La Monarchie

La république monocratique dessert la France.

La rentrée politique s’annonce compliquée, et la difficulté à trouver un titulaire pour le poste de Premier ministre n’augure rien de bon pour la suite qui, par principe en somme, ne satisfera pas grand-monde : la Gauche regroupée sous la marque « Nouveau Front Populaire » semble déjà hors-jeu, condamnée à jouer la carte de la rue pour peser encore ou, tout simplement, se faire entendre ; la Droite nationale, elle, pourra utiliser la menace de la censure (ou, au contraire, de sa non-censure, encore plus stressante pour ses adversaires…) pour continuer à exister parlementairement parlant ; les Républicains modérés, prisonniers de leurs contradictions et de leurs doutes, hésitent à franchir le pas de Matignon malgré les dénégations de leur chef de file Laurent Wauquiez… Les socialistes se divisent aussi, écartelés entre la radicalité robespierriste de Mélenchon, leur plus fidèle ennemi, et la modération radicale de Cazeneuve, l’éternel pince-sans-rire de la République…

Mais le désordre est aussi au sein du gouvernement en sursis dont l’actuelle ministre de l’éducation nationale remet en cause les aménagements de son prédécesseur devenu Premier ministre de plein exercice avant que d’être démissionnaire par la force des choses et la volonté présidentielle… Cela ajoute à l’impression désagréable de chaos institutionnel du moment ! Décidément, la Cinquième République ressemble de plus en plus à la Quatrième, au risque de finir comme elle, le discrédit pouvant bientôt mener à une agonie douloureuse si l’on n’y prend garde…

Ce qui est certain, c’est que la monocratie républicaine montre là toute sa différence d’avec une Monarchie royale : cette première, née en 1958, n’est que le pouvoir d’un homme élu, c’est-à-dire le résultat d’une soustraction (100 % des électeurs moins le nombre de suffrages exprimés pour ses adversaires si l’on ne compte que les suffrages exprimés…) quand le souverain royal ne compte pas ses soutiens et ses oppositions, mais incarne l’intégralité de la nation et de son corps électoral, au-delà de sa diversité et de ses querelles. Si le président Macron n’est pas suivi et si critiqué, c’est justement de par sa légitimité électorale, légalité certaine mais à laquelle il manque un enracinement dans le temps que peut représenter une dynastie dont le représentant du moment est un successeur tout comme un prédécesseur : la formule « le roi est mort… vive le roi ! » acte cet enracinement et cette continuité, mais aussi l’indépendance à l’égard des féodalités politiciennes qu’elle permet idéalement (la réalité étant néanmoins parfois plus complexe, sans remettre en cause le principe initial de cette liberté de parole et d’action autorisée au monarque), et qui autorise un choix du Premier ministre (par exemple) qui ne remet pas en cause la légitimité de la magistrature suprême de l’Etat, ni ne menace la pérennité de celle-ci.

La Cinquième République pensait avoir résolu la question institutionnelle en instaurant le scrutin uninominal à deux tours pour les élections législatives pour avoir des majorités parlementaires indiscutables et l’élection du président de la République au suffrage universel pour permettre un rapport direct entre le peuple (ici, le corps électoral français) et le Chef de l’Etat, et lui assurer une crédibilité incontestable (au moins sur le plan de la légitimité démocratique) : visiblement cette formule ne fonctionne plus… « Le charme est rompu », disait un constitutionnaliste il y a quelques années, et le psychodrame de la nomination d’un nouveau Premier ministre sans majorité parlementaire (un schéma que l’on pensait impossible sous la Cinquième…) le confirme chaque jour un peu plus. Bien sûr, le Président reste, malgré tout, le maître (contesté) du jeu, mais sa pratique machiavélienne de la Constitution l’a abimée et a gravement déconsidérée la fonction suprême de l’Etat, au risque de fragiliser la puissance politique face aux féodalités financières et économiques. Que le dirigeant du MEDEF veuille fonder une sorte de « Front économique » (qui ressemble plutôt à un simple front patronal, ce qui en atténue la portée et la possible crédibilité) en dit long sur le désordre institutionnel présent et (la nature ayant horreur du vide) sur cette volonté de l’Economique de s’imposer au Politique, au détriment, le plus souvent, du Social… Il est bon de rappeler que le Politique, bien au contraire, doit s’imposer à l’Economique pour éviter des injustices sociales que l’Economique, trop souvent, engendre quand il est laissé à lui-même ! Cela n’enlève rien évidemment à la nécessité de soutenir les activités économiques de notre pays pour dégager assez de moyens financiers pour pouvoir pratiquer une politique sociale digne de ce nom. Là encore, respectons l’ordre des choses pour les rendre plus efficaces : or, il semble que cet ordre soit bien oublié par ceux qui se targuent de vouloir gouverner le pays… Décidément, la République n’est pas le bon ordre ; en fait, elle n’est pas l’ordre du tout, juste un désordre établi…


