Kebbec (rétrécissement du fleuve en Algonquin) , je me souviens…400 ANS
Jean-Baptiste Hertel de Rouville et Tsohahisen, Wendat
« Car il ne faut pas oublier que de tous les étrangers qui ont abordé ou aborderont en Amérique, les Français sont les seuls à y avoir été invités par les autochtones »
Jean Marc Soyez (spécial Canada, Historama, Juin 1984)
Après un père épuisé par de longues aventures en Amérique, Hertel de Rouville fut capturé par les Iroquois à 19 ans et en apprit la langue avant de s’échapper après deux ans de captivité. Il participa à des campagnes contre eux en 1660 et 1680 ou il se distingua parmi nos alliés Peaux-Rouges. Il participa à l’attaque contre les Sénécas (Iroquois) en 1687, prit part avec deux de ses frères à l’attaque de Salmon Falls en 1690 ou 50 Franco-indiens surprirent à l’aube, le poste et les 3 maisons fortifiées, tuant 34 britanniques et ramenant 54 prisonniers.Il devient comme tant d’autres Français à l’époque, spécialiste des raids en territoire ennemi, notamment dans le Maine avec 30 hommes de troupe et 200 Kanienkehaka (Mohawks, Iroquois)…
Les Wôbanakiac (Abénaquis) rameutèrent leurs guerriers à la suite de l’assassinat d’un indien Penobscots, une des quatre tribus faisant parti de la confédération Wobanaki du Maine. Cet indien était parent d’une indienne mariée à un noble français.
Hertel partit, à la demande du gouverneur et du chef Wôbanakiac (Abénaquis) avec 4 frères : René Hertel de Chambly 29 ans, Lambert Hertel 27 ans, Pierre Hertel de Moncours 17 ans et Michel agé de 19 ans et les enseignes René Boucher de la Perrière et François Marie Margane de Batilly.Le tout, 250 hommes dont deux cent Amérindiens Kanienkehaka (Mohawks), Wobanaki (Abénaquis) et Wendat (Hurons).Le chef Wendat Tsawenhohi et son jeune neveu Tsohahisen, sont de l’expédition et ils appartiennent à la tribu des Attignaenongnehac (tribu de la corde) fondatrice avec la tribu des Attignawantan ( tribu de l’ours) de la confédération Wendat (Huron) des 5 nations.Tsohahisen est la deuxième génération après la triste dispersion du peuple Wendat par les Iroquois en 1650 et la terrible épidémie qui ravagea la nation Wendat.Son clan, celui du Loup vient de deux ou plusieurs ancêtres maternels commun. Il est originaire de la ville de Teanaustaye (St Joseph).Les Wendats de Wendake-Lorette près de Québec ont cultivés les alliances avec les autres peuples longeant le Saint Laurent, les Kanienkehaka (Mohawks) vivant à Kahnawake (Sault au Récollet,près de Montréal) et depuis la grande Paix de 1701 avec les Wobanaki (Abénaquis) vivant à Odanak (St Francis, Trois Rivières).Ils firent aussi des raids avec les Penobscots (Maine), une des 4 nations de la confédération Wobanaki qui, par langue et culture sont Algonquins.
Ils se dirigèrent vers Deerfield, le premier établissement Anglais sur les frontières du Massachusetts en Février 1704.Déjà les Abénaquis avaient effectués plusieurs raids, le 06 Octobre 1693 et le 16 Septembre 1696 à Deerfield et Hartfield en ramenant des prisonniers. Il fait parti de la seconde riposte du nouveau gouverneur Frontenac, faisant suite aux exactions Iroquoises à Lachine, fomentés par les anglais. Le détachement partit de Montréal et traversa les glaces de la rivière Richelieu et du lac Champlain. Les raquettes aux pieds, en équipement hivernal avec toute la rigueur difficile à imaginer aujourd’hui dans notre confort moderne. Le 28 Février, ils sont devant la bourgade. Il fait nuit et atrocement froid, l’enceinte de bois est face à eux…Quatre pieds de neige sur le sol, vent glacial, les éclaireurs n’ont pas vu de sentinelles, sûrement chassés par le froid et qui penserait voir les Français ici ?
