En ces temps de crises, sanitaire comme sociale, et de trouble, la Monarchie royale « à la française » pourrait bien permettre de conjuguer espérance et nécessité, tout en renouant avec le fil d’une histoire qui, tranché violemment hier, pourrait à nouveau réunir des Français aujourd’hui soucieux de concorde et de tranquillité, y compris politique…
Quelques arguments plaident en sa faveur comme celui de l’unité nationale au-delà des querelles politiques et des grands intérêts de ce qu’il n’est pas incongru de qualifier de féodalités financières et économiques : car le roi ne doit rien à un choix électoral forcément clivant et séparateur qui divise en clans idéologiques, et son indépendance vient du principe même de la transmission héréditaire de la magistrature suprême de l’État, la naissance ne pouvant s’acheter ou se forcer. Bien sûr, c’est l’argument parfois le plus difficile à entendre pour nous qui sommes habitués à choisir le Chef de l’État que nous semblons sacrer de notre vote avant que de le dénoncer dès les mois suivants dans un élan d’ingratitude qui, visiblement, n’appartient pas qu’aux princes…
Néanmoins, l’avantage de la succession royale est qu’elle accompagne le temps et qu’elle est l’humilité devant la nature humaine et ses propres limites : dans la tradition française, ce mode de transmission de la magistrature suprême de l’État se résume en une formule « Le roi est mort, vive le roi ! ». C’est-à-dire que c’est de la disparition physique du prédécesseur que naît le pouvoir du successeur. D’un drame, la mort, la royauté fait un passage vers une autre vie, une autre personne, celle-là même qui savait qu’un jour elle régnerait mais qui ne savait ni le jour ni l’heure, dans une incertitude qui, pourtant, n’ouvre pas vers l’inconnu mais vers le « prévu ». Cela explique l’autre formule traditionnelle de la royauté en France : « Le roi ne meurt jamais ». En effet, la mort physique d’un monarque n’est pas la mort de l’État, mais son renouvellement : le fils succède au père, naturellement, tel que cela était annoncé depuis sa naissance et son titre de dauphin. Quand la République déchire autour de l’urne, la Monarchie royale unit autour du cercueil, et du trône…
Non classé
La France et l’Europe. Partie 3 : La vaine Union européenne ?
La France et l’Europe ne sont pas les seules dimensions du monde, et le monde n’obéit pas à la France ni à l’Europe, ce qui n’est pas si mal, en définitive : les civilisations sont diverses dans l’espace comme dans le temps, et résumer le monde à un seul mode d’appréhension de celui-ci serait une négation de ce qu’il est, depuis que les hommes existent « en société » (ce qui est d’ailleurs la condition même de la vie humaine, hormis pour les Robinson Crusoé et les ermites qui, par le fait ou la volonté assumée, se retrouvent seuls à assumer les contraintes et les joies de la vie). Pour autant, ne pas être le monde ne doit pas signifier y être indifférent ou vouloir s’en isoler comme pour préserver une « pureté » originelle qui, en fait, n’a jamais existé depuis que les hommes et les générations se succèdent sur notre bonne vieille Terre et, pour ce qui nous concerne, sur l’espace français, fort variable dans le temps mais, au regard d’aujourd’hui, « ni fini ni finissable », comme le constatait Pierre Boutang. La France est vivante et, si elle peut être mortelle, elle n’est pas entrée en agonie même si sa santé peut paraître, parfois, vacillante : les grandes fièvres révolutionnaires et napoléoniennes qui faillirent l’emporter, mais aussi toutes ces douleurs hexagonales et ultramarines qui, de temps à autre, affectent voire handicapent le pays, ont aussi, paradoxalement, prouvé la solidité, la résilience, les capacités de sursaut de la France, quoiqu’il arrive. Cela n’empêche nullement qu’il faille veiller, autant que faire se peut, à sa bonne santé et aux conditions de sa prospérité. Sans négliger que, au regard de son histoire et de son ontologie propre, « la France ne peut être la France sans la grandeur », ainsi que l’a maintes fois souligné le général de Gaulle et qu’il a repris dans « L’Appel », confirmant par la plume ce qu’il pensait dans la vie et pour l’histoire…
Les propositions de M. Macron pour sa présidence de l’Union européenne sont-elles compatibles avec la vision d’une France forte et indépendante ? Il est possible d’en douter, ne serait-ce que parce « l’Europe » ne croit plus en elle-même, ni en la possibilité de peser, géopolitiquement, sur les destinées du monde, et qu’elle semble même un facteur d’affaiblissement des Etats politiques la constituant : « quand on attend l’Union européenne, on risque d’attendre longtemps… », peut-on dire avec une pointe d’ironie, et ce constat est partagé par M. Julliard, pour s’en affliger, d’ailleurs. Tout cela s’accompagne d’une forme de soumission à l’égard des Etats-Unis, qui se marque par les achats fréquents et parfois exclusifs par certains pays de l’UE de matériel militaire états-unien : la récente acquisition de 64 appareils chasseurs F-35 pour une somme de 8,4 milliards d’euros par la Finlande a d’ailleurs provoqué une réaction logique de la part de l’entreprise française Dassault Aviation qui « prend acte de la décision souveraine des autorités finlandaises ». Pour ajouter ensuite : « Une fois encore, nous constatons et regrettons une préférence américaine en Europe. » Que, dans cette ambiance particulière, le président Macron veuille relancer le « projet Union européenne », n’est pas condamnable, évidemment, mais semble faire preuve, en fait, d’une grande naïveté en un temps où il n’est plus possible de l’être… Il n’y aura pas d’Europe indépendante et souveraine dans le cadre de l’Union européenne actuelle, c’est un fait même si cela peut aussi être un regret !