La République fragilisée…

Les résultats des élections européennes ne sont pas vraiment une surprise, au contraire de la dissolution de l’Assemblée nationale décidée et annoncée au beau milieu d’une soirée électorale jusque-là aussi ennuyeuse que d’habitude : tout d’un coup, l’on basculait de l’évocation et valorisation (pour certains, peu nombreux en fait) d’un bilan à une entrée en campagne, cette fois pour les élections législatives. Par cette décision pour le moins inattendue, M. Macron espère rejouer les lendemains de Mai 68, mais n’est pas de Gaulle qui veut, et il n’est pas certain que le réflexe des électeurs de juin 68, scandalisés ou apeurés par les émeutes et l’apparent triomphe des extrémistes, puisse être le même. Certes, la crainte de l’arrivée du Rassemblement National au pouvoir peut mobiliser nombre de citoyens jusque-là discrets ou absents des dernières consultations électorales, et lui barrer la route de Matignon, et il n’est pas interdit de penser, à trois semaines du premier tour, que c’est le scénario le plus plausible sinon le plus probable. D’autant plus que certains électeurs du RN, plus occasionnels (1) que fidèles, sont eux-mêmes effrayés de cette possibilité d’un Premier ministre issu des rangs de l’ancien Front National, un peu comme ces communistes qui, à l’heure de gloire du PCF, avouaient dans les sondages ne pas souhaiter l’installation d’un régime collectiviste en France (2)…

La période qui s’ouvre n’est pas rassurante, quels que soient les résultats du 30 juin et du 7 juillet : il semble bien que la Cinquième République, minée de l’intérieur par les multiples révisions constitutionnelles et par l’exercice incertain de ses derniers présidents (particulièrement des trois derniers) ainsi que par l’épuisement ou la fin des grands partis qui structuraient l’offre politique et récupéraient les inquiétudes autant qu’ils apprivoisaient les alternances, soit durablement fragilisée et qu’elle ne s’impose plus aussi naturellement dans l’esprit de nos concitoyens, sans qu’ils sachent vraiment par quoi la remplacer ou que cette dernière option leur paraisse, en définitive, peu souhaitable. L’habitude a remplacé l’adhésion…

Nous vivons, sans doute, l’entrée dans une crise de régime sans qu’elle soit forcément l’agonie de celui-ci. C’est, paradoxalement, l’actuel locataire de Mme de Pompadour qui avait saisi en quelques mots (et bien avant de penser même devenir, un jour, le premier magistrat de l’Etat) la contradiction interne de cette République : « La démocratie comporte toujours une forme d’incomplétude car elle ne se suffit pas à elle-même. Dans la politique française, l’absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là. On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie ne remplit pas l’espace. (3) » La situation présente confirme, fortement, gravement même, le propos.

Ainsi, la campagne électorale qui débute s’annonce violente, sans doute irrationnelle, parce que l’ancien pays légal, dominant depuis des décennies, se retrouve menacé, sur son terrain et dans ses positions, par le nouveau, ou par ceux qui aspirent à l’incarner à leur tour : en fait, les uns comme les autres ne cherchent pas exactement à bouleverser l’ordre des choses, ce « désordre établi » déjà dénoncé par Emmanuel Mounier dans les années 1930, mais à le diriger ou l’orienter (ou, plutôt, le réorienter). Il n’est pas certain que cela soit vraiment satisfaisant, ou simplement suffisant…


(à suivre)



Notes :

(1) : C’est le fameux « vote protestataire » qui est plus un vote « contre » qu’un vote positif de proposition.

