, il a été abandonné en 2019. Il devait ouvrir la voie vers les réacteurs nucléaires dits de quatrième génération, capables d’utiliser des extraits de combustibles usés pour fonctionner. » C’est bien le président Macron qui a pris la décision de mettre un terme à ce projet, tout comme le premier ministre Lionel Jospin, bien avant lui (en juin 1997), avait enterré, sans aucune concertation, le réacteur nucléaire Superphénix, pourtant prometteur…








Je n’oublierai jamais…

JAMAIS…JE N’OUBLIERAI.. JAMAIS JE NE PARDONNERAI


Je n’oublierai jamais la police traquant les personnes dans les bois ou sur les plages désertes pendant les confinements.
Je n’oublierai jamais le « n’appelez pas votre médecin, restez chez vous, prenez du Doliprane », interdisant tout soin précoce, efficace et peu onéreux.
Je n’oublierai jamais les masques tantôt inutiles, tantôt obligatoires même en extérieur, sous peine d’amende, imposés jusque dans les écoles même aux heures de « récré ».
Je n’oublierai jamais l’effacement des visages
Je n’oublierai jamais les attestations sur l’honneur contrôlables par les forces de l’ordre, justifiant et définissant nos sorties limitées à quelques motifs.
Je n’oublierai jamais l’exagération des morts qualifiés « covid ».
Je n’oublierai jamais les 135€ d’amende pour défaut d’attestation ou promenade seul en forêt pour pouvoir respirer sans masque.
Je n’oublierai jamais les dénonciations des voisins à la police.
Je n’oublierai jamais nos anciens en EHPAD interdits d’hôpital et « terminés » au Rivotril.
Je n’oublierai jamais, une pub audio-visuelle pour inciter à mettre Papi et Mamie dans une autre pièce, pendant le repas de Noël.
Je n’oublierai jamais une vidéo du gouvernement où une grand-mère se retrouve en réanimation après avoir été approchée par sa petite fille.
Je n’oublierai jamais l’interdiction de traitements potentiels et peu couteux.
Je n’oublierai jamais l’interdiction de prescrire ces traitements.
Je n’oublierai jamais le Dr Michel Cymes, sur les antivaccins covid : « Qu’ils se regardent dans la glace et se disent, oui, je peux tuer des gens aujourd’hui. »
Je n’oublierai jamais : « On vous vaccinera de force. Moi je vous ferai emmener par deux policiers au centre de vaccination ». Emmanuel Lechypre, journaliste.
Je n’oublierai jamais : « Les devoirs valent avant les droits. » Emmanuel Macron
Je n’oublierai jamais : « Un irresponsable n’est plus un citoyen. » Emmanuel Macron
Je n’oublierai jamais le contrôle zélé de ce pass par nos semblables en mal d’autorité ou de supériorité.
Je n’oublierai jamais l’interdiction des hôpitaux aux malades en cours de traitement non détenteur d’un pass
Je n’oublierai jamais : « Greffer un non vacciné c’est gaspiller un organe. » Patrick Evrard, directeur du centre de transplantation de Mont-Godinne à Namur.
Je n’oublierai jamais Michel Onfray comparant les non-vaccinés à « des racailles, des contaminateurs conscients d’avoir le Sida ou des violeurs de jeunes filles. »
Je n’oublierai jamais : « Faisons payer l’entrée en réanimation aux non vaccinés. » Charles Consigny, chroniqueur
Je n’oublierai jamais l’obligation vaccinale, au 15 septembre 2021, des soignants, des pompiers et des militaires faisant des réfractaires à cette obligation des « suspendus ».
Je n’oublierai jamais les soignants applaudis puis suspendus, sans aucune ressource ni indemnité, puisque privés aussi de licenciement.
Je n’oublierai jamais la passivité, la léthargie et l’acceptation du peuple
Je n’oublierai jamais : « Eh bien là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Je ne vais pas les mettre en prison, je ne vais pas les vacciner de force. Et donc, il faut leur dire: à partir du 15 janvier 2022, vous ne pourrez plus aller au restau, vous ne pourrez plus prendre un canon, vous ne pourrez plus aller boire un café, vous ne pourrez plus aller au théâtre, vous ne pourrez plus aller au ciné… » Emmanuel Macron.
Je n’oublierai jamais la fabrique de sous-citoyens dans notre République.
Je n’oublierai jamais la maltraitance infantile par la multiplication des tests rhinopharyngés invasifs et douloureux imposés par le gouvernement
Je n’oublierai jamais la quantité et la variété d’effets secondaires afférents à cette vaccination, pas toujours reconnus voire tus par nos médias et nos pouvoirs publics.
Je n’oublierai jamais la détresse et la solitude des victimes de ces effets parfois irréversibles.
Je n’oublierai jamais les morts de ces effets secondaires qui se comptent par dizaines de milliers juste dans l’Union Européenne.
Je n’oublierai jamais qu’après 3 doses vaccinales « covid », le slogan gouvernemental « Tous vaccinés, tous protégés » n’ait pas été remis en question.
Non, je n’oublierai jamais le « Quoi qu’il en coûte », notre souffrance… et je pleure…


Extrait tracts Carlo Brusa le 26 juillet 2022

Quand la Chine communiste applique le « politique d’abord ».