Jacques Julliard en est-il conscient ? Ce n’est pas impossible, en définitive : son constat sur l’état de l’UE est absolument terrible pour celle-ci, quand il avance que, dans les faits, « on la sent plus encline à faire la police à l’intérieur de ses frontières qu’à l’extérieur, plus prompte à morigéner les Polonais et les Hongrois qu’à contenir les Turcs ou les Algériens. Faut-il rappeler que la Turquie d’Erdogan continue non seulement de faire partie de l’Otan, mais persiste à se porter candidate à l’Union européenne ? Une puissance digne de ce nom ne se laisserait pas ainsi ridiculiser ». Mais, que peut faire une UE prisonnière, concrètement, des choix de l’Otan qui se prennent, tout aussi concrètement, à Washington plutôt que dans les capitales européennes ? « L’américanotropisme » de la plupart des pays de l’UE, qui a survécu à la Guerre froide pourtant finie depuis 30 ans, est un obstacle, autant géopolitique que mental, à l’indépendance des nations européennes et à leur « Union » : or, à l’heure de la montée des périls, cette dépendance à une puissance extérieure à l’Europe, mentalement comme sentimentalement, (au sens historique du terme), met en danger la pérennité même des sociétés du Vieux continent et, par là-même, celle de la France. N’est-ce pas la compréhension de ce risque qui est, en somme, le début de la sagesse et l’occasion d’une nouvelle stratégie « nationale » plus encore qu’européenne ?
En fait, l’une (nationale) n’est pas incompatible avec l’autre (européenne), ce que semble créditer Jacques Julliard dans un long paragraphe titré « La nation est de retour », évoquant cette donne politique et géopolitique européenne qui ne peut, désormais, être négligée par les dirigeants de l’Union, qu’ils siègent à Bruxelles ou dans les 27 capitales des pays « intégrés » : « C’est désormais un fait acquis et irréversible : l’Europe de demain ne sera pas, comme avaient pu l’imaginer ses fondateurs, une fédération d’individus dépassant les nations qui la composent, mais, selon l’expression de Jacques Delors, une « fédération d’Etats-nations ». » La formule « fédération d’Etats-nations » peut, certes, prêter à confusion et il convient alors de préciser (et de nuancer ?) les choses en reprenant la citation de M. Delors lui-même, comme le fait M. Julliard : « Grâce au mélange qu’elle incarne entre la légitimité des peuples et celle des Etats, entre unité et diversité, entre dimension politique et territoriale, une fédération d’Etats-nations est le seul modèle vers lequel devrait tendre la grande Europe ». Le terme « fédération » est-il, d’ailleurs, le plus approprié ou le plus souhaitable ? Les monarchistes français proches de l’Action Française ou ceux de la Nouvelle Action Royaliste sont restés hostiles à toute avancée du fédéralisme européen, et cela pour des raisons qui, le temps de l’expérience aidant, paraissent aujourd’hui plus que judicieuses et que, désormais, M. Julliard n’est pas loin de rejoindre : « Il faut même aller plus loin et affirmer que, sans des nations solides et fières de leur identité, l’Europe elle-même ne serait que la masse molle et flasque vers laquelle elle tend aujourd’hui. » En somme, cela rejoint la fameuse intervention du général de Gaulle du printemps 1962 sur l’Europe : « Dante, Goethe, Chateaubriand, appartiennent à toute l’Europe dans la mesure où ils étaient respectivement et éminemment Italien, Allemand et Français. Ils n’auraient pas beaucoup servi l’Europe s’ils avaient été des apatrides et s’ils avaient pensé, écrit en quelques espéranto ou volapük intégrés… »
Mais la construction européenne contemporaine, déconnectée des peuples, est-elle capable de renouer avec les nations historiques et avec les cultures enracinées ? La récente polémique autour d’un livret « de travail » (sic) issu de la Commission européenne (plus exactement d’un membre de celle-ci, Mme Helena Dalli), livret qui proposait de remplacer « Noël » par « vacances » pour mieux « inclure » les populations ne se reconnaissant pas dans les cultures chrétiennes et européennes traditionnelles, tend à montrer le désordre des pensées à la tête même de cette « Europe » que, jadis, l’on qualifiait de « vaticane » parce que, entre autres, elle avait choisi comme emblème les douze étoiles de la Vierge Marie. Or, ne pas assumer ce que l’on est pour complaire à « l’étranger » est le meilleur moyen de s’attirer, non ses bonnes grâces mais bien plutôt son mépris : l’Union européenne, si elle entend rester « inclusive » (au sens ancien du terme, et non dans sa version anglosaxonne « négationniste » des histoires et des « romans » nationaux) et, tout simplement, « survivre » (je ne parle pas de l’Europe en tant que continent et ensemble de civilisations communément reconnus par autrui et en son sein même par ses peuples partenaires ou adversaires), doit justement écarter toute tentation de se renier et être fière de ses particularités qui la distinguent des autres ensembles géopolitiques et civilisationnels : mais comme je l’ai dit plus haut, je doute que l’Union européenne telle qu’elle est aujourd’hui conçue (en particulier idéologiquement parlant) soit le meilleur cadre pour faire ce qui, pourtant, lui serait nécessaire pour retrouver force et crédibilité !
Ce qui est certain, c’est que, Union européenne ou pas, la France doit rappeler ce qu’elle est, sans hostilité à l’égard de ses voisins mais sans faiblesse, et valoriser son « projet national » qui n’est rien d’autre que la condition de son existence, de sa liberté et de son épanouissement, et la condition, aussi, d’une « Europe des nations » qui, pour le coup, pourra regarder vers le haut et vers l’horizon, et non vers son seul nombril…
(à suivre)
La France et l’Europe. Partie 2 : La fin de l’espérance européenne ?