(2) : J’ai le souvenir d’un sondage de la fin des années 1970 dans lequel la proportion d’électeurs communistes désireux d’un Etat proprement communiste ne dépassait pas la moitié des sondés ! Le vote communiste était plus un « vote de pression » qu’un « vote de révolution » : mais cela leur paraissait suffisant pour améliorer leur situation d’ouvriers ou de fonctionnaires sans avoir besoin de prendre le risque d’un basculement dans une société qui, au-delà du Rideau de fer, montrait ses limites et n’était guère attractive pour des Français bercés par la société de consommation et des loisirs. Le royaliste Pierre Debray résumait cela en évoquant « la victoire de Ford sur Marx », et ce n’était pas faux !

(3) : Entretien avec Emmanuel Macron, publié par Le1, en juillet 2015.



Deux siècles d’histoire sociale à la lumière des monarchistes :

Deux siècles d’histoire sociale à la lumière des monarchistes.Olivier Pichon reçoit le professeur d’Histoire Jean-Philippe Chauvin (membre du Groupe d’Action Royaliste) afin d’étudier la dimension sociale de la monarchie française, antithèse de la République libérale d’aujourd’hui.Entretien à retrouver sur TVL

Le Roi, pour quoi faire ?

Le royalisme a un message original qui ne cherche pas à promettre mais à fonder, à refonder même, un pacte civique autour d’un État arbitral, fédéral et éminemment politique. Il ne s’agit pas de prendre une revanche sur une République qui, au cours de son histoire, a pu s’incarner en des personnalités fort différentes, d’un Danton corrompu à un de Gaulle détestant l’Argent, et en des idées parfois très antagonistes, de la Terreur liberticide à un conservatisme opportuniste plus prudent, de la Gauche socialiste (ou prétendue telle…) à une Droite libérale-libertaire, etc. mais de créer, d’instaurer un « autre État ».

S’il s’agit bien de remplacer la République, il n’est pas question de faire une chasse aux sorcières qui nous renverrait aux années Valls ou Castaner et à leurs limitations légales de libertés « au nom de la République » ! La Monarchie n’est pas une « contre-République » car elle ne se définit pas, d’abord, par la négation mais par la fondation et l’affirmation : elle n’aurait d’ailleurs aucun souci à utiliser les compétences de tel ou tel ministre de la République trépassée, ne lui demandant pas un passeport idéologique mais une pratique économique ou politique au service de la France.

S’il y avait un roi, pour ce qui est de la crise actuelle de confiance envers l’État, il ne se comporterait ni en magicien ni en charlatan, mais en réaliste et en « imaginatif » : pas de « sceptre magique » mais, parfois, des solutions simples et « de proximité » en exploitant les possibilités d’un véritable aménagement du territoire (vivier d’emplois encore sous-utilisé, par exemple), rendu possible par l’existence de ce fédérateur-né, statutaire, qu’est le roi. Une grande politique d’État, politique royale, impulserait cette réforme territoriale que la République, encore plus bloquante que bloquée, n’ose pas faire, de peur de déplaire aux féodalités locales qui la tiennent.
 
Là encore, le roi n’a pas toutes les solutions mais sa présence en permet plusieurs à la fois, puisqu’il symbolise l’unité du pays, assez fortement pour permettre toutes les initiatives provinciales, locales, nationales possibles : on retrouve là la notion de « levier monarchique » rendu possible par l’indépendance du roi, « né roi » donc libre des jeux électoraux et des pressions patronales ou syndicales

L’ordre, mais quel ordre ?

Dans son intervention télévisée de lundi dernier, le président Macron a évoqué les soucis actuels, comme le rappelle Rémi Godeau dans les colonnes du quotidien L’Opinion, mardi 25 juillet : « Interrogé lundi sur les leçons qu’il tirait des émeutes urbaines, Emmanuel Macron ne s’est pas perdu en explications sociologiques et a répondu d’un seul mot, répété trois fois : l’ordre. Pour atténuer les accents autoritaires de l’injonction, il a précisé : « Notre pays a besoin d’un retour de l’autorité. » ». En somme, il n’a fait que reprendre le sentiment profond et le vocabulaire de ce que l’on peut nommer, sans emphase et sans risque de malentendu le pays réel, ce pays qui n’est pas celui des officines politiques ni des grandes entreprises mondialisées, des groupes idéologiques ni des replis communautaristes ; ce pays réel qui est celui des Français enracinés ou intégrés, travaillant, vivant et aimant en France, dans une pluralité qui se reconnaît une unité supérieure, ce « plus vaste des cercles communautaires qui soient (au temporel) solides et complets) » qu’est la nation, « famille des familles » et cité historique…