Suite à ma dernière note, un de mes interlocuteurs semble me reprocher (courtoisement, et dans l’esprit de la « noble dispute ») de considérer que l’Occident est responsable de la montée en puissance de la Chine communiste et de minimiser les possibilités propres du grand pays asiatique qui, aujourd’hui, est devenu la grande préoccupation des Etats-Unis : en fait, et la précision s’impose, c’est la conjonction des deux phénomènes qui permet de saisir la situation présente, et le soutien de quelques autres éléments. Mais négliger les responsabilités de l’Occident dans ce processus débuté il y a une quarantaine d’années serait, plus qu’une erreur, ce serait une faute. Et je rappelle que Deng Xiao Ping, qui avait une conception du monde et de son avenir éminemment chinoise et communiste, a souligné lui-même ce que j’évoquais dans la note précédente (1) ! Il savait les faiblesses de l’Occident et il connaissait la « cupidité » des Occidentaux (ou plutôt de ceux qui, désormais, faisaient de l’Argent leur nouveau dieu, dans un double processus de sécularisation et de « triomphe de l’objet » en Europe, le supermarché remplaçant l’église ou le temple), d’où son appréciation des possibilités de développement de la Chine « grâce » à l’idéologie constitutive même de la société de consommation née en Occident et de son individualisme économique. D’ailleurs, la mise au point ce lundi 8 août de la firme Apple, qui fait suite à celle de Mars Wrigley et qui précède celle de toutes les firmes occidentales implantées sur le continent asiatique ou commerçant avec la puissance communiste, est révélatrice : elle reprend les termes mêmes du gouvernement chinois, et aucune, malgré les grands principes libéraux et « humanistes » qu’elles invoquent dans leurs chartes et communications (dont elles abreuvent les écrans publicitaires et « diversitaires » des pays d’Occident, un peu moins des pays du Sud…), n’évoque l’idée ou la trace même d’une indépendance ou d’une autonomie de Taïwan ! M. Mélenchon, qui a dit la même chose que toutes ces grandes entreprises multinationales occidentales, s’est fait lyncher, lui (surtout par les gens de Gauche, beaucoup plus virulents à l’égard de sa position que les gens de… Droite, étrangement muets), quand les firmes transnationales, elles, sont miraculeusement épargnées par les foudres de ces mêmes moralistes : quand les extrêmes se rejoignent, pourrait-on ironiser… Je pourrais attendre avec impatience l’appel des « libéraux » (je mets des guillemets car certains, rares néanmoins, sont plus attachés aux libertés civiques que les entreprises dont ils prônent la liberté…) à dénoncer et à boycotter toutes les firmes présentes en Chine, mais je risquerai de rester bien longtemps dans l’attente et, de toute façon, je ne suis pas certain que cela soit tout à fait efficace… Les féodalités économiques de la mondialisation n’ont que faire d’une île de 23 millions d’habitants, et s’il faut, à un moment ou à un autre, choisir entre sa liberté politique et les profits capitalistiques, le choix sera vite fait pour ces entreprises, sous la pression de leurs actionnaires eux-mêmes… La Chine le sait, et elle joue sur du velours. D’autant plus que, à bien y regarder, les Etats-Unis auraient bien du mal, désormais, à se passer de « l’atelier du monde » et de ses bas salaires, l’une des sources de la « mondialisation heureuse » vantée par les héritiers idéologiques de Ford et de Truman…

« Si la Chine s’est autant développée c’est tout simplement car elle a ouvert son économie, et qu’une nation travailleuse comme la Chine, première puissance démographique au monde, retrouve sa place « normale », dans le monde », souligne mon interlocuteur. Cela confirme exactement ce que j’explique plus haut, et cette « ouverture » est bien restée économique, évitant absolument une ouverture politique quelconque, la première confirmant la stratégie de Deng Xiao Ping de « faire de la force » et de se rendre indispensable à l’Occident… C’est même l’ouverture économique qui a financé la montée en puissance de la Chine communiste, puisque l’idée des libéraux (baignant dans cet optimisme qui consiste à croire que l’argent, en lui-même, est « le bien et le bonheur », en oubliant la sagesse des évangiles qui y voit un possible « bon serviteur » mais un « mauvais maître ») était, qu’à plus ou moins long terme, et reprenant la citation de Bernanos (mais dans un sens bien différent…), « la démocratie est (ndlr : ou plutôt serait, dans ce cas précis) la forme politique du capitalisme (2) ».