L’Union européenne se signale aujourd’hui par une impuissance qui pourrait faire penser à son inexistence pure et simple, s’il n’y avait un drapeau, une monnaie unique et des discours qui font à peine frémir ce grand corps inerte : « L’Europe va-t-elle sortir de l’histoire ? », comme Jacques Julliard en évoque, crûment et de la manière la plus simple, la possibilité ? Le constat est dur, amer pour celui qui a été, un temps, un ardent partisan de cette construction européenne qui, désormais, s’apparente plutôt à une « déconstruction » de l’intérieur : « Pour la plupart de ses habitants, elle n’est plus une espérance, mais une vieille habitude. Si elle disparaissait dans la nuit, qui donc, en dehors de Bruxelles, s’en apercevrait au matin ? ». Je me souviens du printemps 1979, lors de la campagne pour la première élection du Parlement européen au suffrage universel direct : de grandes affiches de Folon évoquaient l’envol de l’Europe mais, de façon assez prophétique, l’être qui s’envolait ainsi avait des bras-ailes beaucoup trop grands et ils ressemblait plutôt à un ptéranodon, ce reptile volant de la préhistoire d’une envergure de 9 mètres, immense planeur qui ne se risquait pas trop à s’aventurer sur la terre ferme car il était alors une proie facile pour de nombreux prédateurs… Visiblement, « l’espoir européen » s’est cassé la figure, et depuis très longtemps ! Autre souvenir, de la même époque : les partisans du Parti des Forces Nouvelles (classé à l’extrême-droite par les médias) avaient publié une belle affiche clamant « victoire pour l’Europe » illustrée de la statue de la Victoire de Samothrace : sans tête, donc… Là encore, difficile, quatre décennies après, de ne pas y voir un de ces intersignes chers à Léon Daudet !
Malgré tout, l’espérance était là, et cela même si les gaullistes et les royalistes (de l’Action Française comme de la Nouvelle Action Royaliste) apparaissaient beaucoup plus circonspects, voire franchement hostiles à ce que dénonçait avec force Pierre Pujo (directeur de l’hebdomadaire maurrassien Aspects de la France de 1966 à sa mort, en 2007) sous la formule « Europe supranationale ». Mais, cette opposition restait marginale et trop peu écoutée, et la liste chiraquienne aux élections européennes de 1979 n’obtint qu’un score de 16 % des suffrages exprimés quand le Parti Communiste, aussi peu favorable (mais pour des raisons bien différentes) à cette construction européenne « capitaliste », en obtint 4 de plus. Les partis « européistes », dont M. Julliard était un soutien à travers son vote socialiste de l’époque, parurent alors l’emporter, et l’abstention restait minoritaire alors, à 39 % quand elle atteint, quarante ans après, 50 % après avoir culminé à 60 % en 2009… Mais la « forfaiture démocratique » intervenue au début de la présidence de M. Sarkozy, c’est-à-dire l’approbation presque unanime par le Parlement français d’un traité constitutionnel que les électeurs avaient rejeté trois ans auparavant en 2005 à près de 55 %, a sans doute « tué » l’espérance européenne, à moins que cela ne soit « l’éclatement diplomatique » de 2003 quand la France n’a pu rallier la majorité des pays de l’Union européenne à sa position (partagée par l’Allemagne de M. Schröder et la Russie de M. Poutine) de refus de l’intervention états-unienne en Irak, intervention qui fut, l’on s’en souvient, le « succès » (sic !) que l’on sait… Dans la salle des professeurs de mon lycée, un de mes collègues, géographe émérite et bon connaisseur des relations internationales et de la Construction européenne, avoua à haute voix son désarroi et annonça alors la « mort de l’Union européenne » en tant qu’espérance et que potentielle puissance. Seule la France avait eu l’audace de prôner l’idée et l’intention d’une « Europe-puissance » que nombre des capitales de l’Union ne prirent même pas la peine de traduire dans leurs langues respectives… Le rêve d’une alternative européenne à l’hégémonie états-unienne s’évanouit alors, et les dernières déclarations du secrétaire général de l’Otan, M. Jens Stoltenberg, semblent le dissiper définitivement, en expliquant en octobre dernier que « toute tentative d’affaiblir le lien transatlantique en créant des structures alternatives (…) va non seulement affaiblir l’Otan, mais (…) va diviser l’Europe » et qu’il ne croyait pas (comprendre : ne souhaitait pas…) « aux efforts pour créer quelque chose en dehors du cadre de l’Otan, ou pour concurrencer ou dupliquer l’Otan ». En somme, les pays de l’Union européenne ne doivent ni espérer ni même penser à une Défense propre de l’UE par ses propres forces militaires locales, et doivent accepter « pour leur bien » cette entière vassalisation aux Etats-Unis, les soldats des pays d’Europe étant appelés à servir « l’ost » otanien sous suzeraineté de Washington… Cela aurait dû faire bondir ceux qui parlent de « l’Europe » à tout bout de champ comme de notre seul horizon institutionnel et géopolitique possible : mais rien ne vint, rien ne vient de leur part, comme d’habitude en fait !