« L’ordre, mais quel ordre ? », interrogeait Gérard Leclerc dans l’un des premiers numéros de la Nouvelle Action Française, au printemps 1971 : la question reste toujours actuelle et, surtout, fondamentale. Ce que confirme le criminologue Alain Bauer dans Marianne (20-26 juillet 2023) en rappelant que tout ordre n’est pas forcément bon, et qu’il y a peu, parfois, de l’ordre à sa caricature, déformation profonde de son sens exact : « Le principe de réalité gagne toujours (…). L’ordre aussi. Mais pas n’importe lequel. Ordre criminel, ordre autoritaire, ordre républicain. Il y aura une puissante réaction citoyenne contre la dégradation des conditions de sécurité. Mais nul ne sait encore quel ordre s’imposera. » Déjà, dans nombre de lieux dits de « non-droit », ce sont les clans de trafiquants de drogue qui semblent fixer les nouveaux cadres de « leur » ordre, allant jusqu’à organiser des activités ludiques pour les populations de « leur » territoire quand, dans le même temps, ils structurent véritablement l’écosystème économique et social du lieu concerné, à leur indigne profit. Quant à la tentation de l’autoritarisme, elle répond surtout à un sentiment d’abandon des populations par les élites protégées dans leurs centres-villes. Reste ce que M. Bauer nomme « l’ordre républicain » qu’il conviendrait de renommer l’ordre civique, ce qui serait plus juste et moins ambigu, d’autant plus que, à bien y regarder, c’est bien la République elle-même qui est la principale cause du désordre et de l’insécurité actuelles, par sa démagogie et son inconstance. Un Etat dont la magistrature suprême est régulièrement l’objet de disputes d’ambitieux pour en prendre le contrôle quinquennal peut-il incarner durablement, civiquement et humainement l’ordre nécessaire et juste ?

« L’ordre est la marque de la civilisation, la preuve manifeste que les individus ont soumis leurs passions aux mesures de la raison et qu’entre eux règne la concorde qui seule fonde le bonheur des cités. Il est donc un bien suprême. A sa qualité se juge le degré d’humanité d’une époque ou d’un peuple. » (1) Or, pour que cet ordre soit, encore faut-il un Pouvoir politique qui le permette, le garantisse et le pérennise, même si l’ordre ne peut évidemment pas se réduire à la seule dimension politique : puisque la République n’y parvient plus, ou pas autrement que par le déni (le meilleur moyen de ne rien résoudre du tout, en fait, tout en en donnant l’impression ou, plus exactement, l’illusion) ou par une violence d’Etat maladroite et, surtout, démesurée (comme au moment du soulèvement automnal des Gilets Jaunes en 2018, entre autres), sans doute est-il temps, à nouveau, de reposer la question institutionnelle. Arnaud Dandieu, jeune non-conformiste des années 1930, avait inauguré une formule que nombre de ses contemporains et successeurs allaient aussi faire leur : « Quand l’ordre n’est plus dans l’ordre, il est dans la révolution ». Encore faut-il que cette révolution, elle aussi, ne soit pas la caricature sanglante du retournement, de ce basculement nécessaire vers « autre chose que ce qui domine présentement », et qu’elle soit cette instauration d’un ordre qui, pour notre pays, ne peut être que politique d’abord et évidemment éminemment français. Plus encore qu’une révolution royaliste (qui peut être un passage sans être une obligation), c’est d’une révolution royale dont la France a besoin… Car c’est aussi par le « haut » que peut se faire la révolution politique qui vise à concilier, par la claire définition de l’Etat central et de ses attributions comme de ses limites, l’ordre et les libertés : l’ordre sans lequel les libertés sont impuissantes ; les libertés sans lesquelles l’ordre est indigne.

Jean-Philippe Chauvin





Notes : (1) : Gérard Leclerc, dans la Nouvelle Action Française, numéro 3, avril 1971.