Que la Chine soit aussi une « nation travailleuse » (ou, plus exactement et complétement, commerçante « d’abord », si on se réfère à son histoire plurimillénaire), c’est indéniable (même s’il faut se méfier des préjugés…), mais c’est surtout, depuis 1979, un pays-atelier qui ne va pas se contenter trop longtemps de ce statut. Autant le XIXe siècle avait été le siècle du déclin, autant le XXIe pourrait bien être celui de l’hégémonie (3) : mais, attention à ne pas oublier la particularité chinoise qui préfère le contournement plutôt que l’affrontement direct ou la colonisation proprement territoriale. Et il est douteux que la Chine cherche à devenir le gendarme du monde comme les Etats-Unis depuis 1945 et, surtout, depuis 1991 (4) : il est plus intéressant pour elle, et correspondant mieux à sa conception de la puissance, de se rendre incontournable sans se soucier du sort du monde ou des autres pays. La sino-mondialisation n’est pas la globalisation occidentale, et c’est peut-être pour cela aussi que certains évoquent une « fin de la mondialisation » qui n’est, en fait, que la fin de la « mondialisation globalisante » autour du seul modèle états-unien affirmé au XXe siècle (5), la société capitaliste de consommation et de distraction motivée par l’individualisme de masse financiarisé…

Il y a aussi une formule de mon interlocuteur qui m’intrigue : c’est celle de la « place normale » que la Chine devrait occuper au regard de sa démographie, et qui, en fait, me semble survaloriser le nombre, la quantité en somme, au détriment des autres réalités sociales : en effet, la Chine est, pour quelques mois encore, la première puissance démographique, mais elle est en passe d’être doublée, en ce domaine, par l’Inde et, surtout, son taux de fécondité est devenu si bas qu’elle pourrait voir sa population diminuer dès 2025. C’est la conséquence de sa politique de l’enfant unique (1976-2016) et, malgré ses efforts pour inverser la tendance, rien n’y fait ! Cela n’empêche pas, néanmoins, qu’à elle seule, elle soit numériquement trois fois plus peuplée que l’Union européenne et quatre fois plus que les Etats-Unis : sans être déterminant, cet aspect-là de la démographie chinoise compte sur le plan géopolitique comme sur celui de l’économie, et il nous faudra en reparler, sans oublier, justement, que la démographie est éminemment politique. « Il n’est de richesses que d’hommes », disait le juriste français Jean Bodin : si cette formule peut être nuancée par le mode de développement et de société (2ème PIB mondial, la Chine n’est que vers le 20ème rang si l’on se réfère au PIB par habitant, par exemple), mais aussi par le niveau de puissance militaire (technologique en particulier), elle est tout de même une variable à prendre en compte dans la définition de la puissance.

Une fois ces choses dites, il faut souligner néanmoins que, dans l’histoire des derniers siècles, le nombre n’est pas toujours déterminant et, même, peut constituer un handicap s’il est mal maîtrisé par le pouvoir politique, comme la période de la décolonisation (1945-1962 environ) l’a amplement démontré alors, au détriment des pays nouvellement indépendants pourtant démographiquement très dynamiques. La Technique (et sa « domestication » d’abord pour des activités militaires, puis civiles dans un second temps) est sans doute plus importante que le nombre parce qu’elle le soumet à sa propre logique, et la Chine, d’ailleurs, a longtemps (au temps de notre Moyen âge) profité de celle-ci : mais c’est le pouvoir politique, en l’occurrence l’empereur, qui va mettre un terme à la conquête maritime que l’amiral navigateur Zheng He avait incarnée dans le premier tiers du XVe siècle en ordonnant la destruction de la flotte et des chantiers navals et en se repliant sur le continent depuis la Cité interdite… Ce sont les Européens qui allaient en tirer profit, et leur petit nombre ne fut en rien un inconvénient, comme le confirme ensuite la conquête des Amériques et la destruction totale des grands empires inca et aztèque au XVIe siècle !