Si, comme l’évoque M. Julliard, l’espérance a disparu au profit de l’habitude, alors le sort de l’Union européenne est scellé : rien ne se fait sans un minimum de passion, au-delà même de la raison nécessaire pour la canaliser et, sans sentiment à son égard, c’est bien l’indifférence qui, insidieusement, mine tout l’édifice institutionnel et, au-delà, les fondations mêmes, historiques, littéraires et sentimentales de l’Europe millénaire, non pas ensemble administratif mais terres (au pluriel) de civilisations et de cultures, d’esprits et d’âmes au sens fort du terme, cet ensemble dont les frontières restent parfois bien difficiles à cerner et à définir. Mais, l’Union européenne est-elle encore cette espérance européenne dont rêvait, hier, M. Julliard ? A le lire, il est possible d’en douter. En fait, l’Union européenne est effectivement devenue une habitude, mais elle n’apparaît pas (ou plus ?) comme une évidence « naturelle » : le départ du Royaume-Uni ; le refus persistant d’entrer dans l’Union, régulièrement rappelé par les opinions publiques de pays comme la Suisse et la Norvège ; l’absence d’une unité (d’une identité ?) discernable ou définissable… tout cela (et beaucoup d’autres éléments) illustre cette absence d’espérance, autant pour aujourd’hui que pour le lendemain. Autant les nations sont visibles, intelligibles et sensibles, autant « l’Europe de Bruxelles » (dont le portefeuille est à Francfort et le téléphone à Berlin) n’évoque rien au cœur des Européens et encore moins, politiquement parlant, aux yeux de ses partenaires, concurrents ou (et ?) adversaires. Julliard en fait, d’une certaine manière, le constat : « (…) Les Européens convaincus confessent, au vu de ce qu’elle fait, et surtout de ce qu’elle ne fait pas, qu’elle n’est pas vraiment digne des espoirs qu’on avait mis en elle et des sacrifices qu’on lui avait consentis ». Qui, aujourd’hui, serait prêt à « mourir pour l’Europe » ? Comme disait un slogan issu de Mai 68, « on n’est pas amoureux d’un taux de croissance », et pas plus d’un « ensemble de bureaux », quels que puissent être ses moquettes et son papier peint étoilé…
Le « désamour européen » est-il, au regard des réalités tristes et conformistes de cette Union sans grandeur et sans destin, une si mauvaise nouvelle que cela ? En fait, tout dépend évidemment de ce que l’on entend par « Europe », et si ce désamour ne s’applique qu’à la « superstructure de l’UE », à ce qu’il n’est pas incorrect de baptiser de la formule « Europe légale », c’est même une bonne nouvelle ! Que l’illusion européiste se dissipe enfin, au moins aux yeux de quelques « éveilleurs de conscience » comme M. Julliard, cela me sied. Pour autant, prenons garde de ne pas lâcher la proie pour l’ombre : une critique de l’Union européenne actuelle qui ne serait pas motivée et qui se contenterait d’être une simple manifestation de nihilisme « anti-européen » serait encore plus dangereuse pour l’avenir de nos nations et de ce que nous aimons.
(à suivre)
La nation française est plurielle.
Il faut éternellement redire les choses et l’on a parfois l’impression que les récents débats sur la définition de la nation, débats réactivés par les déclarations des candidats déclarés et potentiels à l’élection présidentielle depuis quelques mois, nécessite une fois de plus un énième rappel, non seulement à l’ordre mais à l’Ordre avec un grand O et, surtout, au sens des mots. J’entends un ami murmurer : « un siècle de définitions et de précisions sémantiques et politiques depuis Barrès et Maurras n’ont pas suffi », et il n’a pas vraiment tort. Alors, reprenons par les définitions, tout simplement !
Lorsque Jacques Bainville, monarchiste subtil bon connaisseur de notre histoire et de celle de nos voisins européens, écrit : « Le peuple français est un composé. C’est mieux qu’une race. C’est une nation », il répond à tous ceux qui veulent réduire la nation française (et je parle bien de la France et non d’un autre pays) à une seule dimension, au rebours de son histoire depuis la naissance de l’Etat capétien, aux alentours de l’an Mil. Le terme « composé » a trop souvent été oublié, au profit de la dénégation de la définition raciale de la nation par Bainville, certes majeure elle aussi : pourtant, ce mot est particulièrement important dans la définition de la nation française telle que nous l’entendons et la défendons.
En fait, Bainville rappelle par ce simple mot que la France a été construite par l’Etat par une suite de rajouts, d’incorporations à l’ensemble initial, à ce domaine royal qui ne comptait, à l’origine, que quelques terres autour de Paris, de Mantes ou de Montreuil, pour, à la veille de la Révolution française, rassembler au sein du royaume des populations, des peuples, de la Bretagne à la Provence, de la Guyenne à l’Alsace. Quand le roi Louis XVI convoque les états-généraux, il s’adresse à « ses peuples », et le pluriel n’est pas anodin quand, dans le même temps, les futurs jacobins ne veulent entendre parler que d’un « peuple, un et indivisible » au nom d’une souveraineté nationale qui se veut, elle aussi, « unique ». De là, sans doute, un malentendu sur le sens même de la nation à laquelle, d’ailleurs, les républicains de l’époque mettent une majuscule…
Or, il faut le redire, la nation française est plurielle, et elle s’est construite au pluriel, autour de et par l’Etat central, fédérateur des provinces que certains nomment encore « nations » (à ne pas confondre avec « nationalités »), mais c’est la République qui, depuis ses origines, a tenté de nier et de gommer les particularités françaises, par exemple en interdisant l’usage des langues régionales à l’école publique : « Défense de cracher par terre et de parler breton », mais aussi « flamand, basque, corse, provençal »… La volonté d’uniformité de la République a souvent conduit à nier la réalité des diversités françaises, et, plus grave encore, à « formater » des générations d’écoliers au lieu de les former : l’œuvre scolaire de Jules Ferry répond aussi au « devoir », selon lui, « des races supérieures de civiliser les races inférieures » qu’il évoque dans son discours du 28 juillet 1885 devant les députés, un « devoir » appliqué dans les colonies aussi bien qu’en métropole aux enfants des campagnes, ces dernières étant qualifiées de « cambrousse », terme éminemment colonial. La conception ferryiste de la nation ne se retrouve-elle pas dans celle de nos modernes « républicains », en définitive ? Il faudrait au moins en discuter, ce que ne font pas assez les médias et les politiques, préférant la chasse à courre aux idées « différentes » (de leurs conceptions en fait) plutôt que la discussion contradictoire, la « disputatio » civique.
Ainsi, selon Bainville, la nation n’est pas cette uniformité voulue par l’abbé Grégoire et ses successeurs de la IIIe République, mais plutôt ce « composé » qui n’empêche pas la France d’exister mais, au contraire, la fait vivre par mille racines, celles-ci se rejoignant en un tronc commun et se déployant en de multiples branches dans toutes les directions. Au-delà même de la représentation classique de la nation en arbre séculaire (le chêne de Saint Louis), je verrai plutôt, ou plus encore, la France sous la forme d’un jardin qui, dans son unité, conjugue les fleurs en de multiples compositions…
N’est-ce pas ce qui en fait à la fois l’équilibre et la beauté ? Et ce qui nous donne envie de préserver et de cultiver ce jardin envers et contre tout, malgré les tempêtes qui menacent…
Jean-Philippe Chauvin
La France et l’Europe. Partie 1 : ce débat que la Présidentielle ne peut occulter.