Un remaniement pour rien…


Le gouvernement n’a pas changé de tête et le président n’a pas changé de politique : Mme Borne se succède à elle-même et des politiciens remplacent des techniciens de la société civile maladroits à leur poste, qu’il s’agisse de M. Pap N’Diaye ou M. François Braun. La République, fidèle à elle-même et dans la continuité du précédent gouvernement, montre le pitoyable visage d’un désordre sans fin qui se donne, sous la mine sévère de M. Darmanin, des apparences de fermeté : c’est confondre l’autorité légitime avec l’autoritarisme qui a le défaut de ne rien régler, ni dans les banlieues ni dans les centres-villes, désormais dévastés à chaque (ou presque) manifestation protestatrice ! Les vitrines de Rennes comme celles de Paris ou de Marseille portent les stigmates en contreplaqué de cette situation scandaleuse du « chaos toléré » faute d’être combattu efficacement… Quel échec !!


Pendant que la République fait joujou avec les maroquins ministériels, l’inflation alimentaire atteint les 13% sur un an, tandis que les prix de l’électricité augmentent encore de 10% au 1er août après avoir augmenté de 15% au 1er février, et que les prix des loisirs estivaux et des locations explosent allégrement ! Et M. Macron et Mme Borne discourent et paradent à la télévision en vantant le succès (sic !) des « Cent jours » de l’après-réforme des retraites… Quelles inconvenance et indécence sociales !


Pourtant, la France a tous les atouts pour réussir à passer le cap des difficultés actuelles : un territoire riche de ressources agricoles et d’un patrimoine à nul autre pareil ; un espace maritime qui est le 2ème mondial ; une matière grise d’une très grande qualité ; une inventivité formidable ; etc. Mais la République, aujourd’hui, gâche tout (ou presque), prisonnière des lourdeurs administratives et des taxes sans fin, mais aussi des féodalités politiciennes et financières, et toujours coincée entre deux élections, surtout présidentielles.


Une Monarchie royale, héréditaire donc libre des factions qui font l’élection parce que la naissance, elle, ne s’achète pas, pourrait valoriser toutes les qualités françaises, dans leur pluralité et leurs domaines d’application respectifs : sans être un « sceptre magique », la Monarchie royale a l’immense mérite de garantir l’indépendance de la magistrature suprême de l’Etat et la continuité d’Etat par la succession dynastique. C’est une proposition politique crédible pour répondre à la crise de confiance démocratique contemporaine : pensons-y !!

Pour une Monarchie sociale !


L’économie française ne crée plus de véritables emplois pérennes, constataient Le Figaro et Les échos il y a quelques mois : cela n’est guère rassurant, car cela signifie que le travail précaire se renforce au détriment des métiers enracinés et des emplois stables. Le triomphe du « nomadisme industriel » se marque aussi par des délocalisations de plus en plus fréquentes et des drames sociaux qui touchent, directement ou indirectement, de plus en plus de familles et de personnes, peut-être demain à Rennes avec les risques qui pèsent sur l’usine d’automobiles Stellantis, de La Janais. Certains, au nom du « Libre Marché », se satisfont de cette situation en comptant sur l’auto-régulation de l’économie: c’est faire preuve d’un grand optimisme, pas exactement confirmé par les faits jusqu’à présent.


Une Monarchie sociale « à la française » ne laisserait pas faire les seules forces du Marché, ne serait-ce que pour une raison simple: la Monarchie, qui repose sur la transmission familiale, sur le caractère le plus naturel de la condition humaine (la naissance au sein d’une famille), peut résumer son éthique sociale par la formule « L’économie doit être au service des hommes, et non l’inverse« . Cela signifie que la Monarchie, dont le principal devoir est d’assurer la protection (diplomatique et militaire, comme économique et sociale) du pays et de ses habitants, ne peut accepter que l’Economique s’impose au Politique et néglige ses obligations sociales premières.


Cela signifie-t-il dire que la Monarchie ne respecterait pas la « liberté économique » ou imposerait une « dictature étatiste » ? Bien sûr que non ! Mais il s’agit pour l’Etat monarchique de faire respecter et de valoriser, par l’action déterminée et raisonnée de ses institutions, conseils et organes, les grandes valeurs humanistes et personnalistes (au sens premier du terme, fort distinct de l’individualisme propre à l’idéologie libérale) et l’intérêt commun de notre pays et de ses citoyens.