Ainsi, la « place normale » de la Chine dans l’ordre du monde est, surtout, un effet d’optique qui peut, si l’on y prend garde, nous faire oublier l’histoire et la nécessité du politique dans cette valorisation de la Technique et du pays concerné : sans Deng Xiao Ping et ses successeurs formés à la même logique sino-marxiste (les manuels de formation du Parti Communiste Chinois devraient être lus par tous nos politiques et nos économistes pour bien la saisir !), il n’y a pas de puissance chinoise, même économique. Il semble bien que le doctrinaire français Maurras ait eu raison, dans ce cas chinois, quand il explique que le politique constitue le meilleur moyen pour atteindre à la prospérité économique, comme l’arc nécessaire pour que la flèche atteigne son but : « Politique d’abord ! », non comme fin, mais bien comme moyen (6) ! Une prospérité économique qui ne s’émancipe pas, dans la Chine communiste, du contrôle de l’Etat, ce dernier poursuivant un objectif : « 2049, la première place dans le monde » (7). Il n’est pas interdit d’en tirer quelques leçons pour la France ! Des leçons, pas forcément un modèle…



(à suivre)

Jean-Philippe Chauvin



Notes : (1) : D’où l’importance que j’accordais à la formule attribuée à Lénine sur ces capitalistes qui vendraient même la corde pour les pendre, selon une logique du profit financier et économique qui n’est pas celle de la liberté et du bien commun… La logique économique n’est pas, en soi, « morale », et le libéralisme économique n’est pas, fondamentalement, l’ami des libertés politiques : il peut l’être, à l’occasion, mais ce n’est pas une règle absolue, loin de là ! La seule étude de l’histoire économique et sociale de la France, en particulier des trois derniers siècles, le confirme douloureusement, comme je l’ai déjà rappelé à l’occasion de notes ou d’interventions sur les lois libérales de 1791, leur idéologie, leur application et leurs conséquences, en particulier sociales…

(2) : Quand Georges Bernanos formule cette idée, il veut signifier que la démocratie (comprise dans le sens politique libéral du terme) est le régime qui privilégie le profit économique, le plus souvent au détriment de la société elle-même et de son harmonie, la démocratie divisant le corps civique en « monades » et en oubliant la nécessité d’une unité supérieure et d’un « bien commun » antérieur aux citoyens eux-mêmes. (Cf la note du début août sur Athènes, qui aborde aussi ce thème-là, en évoquant Créon et Antigone, comme le font Michel de Jaeghere dans Front Populaire de l’été 2022 et Charles Maurras dans Antigone, Vierge-mère de l’Ordre, texte publié après la Seconde guerre mondiale).

(3) : Il faut être prudent sur ce point : l’histoire n’est pas un sens unique et il n’est pas sûr qu’elle soit toujours écrite avant d’avoir lieu. Deux exemples modernes nous incitent à l’humilité : à la veille de la Révolution française, l’idée générale en Europe était que le XIXe siècle à venir serait français ; idem pour la Russie à la veille de 1914, alors que les Etats-Unis, qui venaient de donner naissance à la société de consommation, semblaient trop endettés pour pouvoir rester la 1ère puissance industrielle qu’ils étaient devenus à la suite de la Deuxième Industrialisation… Dans l’un et l’autre des cas, on sait ce qu’il en fut vraiment !

(4) : Les Etats-Unis ont néanmoins connu nombre d’échecs qui montrent aussi la vacuité d’une telle ambition, mais qui permettent de comprendre que, ce qui importe pour les Etats-Unis n’est pas de « gagner à l’extérieur » mais de « préserver le Mainland (la « métropole », le « pays principal », l’intérieur des Etats-Unis) » : et le but est largement atteint depuis 1866, hormis en septembre 2001 qui a vu le « sanctuaire » frappé en son cœur symbolique, New-York.

(5) : Le modèle états-unien peut être symbolisé par six noms, auxquels l’avenir adjoindra peut-être encore quelques patronymes contemporains : Franklin, Taylor, Ford, Sloan, Rostow, Disney. J’en reparlerai dans une prochaine note.

(6) : Le moyen du politique est absolument nécessaire à la prospérité économique, même s’il n’est pas le seul élément qui la détermine : « Faites-moi de bonne politique, je vous ferai de bonnes finances », disait le baron Louis en 1830 au roi français. Mais, à son tour, l’économie devient un nouveau moyen, une fois sa dynamique et les fondements de la prospérité bien établis, ou plutôt une « preuve » de l’efficacité du pouvoir politique, et celui-ci s’appuie sur ce nouvel étai pour renforcer sa légitimité aux yeux de ses citoyens-contribuables… Est-ce toujours aussi simple ? N’y a-t-il pas des velléités d’émancipation des forces économiques à l’égard du pouvoir politique qu’elles voient désormais comme un obstacle à leur propre réussite ou épanouissement ? Ne veulent-elles pas, alors, le conquérir pour mieux le soumettre ? C’est là un des nœuds de… la Révolution française du XVIIIe siècle…

(7) : 2049, soit la célébration du centenaire de la conquête totale par Mao Tsé Toung de la Chine continentale et l’établissement de la République populaire de Chine en 1949…