Que dire de l’Europe sous sa forme actuelle de l’Union Européenne ? Dans un bel article intitulé « L’Europe va-t-elle sortir de l’histoire ? » (1), l’essayiste Jacques Julliard apporte quelques éléments de réponse qui méritent d’être rapportés et valorisés, ne serait-ce que parce que, tout en me situant dans une logique « d’abord française », il ne m’est pas possible de négliger le cadre européen dans laquelle la France depuis toujours évolue, parfois en s’en distinguant, en s’y confrontant même, mais toujours en « y pensant et y pesant ». C’est d’ailleurs dans cet état d’esprit que j’ai représenté, en 2009 et 2014, le parti royaliste Alliance Royale aux élections européennes, sans rencontrer aucun succès électoral d’ailleurs, mais en ayant eu, ainsi candidat en tête de liste, l’occasion de creuser quelques sujets européens et de mieux réfléchir sur la nature et l’avenir de l’Union et, bien au-delà, sur ceux de l’Europe en tant que sujet et acteur historique. J’en suis arrivé à la conclusion que la France n’est pas exactement européenne, c’est-à-dire qu’elle a des particularités difficilement solubles dans un grand Tout européen, ou plutôt qu’elle est une nation particulière en Europe, résumé de cette dernière sans se limiter à cette définition. Me revient alors la fameuse citation de Jacques Bainville, souvent évoquée sans être vraiment (ou totalement) comprise : « Le peuple français est un composé. C’est mieux qu’une race. C’est une nation. » Or, c’est, justement, ce que n’est pas l’Europe et encore moins l’Union Européenne : si l’UE promeut la diversité des hommes et des communautés (plus en tant qu’idéologie, d’ailleurs, qu’en tant que réalité, ne serait-ce que par sa communication législative et diplomatique qui se fait principalement en… anglosaxon, alors même que la patrie de Shakespeare n’appartient plus à l’ensemble supranational !), elle en oublie souvent la pluralité des nations la composant, se comportant, par le biais du Parlement européen et de la Cour européenne des Droits de l’Homme, comme la République jacobine « une et indivisible » de la France révolutionnaire et napoléonienne à l’égard des anciennes provinces déchues. De plus, au regard de son impuissance fondamentale (2), elle n’apparaît pas en mesure de « faire nation » et, d’ailleurs, elle ne semble pas le souhaiter, préférant une « Europe post-nationale » qui dissoudrait les anciennes nations historiques sans en refonder une nouvelle, avec l’idée que cela serait le modèle d’une mondialisation vertueuse et heureuse, utopie dont les deux dernières décennies ont pourtant fait litière…
L’article de Julliard mériterait d’être intégralement cité et valorisé, non seulement parce qu’il en finit avec quelques idées reçues et paresseuses sur la question européenne, mais parce qu’il paraît être un véritable manifeste pour la France de demain au sein de l’Europe et pour « l’Europe de demain (qui) ne saurait être fédérale, mais devra faire place aux nations », ce que le royaliste lecteur de Bainville que je suis (comme nombre de royalistes et de gaullistes, mais aussi comme quelques socialistes – Hubert Védrine ? – et, même, quelques ex-maoïstes…) ne peut négliger. En ces temps de confusion et d’agitations électorales, il est urgent de réfléchir sans céder aux sirènes (parfois plus hystériques qu’homériques, plus hurlantes que mélodieuses) d’un européisme atlantiste désormais aux abois quand il conserve, pourtant, tant de positions dominantes en Europe et en France, à travers médias, chaires et manuels d’enseignements, ou discours gouvernementaux (et pas seulement français). Réfléchir, oui, mais pour mieux agir, proposer, s’imposer dans ce débat que l’élection présidentielle ne peut occulter, particulièrement au moment où la question nationale est redevenue prégnante tout autant que préoccupante, au risque d’incompréhensions, voire de tensions et de confrontations pas toujours pacifiques ni très politiques… La question nationale n’est rien d’autre que vitale pour la France, du moins si l’on y répond par l’intelligence sans négliger la passion nécessaire à toute vie d’un pays et de ses composantes. Jacques Julliard, qui se définissait jadis comme « catho-proudhonien » et qui apparaissait naguère comme l’un des théoriciens de la « deuxième gauche », nous ouvre la voie d’une réflexion destinée à la proposition et à l’action : profitons-en !
(à suivre)
Notes : (1) : article publié dans le quotidien Le Figaro et daté de ce lundi 6 décembre 2021.
(2) : Il n’y a de puissance, faut-il le rappeler, que s’il y a volonté de puissance, ce dont ne veulent aucunement les Allemands, préférant s’en remettre à la puissance militaire des Etats-Unis à travers l’OTAN… La France a beau avoir développé le concept de « l’Europe-puissance » et l’avoir vanté depuis une bonne vingtaine d’années, approximativement depuis le ministère de Dominique de Villepin et l’opposition française à la guerre états-unienne en Irak, elle n’a pas réussi à convaincre les autres pays de l’Union Européenne, beaucoup trop frileux et juste soucieux de participer à un « grand ensemble pacifique de consommation » : la leçon romaine du « Si vis pacem, para bellum » (Si tu veux la paix, prépare la guerre) est oubliée par les Européens comme elle l’avait été par les Romains eux-mêmes dès le IIIe siècle après Jésus-Christ, avec les conséquences que l’on sait, pas forcément heureuses…
Une élection présidentielle pour rien ?