Mais comment faire ? Sans doute l’une des premières tâches de la Monarchie sociale sera-t-elle d’impulser une grande politique d’Aménagement du territoire et de « relocalisation des activités productives » (y compris dans le domaine agricole, qui peut s’avérer très intéressant au regard des nouvelles tendances alimentaires et énergétiques) : il n’est pas à négliger que la France dispose d’un vaste territoire, doté d’un réseau fort complet de voies de communications et de transports, et d’un maillage communal qu’il serait dommage de ne pas mettre en valeur. Plutôt que regarder délocaliser les entreprises à l’étranger ou d’accepter qu’elles partent sans retour, il s’agirait, par une politique d’incitation fiscale ou financière plus audacieuse que celle d’aujourd’hui, de les maintenir sur notre territoire, et pas forcément dans les seuls grands centres urbains aux loyers trop élevés (en particulier pour les populations ouvrières). Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres propositions: ce ne sont pas les idées qui manquent en France, mais la volonté politique pour les mettre en pratique, pour briser un certain nombre de carcans administratifs inadaptés aux enjeux contemporains et pour « faire bouger les lignes »…


La Monarchie serait, non une fracture, mais une rupture avec la politique de la Démission propre à l’Etat actuel. Sans doute devra-t-elle prendre des risques, mais la Monarchie active « à la française » n’a pas vocation à l’immobilisme et à la facilité, et ce sera particulièrement vrai dans les premiers temps de « l’Instauration monarchique ». Face à la globalisation et au néo-nomadisme financier et industriel, la Monarchie, de par la continuité inscrite dans son principe dynastique, peut « parler de plus haut » et agir, non contre les forces économiques, mais au-delà des féodalités financières.


Dans l’Histoire de notre pays, l’Etat royal a montré, maintes fois et parfois contre le cours même de l’idéologie dominante (hier religieuse, aujourd’hui économique), ses capacités d’adaptation et d’action: c’est d’ailleurs ainsi qu’il a fondé la France, qui n’était pas encore une évidence au Moyen-âge, et qu’il a forgé sa puissance. La Monarchie, pour réussir son Instauration populaire, se devra d’être sociale. Les Français ne lui pardonneraient pas de renoncer à sa principale mission, à ce qui peut fonder une nouvelle légitimité: la justice sociale.


La Monarchie que nous voulons…

La Monarchie royale que nous souhaitons et pour laquelle nous militons, n’est pas qu’un intermède entre deux élections, qu’elles soient présidentielles ou législatives (ou les deux à la fois…), elle s’enracine dans une histoire et un temps long dont la dynastie représente le tronc et les racines parfois tourmentées…

Contrairement à la monocratie macronienne, elle n’est pas le « Pouvoir-Tout » mais le Pouvoir central, axe des autres pouvoirs nationaux, de l’Assemblée nationale et du Sénat, et des pouvoirs provinciaux, communaux et socio-professionnels. Ce que nous nommons « les parlements », ce sont tous les conseils, assemblées, chambres des métiers, etc. qui innerve le pays dans toutes ses particularités et tous ses aspects politiques et sociaux : en somme, les « républiques françaises », au sens traditionnel du terme, et non idéologique ou républicaniste. Dans ce cadre général et « fédératif », l’exercice démocratique (le terme civique serait d’ailleurs plus approprié…) aurait plus de sens et de portée, grâce à une subsidiarité garantie par la Monarchie royale et fédérative, centrale et arbitrale, et non omniprésente et oppressante comme l’actuelle République monocratique

Car, si l’on veut rendre aux Français le goût de la politique au sens le plus positif et actif du terme sans qu’il soit la simple expression d’un individualisme de masse, c’est par la remise en ordre d’institutions locales dans lesquelles le citoyen ne soit pas qu’un pion, mais un acteur et un animateur : en somme, de nouvelles agoras ou, mieux, de nouvelles « ecclésias » (au sens athénien du terme) appliquées aux décisions communales, provinciales ou socio-professionnelles (corporatives, en somme) par le biais de référendums locaux et, pourquoi pas, d’initiative citoyenne, comme cela avait été réclamé il y a quelques années par des Gilets jaunes alors peu écoutés par la monocratie macronienne.


La leçon politique de Jeanne d’Arc.