Hertel bondit dans la place avec ses hommes et les indiens poussant des cris de terreur. Ils se divisent en plusieurs bandes pour frapper tous les points en même temps. Les maisons sont assaillis et 47 défenseurs perdent la vie. Pendant l’assaut d’une maison, l’enseigne de Batilly tombe gravement bléssé et c’est dans la seconde attaque que le chef Tsawenhohi est blessé mortellement.Les Hurons le portent à l’abri en retrait pendant qu’ils continuent l’attaque avec Hertel se lancant à son tour.Il est touché au bras, il y met un chiffon et rattaque.Cela fait déjà 3 heures que le combat à commencé et déjà, les indiens emmènent leurs lots de captifs.Le village est en feu.Soudain, côté sud, Hertel entend du bruit, annonçant sûrement des renforts britanniques. Il à prévu ce risque par un point de repli le long du fleuve.Il fait couvrir la retraite par son frère René et des miliciens, des Wôbanakiaks et Wendats et se retire.Les Anglais tentent de poursuivre le « commando » encombré de 120 prisonniers mais ceux-ci, dissimulès en embuscade, mousquets aux poings, les attendent.Les godons (Anglais) se font une nouvelle fois étriller et s’enfuient en laissant encore quelques mort sur la neige.Après distribution des mocassins pour la marche des prisonniers, l’enseigne françois Marie de Batilly meurt.Le grand chef Tsawenhohi meurt aussi des suites de ses blessures.Le rituel indien demande le sacrifice dans la torture et le feu d’un prisonnier. Le père de Couvert s’y oppose car cela est contraire aux enseignements de l’Evangile dont de nombreux indiens commencent à être imprégnés et surtout ceux de Lorette.Tsohahisen sympathisa avec le prisonnier devant être sacrifié et montra au britannique qu’un indien n’est pas un être du diable. Un conseil se forma après le décès pour parler du sacrifice du prisonnier. Pour de nombreux indiens un drame de conscience se posait entre le respect de la tradition autochtone du sacrifice dans d’atroces souffrances et les préceptes chrétiens enseignés par les pères de l’Eglise.
Tsohahisen intervient et prend la parole avec fougue en proclamant sa fierté de chrétiens de Lorette ne voulant pas salir la réputation de sa communauté dans un bain de sang inutile et honteux. D’autres répliquent en insistant su le respect des traditions ancestrales permettant de maintenir la crainte et la terreur menaçante chez les ennemis.Tsohahisen a compris et en fin diplomate, réclame sa part de prisonnier en guerrier et notamment celui devant être immolé.Il appui son exigence par la fermeté et personne n’ose le contredire. La route est longue pour le retour qui dure quelques mois. Les 19 jeunes guerriers rentrent au village, fier de leur combats.Tsohahisen est maintenant un homme mûr et il a gagné l’estime des anciens dans sa façon d’agir sans brusquer ni la tradition ancestrale du peuple Wendat, ni sa nouvelle foi chrétienne. Trois prisonniers seront donc adoptés dans sa tribu après l’acceptation de la grand-mère de Tsohahisen : Ashshutä, selon la tradition. Ceux-ci s’intègreront et aideront la tribu, Jonathan, adopté au clan du Loup de la tribu Attignaenongnehac, aura comme nom Hihwaten (mon neveu).Il se passe un peu de temps et Hihwaten, ami de Tsohahisen, devient un bon pêcheur et chasseur, fabrique des raquettes et des canoës. Mais un jour à Québec, il est enlevé par le fils d’un gouverneur Anglais et disparait des yeux de Tsohahisen et de sa tribu…Tsohahisen devient un grand guerrier, craint et respecté, un ondwtayuehte de yarihwa (chef de guerre du clan du Loup).
L’historien américain William Smith (History of Vermont) : « Conduits à Montréal, ces infortunés, y furent reçus avec humanité par les Français, contrairement à ce qui se passait à Boston, où les prisonniers abénaquis et canadiens subissaient les plus mauvais traitements». Plusieurs enfants britanniques seront rachetés aux amérindiens par les canadiens et grandiront en Nouvelle-France en demandant leur naturalisation en 1710-1713.(de la Nouvelle Angleterre à la Nouvelle France, M.Fournier,1992). John Carter amené au Canada à l’âge de 9 ans par les Iroquois de Kahnawake : « est racheté par Jacques Vandry de Pointe-aux-Trombles » est nationalisé en 1710, se marie, a 7 enfants et se fait baptisé en 1724…Martha French, prisonnière à 9 ans et reste deux ans chez les indiens, rachetée par Antoine Pacaud est nationalisée en 1710, se marie et à 10 enfants…
Lors de l’attaque de 1709 par les armées de Anglaise de Nicholson, le marquis de Vaudreuil , battit le rappel de tous les combattants et Tsohahisen fut de ceux-ci.Il fut remarqué à tel point que le père jésuite Louis d’Avaugour, écrivit de lui qu’il s’était bien battu, toujours le premier, incitant à bien vivre et combattre, couvert de blessures honorables et que si on avait trouvé dix tels que lui, dans les autres nations du Canada, il y aurait bien longtemps qu’il n’existerait plus d’ennemis aux Français…
L’alliance amérindienne fut réactivée en 1720 pour répondre aux attaques anglaises sur les Abénaquis de Nouvelle-Angleterre. Le village de Lorette fut endeuillé par la perte d’un autre chef lors de l’attaque sur Rutland en 1723.
Hertel obtint avec le gouverneur Frontenac, une commission dans les troupes de la marine après 9 ans de guerre et un titre de noblesse en 1716 par Louis XIV. Il fut promu lieutenant en 1696 et capitaine en 1712.Il se marie en 1698 et obtient la Croix de St Louis (haute distinction militaire de la Royauté ) en 1721.En 1708, il fit parti du raid manqué sur Haverhill (Massachusetts), son frère René y trouve la mort. En 1709, il renouvelle son attaque sur Deerfield, beaucoup moins spectaculaire…
Souvenons-nous…
Frédéric WINKLER