La campagne présidentielle, peu à peu, dévoile les candidats au siège élyséen, et la liste s’allonge, avant que de se raccourcir lorsque, passée la collecte des signatures d’élus, viendra le temps de la véritable compétition pour le premier, puis le second tour. Les Républicains, cette semaine, ont désigné leur candidate, Mme Pécresse, choisie entre cinq postulants déjà habitués aux estrades et aux manœuvres de la politique, tandis que le polémiste Éric Zemmour, mardi, a officialisé son entrée dans le cercle des candidats déclarés. Mme Hidalgo sillonne la France, tout comme son homologue écologiste M. Jadot, tous les deux à la recherche d’électeurs qu’ils ne retrouvent pas, pour l’heure, dans les « intentions de vote » des sondages ; M. Montebourg, lui, semble connaître la descente aux enfers, la Gauche ayant définitivement renoncé à l’idée d’une indépendance française, tant industrielle que politique, quand lui pensait démondialisation ordonnée et souveraineté nationale, y compris sur la question des migrations… Quant au favori pas encore déclaré, le sortant président qui souhaite ne pas être sorti au printemps prochain, il paraît en campagne permanente, dans une posture qui se veut celle du rassembleur après avoir été celui dont le règne aura été marqué par la grande fracture « bloc élitaire contre bloc populaire » : le soulèvement des Gilets jaunes (le plus important mouvement social depuis 1995, voire depuis Mai 68), qui n’a pas vraiment abouti politiquement, reste néanmoins le symbole de cette confrontation, jusque là relativement silencieuse, entre les deux France « actives », celle des peuples « sédentaires » du Travail et des « périphéries » de la métropolisation contre celle des élites financières, économiques et intellectuelles, mondialisées et « nomadisées » (comme l’avait d’ailleurs annoncé et souhaité l’ancien premier ministre Michel Rocard au milieu des années 1990). Mais l’élection présidentielle peut-elle dénouer la crise sociale contemporaine liée à la mondialisation et à sa traduction en métropolisation, désormais dominante sur les territoires et les hommes ? C’est peu probable.
L’une des raisons de la vanité de croire en une solution présidentielle prochaine, c’est la situation même de la société française et de sa disharmonie contemporaine (qui remonte bien avant le règne de M. Macron), de cette forme de « guerre civile » larvée que l’on pourrait qualifier, en traduction sociale simple de la confrontation des blocs, de « lutte des classes » (mais fort différente de celle des XIXe et XXe siècles) qui, en définitive, menace, à plus ou moins long terme, la pérennité même de l’unité française. Une lutte des classes aujourd’hui déséquilibrée au profit de ceux qui semblent tenir solidement les rênes du Minotaure Pouvoir, et qui n’ont pas l’intention de les lâcher de sitôt. Car ce qu’il ne serait pas scandaleux de nommer « pays légal » paraît aujourd’hui si sûr de lui et de son bon droit (quand il ne le créé pas lui-même sous forme de « droits », « lois », « directives », etc.) qu’il est devenu sourd à ce que certains nomment, avec une pointe de mépris, « l’arrière-pays » et qui, en fait, constitue ce que les maurrassiens d’antan nommaient « le pays réel ». La grande difficulté pour les opposants à l’idéologie dominante défendue et entretenue par le pays légal est de réussir à structurer un discours cohérent et convaincant autant qu’une stratégie d’opposition crédible et, au-delà, une alternative au régime en place, voire au « système », nom-valise qui, s’il n’est pas rigoureusement cerné et défini, prête évidemment le flanc à toutes les incompréhensions (1). Cela risque d’être d’autant moins facile que, contrairement à la société française d’avant la mondialisation des années 1990, le terreau civilisationnel de notre pays est largement asséché et, dans le même temps, régulièrement fouaillé par les fourches des partisans de la mondialisation et des « principes anglosaxons » qui accélèrent ainsi ce processus destructeur… A la question classique « Qu’est-ce qu’être français ? », la réponse paraît de moins en moins évidente et, donc, de plus en plus polémique, particulièrement aux oreilles de ceux pour qui la question même n’a plus de raison d’être…
Les élites mondialisées ne se posent plus la question, ou avec un sourire légèrement ironique, et considèrent que la France est désormais « dépassée » ou « trop petite », en négligeant que ce genre de discours et ce type d’arguments ne cessent de courir depuis près d’un siècle sans réussir à convaincre les Français eux-mêmes, et cela malgré les campagnes multiples des institutions de l’Union Européenne, de la République française elle-même (principalement, et avec de fortes nuances selon le locataire de l’Elysée, depuis 1974) et de nombre de médias et d’universités (entre autres) atteintes par les théories exotiques « d’effacement des mémoires traditionnelles et historiques locales » venues d’Outre-Atlantique. Or, la France n’est pas finie et sa vocation n’est pas de se fondre dans un grand Tout post-national, mais, au contraire, de présenter toujours une alternative au règne des empires, comme cela fut le cas sous le roi Philippe-Auguste ou sous le général de Gaulle : la France est une nation, elle n’est pas un empire et elle n’est pas impérialiste, parce que cela ne correspond pas à sa vocation « éternelle ». Si la Révolution française lui a fait croire, un temps, qu’elle devait imposer son idéologie du moment par le fer et le feu plutôt que par le prestige et la culture, elle souhaite désormais vivre en paix avec les uns comme les autres sans renoncer à ce qu’elle est et qui fait qu’elle n’est pas complètement « européenne » ou « mondiale », ni « une et indivisible » mais bien plutôt « plurielle et unie ».