Les royalistes, en particulier ceux du Groupe d’Action Royaliste et, bien avant lui (chronologiquement parlant) ceux de l’Action Française, ont toujours accordé une grande importance à Jeanne d’Arc et à son culte, plus politique que religieux, et cela dès les origines du mouvement maurrassien. Aussi, chaque année, le second dimanche du mois de mai, a lieu le « cortège traditionnel » d’hommage à Jeanne d’Arc dans un Paris désert et largement indifférent et oublieux, malheureusement. Un défilé qui, invariablement et logiquement, se termine devant la statue de la « Sainte de la Patrie », place des Pyramides.

Cette année, la préfecture de police a cru bon d’interdire ce cortège qui existe pourtant depuis plus d’un siècle ! Bien mal lui en prit, puisque la justice a annulé cette scandaleuse interdiction et que plusieurs centaines de royalistes ont ainsi défilé sous l’objectif des caméras de BFM-TV, pourtant peu soupçonnable de sympathies monarchistes… Nombre d’articles de presse ont relaté le déroulement de cette « manifestation » royaliste traditionnelle.

Du fait de ses mésaventures préfectorales et judiciaires, le cortège n’a pas, cette fois, été parasité par les différents groupes d’extrême droite qui, à défaut d’exister les autres jours, profitent de celui-là pour bomber le torse et jouer la provoc’. Ainsi, les royalistes, et peu importe le nombre quand il y a la ferveur et l’ardeur, ont-ils rendu à Jeanne d’Arc son sens éminemment politique et national, au-delà des caricatures et des récupérations en tout genre malheureusement habituelles.

En effet, Jeanne d’Arc était « politique d’abord » comme Charles Maurras l’a démontré maintes fois : alors que la stratégie militaire aurait nécessité la poursuite des Anglais après ses premières victoires, Jeanne ouvre d’abord la « voie du sacre » à Charles VII. Instinctivement, ou rationnellement, elle comprend qu’il faut d’abord « fonder le Pouvoir et forger l’Autorité » par cette reconnaissance de la condition politique de l’incarnation et de l’action libre de l’État par le Souverain. D’abord le Roi pour que vive, en sa personne et par sa liberté, la France.

Bien sûr, les temps ont changé mais les conditions d’un État libre et durable restent les mêmes et il faudra bien s’en convaincre pour poser, à nouveau, la question institutionnelle, au-delà des blocages inhérents au régime des partis et de l’impuissance d’un État qui s’est laissé lier les mains par une Union européenne oublieuse des libertés des nations et des peuples qui les constituent : c’est le meilleur hommage que nous pourrons rendre à Jeanne, celui de suivre sa leçon éminemment politique !




Macron, l’inverse d’un roi de France

Décidément, cette réforme des retraites nous rappelle que, en France, le temps compte parfois plus que les affaires d’argent, et vouloir reporter l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans (1) n’est pas politiquement crédible, comme le souligne le politologue Jérôme Fourquet dans les colonnes du Point cette semaine : « (…) le fond de la réforme est particulièrement impopulaire. Sur le sujet des retraites, il y avait déjà eu de grandes mobilisations contre la réforme de 2010 voulue par Nicolas Sarkozy. Mais, à l’époque, 53 % des Français jugeaient « acceptable » le recul de l’âge de la retraite de 60 à 62 ans. L’Ifop a posé la même question la semaine dernière, sur le recul de l’âge de 62 à 64 ans… Il n’y a plus que 37 % de Français à considérer que c’est acceptable. Cet écart de 16 points change la donne et illustre un degré d’acceptabilité bien plus faible. » Or, il n’y a pas de politique possible sur le long terme s’il n’y a pas un accord minimal des populations avec l’Etat chargé de la pratiquer durant le quinquennat : non pas que le sentiment populaire soit divin, mais il importe d’en écouter les murmures, les battements de cœur, les colères. La République eurofrançaise (maëstrichienne selon l’expression mille fois répétée du philosophe Michel Onfray) ne raisonne plus « du pays vers le monde » mais, a contrario, suivant une logique de mondialisation et d’adaptation à celle-ci, logique terrible qui place les personnes après les intérêts économiques. Non qu’il faille oublier les contraintes de l’économie et nos devoirs nationaux à l’égard de nos partenaires, que cela soit dans le cadre de l’Union européenne ou, plus largement, à l’échelle du monde et de l’histoire, mais il s’agit de remettre les priorités dans l’ordre.