Alors sans doute, dans ce grand barnum de la présidentielle, y aura-t-il, certes, nombre de drapeaux étoilés de l’Union Européenne agités avec frénésie et pléthore de promesses d’une « autre Europe » que celle qui, aujourd’hui, n’apparaît plus que comme une zone de libre-échange ouverte aux quatre vents, offerte aux produits et aux concepts venus d’ailleurs ; les élites mondialisées résidant en France s’époumoneront en anglais et s’effraieront des risques d’un populisme français ; de grands mots seront prononcés par nos actuels gouvernants, soucieux de conserver leur pouvoir et leurs « acquis », et par leurs adversaires tout autant soucieux de prendre la place sans renverser la table et la vaisselle… Le pays légal dominant se défendra aussi d’abandonner la France et les Français, jurant pour la énième fois qu’il préservera les industries nationales avant, l’élection passée, de détourner les yeux devant les délocalisations ou de clamer, la main sur le cœur, l’éternel « plus jamais ça » devant le désastre de nouvelles fermetures d’usines déménagées pour des pays plus « généreux », fiscalement parlant bien sûr… D’autres, au contraire, feront triompher le tricolore à tous les étages dans leurs rassemblements, en appelant au « sursaut », à la « France d’abord » (ce qui n’est pas si mal, tout compte fait), mais sans forcément prendre la mesure de l’immense « réforme politique et sociale » que cela nécessite : revêtir l’uniforme du général de Gaulle ou l’armure de Philippe-Auguste n’est pas chose facile dans un temps où la société de consommation, couplée à la mondialisation, a largement éteint le « nous » collectif et national au profit du « je » individualiste et mouvant, et « l’épuisement civique » contemporain, s’il n’est pas surmonté par une forte espérance et par la volonté politique qui peut la faire advenir et l’épanouir en une politique de grandeur et d’avenir, pourrait bien ruiner les espoirs d’un renouveau du « projet français ».
Il ne s’agira pas, pour les royalistes d’aujourd’hui, de contempler la bataille d’en haut avec indifférence, ni de s’emmêler dans les querelles électorales sans fin sinon sans fond, mais bien plutôt de commenter, d’intervenir, d’agir, non pas pour une candidature quelconque, mais pour rappeler les conditions du Bien commun et les propositions qui peuvent aider la nation française à redevenir ce qu’elle doit être, c’est-à-dire elle-même, fidèle à sa vocation historique et politique de puissance libre et médiatrice.
Notes : (1) : La définition de ce que nous entendons par « Système » sera l’objet d’une prochaine note, en cours d’élaboration : elle permettra d’éviter des erreurs d’interprétation, toujours préjudiciables à la bonne compréhension des raisons de notre combat royaliste. Disons juste que le Système n’est pas seulement la forme institutionnelle du moment mais qu’il est aussi une idéologie comme un cadre de déploiement des pouvoirs effectifs contemporains, au-delà même du seul domaine politique. Ce qui en rend la critique plus ardue mais pas moins nécessaire, en prenant soin de distinguer le bon grain de l’ivraie, et d’éviter de tomber dans une forme de complotisme qui favoriserait, en fait, ce qui mérite de déchoir…
Les Royalistes, écologistes intégraux, pour une écologie pratique et populaire !
Les crises environnementales se succèdent et, malgré les grandes déclarations des États et des puissances économiques et financières lors de la récente COP26, la situation écologique de la planète ne s’améliore guère, ou de façon trop marginale pour être vraiment convaincante. Doit-on alors se contenter de geindre sans chercher à réagir ? Certes non ! Et, même si cela peut paraître bien anodin au regard des enjeux et du nombre d’habitants actuels et à venir sur notre planète, il n’est pas impossible d’agir concrètement, individuellement comme collectivement, par le biais de l’État français, qui a mandat sur 67 millions de citoyens et dispose d’un espace territorial loin d’être négligeable, sur terre comme sur mer (la France a le deuxième espace maritime du monde, en grande partie grâce à son outre-mer). Encore faut-il avoir conscience des enjeux et des dangers des dérèglements climatiques et environnementaux, et avoir la volonté politique d’en relever les défis.
L’État doit, autant qu’il est possible, mettre en place quelques mesures simples et jouer un rôle d’exemplarité sur les autres nations industrialisées, en particulier de l’Union européenne dont la France est un membre actif et qui se doit d’en être un modèle sur le plan écologique comme social.
Développement des énergies alternatives, en particulier dans l’immobilier (panneaux solaires, petit éolien domestique, etc.) ; incitation aux économies d’énergie et à la baisse des consommations industrielles, agricoles comme domestiques ; relocalisation d’une partie de nos industries destinées à alimenter le marché français (par exemple, dans le secteur automobile ou dans la production agricole) ; aménagement des territoires ; développement de l’agriculture biologique et de l’agroforesterie, etc. : la liste n’est pas limitative, bien sûr, mais elle doit être pragmatiquement complétée sans tomber dans une forme « punitive » de l’écologie quotidienne, qui aurait pour résultat de déresponsabiliser les populations et de les inciter à des « fraudes écologiques » néfastes : un effort d’imagination est ainsi nécessaire pour faire de ce qui est urgent et utile une habitude « désirée », et non une contrainte mal vécue. Il n’est pas dit que cela soit toujours facile ni même possible (des remises en cause douloureuses sont une étape qu’il sera parfois difficile d’ignorer…), mais il faut tendre, en pensant aux résultats environnementaux à atteindre, à cette écologie pratique et populaire pour ne pas hypothéquer l’avenir « que tout esprit bien né souhaite à sa patrie » selon l’heureuse formule de Maurras.
Les Gilets jaunes et la Révolution française (partie 1)
Et si la Révolution française était la véritable cause de la révolte des gilets jaunes ? Une question qui, en définitive, mérite toujours d’être posée, trois ans après l’événement et cet article ci-dessous, déjà publié en mars 2019…
Et si la Révolution française était la véritable cause de la révolte des gilets jaunes ? La question peut, de prime abord, sembler provocatrice et, même, iconoclaste, ne serait-ce que parce que deux siècles ont passé depuis cet événement fondateur de notre République et que les révoltés d’aujourd’hui paraissent se référer à un « mythe révolutionnaire » qui ferait de cette Révolution de 1789 un événement à reproduire : nombre de gilets jaunes comparent le président Macron au roi Louis XVI et semblent vouloir imiter la geste révolutionnaire, voire sans-culotte, même si quelques manifestants des ronds-points de l’Ouest et de l’Essonne (entre autres) affichent fièrement le sacré-cœur chouan sur leur gilet fluorescent et brandissent, jusqu’à Rennes et Paris, des drapeaux de l’Ancienne France. Mais cela n’enlève rien à la viabilité de la question, qui mérite, non seulement d’être posée, mais d’être traitée, en histoire comme en politique.