Le soulèvement des Gilets jaunes avait marqué le premier quinquennat de M. Macron mais le président avait habilement manœuvré et il a su profiter de la « grande peur des bien-pensants » pour reprendre la main et se faire réélire en suivant la même stratégie, non celle de l’élan démocratique mais plutôt de la défense républicaine contre un hypothétique péril pour la République incarné par celle qui se rêve en Giorgia Meloni française… Mais aujourd’hui la contestation de la réforme Borne s’est muée, comme le signale à raison M. Fourquet, en une contestation de la présidence Macron, et le fusible primo-ministériel est déjà grillé, plaçant le locataire de Mme de Pompadour en première ligne ! La dyarchie républicaine (selon le droit constitutionnel…) ne préserve plus le souverain électoral présidentiel, et c’est la monocratie républicaine (souvent confondue à tort avec la Monarchie royale) qui apparaît désormais menacée, dans un schéma de crise des institutions qui dépasse ceux qui les occupent aujourd’hui : « (…) c’est très compliqué de se sortir d’un tel bourbier. J’ai tendance à penser qu’un remaniement ne produirait rien. On peut changer les fusibles en nommant un nouveau gouvernement. Mais remplacer des inconnus par d’autres inconnus, ça n’a jamais servi à grand-chose. Le point de crispation s’appelle Emmanuel Macron, et sa lecture très jupitérienne des institutions. » (2) Jupiter, en imposant à son Premier ministre Mme Borne de frapper l’Assemblée nationale d’un 49.3 (49.3 qui, par essence, a foudroyé toute discussion sur le débat en cours) s’est transformé, aux yeux de nombre de nos concitoyens, en un incendiaire irresponsable et a réactivé une contestation qui semblait en passe de s’épuiser. Et son discours de justification de mercredi dernier a prouvé à qui en doutait encore que n’est pas de Gaulle qui veut, ou alors celui de l’intervention télévisée ratée du vendredi 24 mai 1968…

Néanmoins, certains manifestants, dans leurs slogans, ont confondu le président avec un roi, et lui ont promis le sort de Louis XVI qui, pourtant, fut l’inventeur de la formule « justice sociale » en 1784 et celui qui, sans le dire expressément, a mis en place la première expérience française de suffrage universel en même temps qu’il demandait à tous les peuples de France, dans leurs paroisses et leurs métiers, de rédiger des cahiers de doléances (il y en eut alors 60.000 sur tout le royaume) : en fait, il y a un grand malentendu sur ce qu’est un roi, ce que le philosophe Marcel Gauchet avait compris et explicité en quelques lignes qu’il importe de reprendre ici : « Un roi, ce n’est pas un manager, pas un patron de start-up qui secoue ses employés pour qu’ils travaillent dix-huit heures par jour pour que les Français, par effet d’entraînement, deviennent tous milliardaires ! Dans la tradition française, un roi, c’est un arbitre. Quelqu’un qui est là pour contraindre les gouvernants à écouter les gouvernés. Quand les gens accusent Macron d’être le président des riches, ils lui reprochent surtout de ne pas être l’arbitre entre les riches et les pauvres. » (3). La fonction arbitrale de Chef de l’Etat est, aujourd’hui, une demande forte des citoyens, ne serait-ce que parce qu’un arbitre aurait l’avantage, majeur à leurs yeux, d’écouter les doléances du pays tout entier, au-delà même d’un pays légal qui ne leur apparaît pas forcément le plus légitime pour les représenter… Puisque la République ne semble plus en mesure de répondre à cette attente des citoyens, il n’est donc pas interdit de penser qu’une nouvelle forme institutionnelle de la magistrature suprême pourrait être pensée, voire établie : une nouvelle, une vraie Monarchie royale ? Pour ma part, le point d’interrogation est superflu : il s’agit désormais de le faire savoir, autant que faire se peut, à nos compatriotes…



Jean-Philippe Chauvin




Notes : (1) : Ce fameux report de l’âge légal de départ à la retraite que certains peuvent voir ou vivre, dans les professions les plus exposées aux risques industriels ou fonctionnels, comme un âge désormais létal… Il est vrai que l’espérance de vie des travailleurs de force, par exemple, est inférieure d’environ 7 ans à celle d’un professeur, voire de 12 ans si on la compare avec les classes les plus aisées de notre société.

(2) : Toujours Jérôme Fourquet, dans Le Point, 23 mars 2023.

(3) : Entretien avec Marcel Gauchet, dans le journal belge Le Soir, le 25 décembre 2018.