Après tout, la Révolution française, largement née d’une crise de la dette publique, n’a rien été d’autre, à bien y regarder, qu’un immense transfert de pouvoir, des ordres privilégiés anciens à la classe bourgeoise urbaine, de la magistrature suprême de l’Etat royal à la domination d’une petite élite économique et sociale s’appropriant le Pouvoir tout en le renforçant pour se le garder : on était bien loin des espérances et des promesses initiales de 1789 portées par les Cahiers de doléances, alors vite abandonnés par les nouveaux maîtres se réfugiant derrière le refus du mandat impératif qui, pourtant, était à la base de la désignation des délégués aux Etats-généraux… Sans doute la Révolution était-elle viciée, dès le départ, par cette confiscation de la « représentation révolutionnaire et parlementaire » par ce que l’on nomme désormais le « bloc bourgeois » (1), et sa « légalisation » par la prise du pouvoir législatif jusque là dévolu au roi et aux états provinciaux, du moins là où ils existaient encore de façon vive. Mais il y a un autre processus à évoquer, c’est celui de la « dépossession professionnelle », permise et même imposée par le décret d’Allarde et la loi Le Chapelier de l’année 1791, véritable année de naissance du Prolétariat, à la fois comme condition et comme situation.
Le décret d’Allarde et la loi Le Chapelier sont deux textes que l’on peut rattacher au libéralisme des Lumières, marqué par l’individualisme et la Liberté économique, et qu’il faut sans doute replacer dans le contexte de l’émancipation des « possédants économiques » à l’égard des corps constitués et d’une Eglise catholique qui, malgré ses défauts et ses avanies, conserve encore une certaine réserve à l’égard de « l’Argent-Seigneur ». Ces deux textes se complètent en une logique certaine et infernale, si l’on veut bien en mesurer les effets immédiats sur le plan social : le premier supprime les corporations, corps socio-professionnels qui encadrent le travail autant sur le plan de ses conditions pour les travailleurs que sur celui de la qualité de la production ; le second interdit toute possibilité pour les travailleurs de se regrouper pour défendre leurs intérêts communs, la liberté individuelle primant désormais, aux yeux des constituants, sur toute communauté autre que la Nation. Ces deux textes sont l’application rigoureuse de la fameuse « Liberté du travail », qui n’est rien d’autre que « la liberté de l’Argent sur le monde du Travail », et ils sont votés dans un contexte de fébrilité sociale, au moment où les ouvriers, parfois assemblés en « coalitions ouvrières », revendiquent des augmentations de salaires et la protection de leurs droits, de plus en plus menacés par une bourgeoisie soucieuse d’appliquer la formule de Franklin sans égards pour ceux qui travaillent dans les ateliers et fabriques. Ces deux lois sont marquées, dès l’origine, par un véritable esprit de lutte des classes imposée, dans le monde du Travail, par les « possédants » et non par les ouvriers : elles ouvrent la voie à plus d’un siècle d’oppression sociale du monde des travailleurs manuels des usines et des mines, au nom d’une Liberté qui apparaît bien comme « celle du renard libre dans le poulailler libre » selon l’expression célèbre. Mais elles légaliseront aussi toutes les répressions contre les ouvriers et artisans quand ceux-ci réclameront leur juste dû et le respect de leur dignité, bafouée par un libéralisme importé du monde anglosaxon…
Cette destruction des corporations et des libertés ouvrières au profit de la « Liberté du Travail » et de la domination capitalistique est aussi la défaite d’un modèle français, certes en crise d’adaptation face aux nouvelles conditions de l’industrialisation en cours au XVIIIe siècle : ce modèle ancien, né au Moyen âge dans les villes d’Occident, devait beaucoup à l’Etat (surtout depuis la fin de la Guerre de Cent ans) autant qu’aux villes qui l’avaient vu naître et aux professions qui l’avaient suscité, et il assurait une certaine justice sociale par l’équilibre qu’il établissait au sein du monde du Travail, dans le cadre d’une hiérarchie rigoureuse mais qui n’empêchait pas l’ascension sociale et l’inventivité professionnelle. Bien sûr, ce modèle n’était pas parfait mais il restait perfectible et, surtout, il préservait les travailleurs et la qualité de leur travail « malgré la concurrence », plaçant les hommes de l’atelier et de la mine avant le seul profit de quelques uns qui maniaient plutôt les pièces d’argent que celles des métiers et des outils… De 1791 date la rupture entre le travailleur et celui qui en tire profit : et cette situation s’est bien aggravée depuis, comme on peut encore le constater avec les émoluments de quelques grands patrons peu soucieux d’autre chose que de l’intérêt des actionnaires et n’hésitant pas à sacrifier des milliers d’emplois pour engranger plus de bénéfices.
Il est un autre effet néfaste et souvent méconnu des lois révolutionnaires libérales de 1791 : c’est la destruction de l’apprentissage qui, pourtant, avait permis au monde du Travail d’Ancien régime d’assurer et de s’assurer une qualité particulière et reconnue du monde entier, et qui garantissait la transmission des savoir-faire d’une génération à l’autre, avec toujours l’idée de rajouter, à chacune d’entre elles, quelques éléments supplémentaires. 1791, c’est la volonté de briser cette longue suite de « maîtrise de l’art du métier », propriété et fierté des travailleurs, quelles que soient leur fonction et leur place dans la hiérarchie professionnelle. Désormais, le seul maître, c’est celui qui finance et tire profit de la production, et non plus celui qui la fait, concrètement, à la force de son poignet et de ses muscles, au gré de son intelligence, avec l’aide de ses outils et avec l’expérience des anciens et la sienne propre, avec un rythme de travail qui est d’abord le sien et qui n’est pas imposé par « l’horloge du patron ».
1791 a marqué la victoire du libéralisme anglosaxon et de l’idéologie franklinienne, et les luttes sociales françaises du XIXe et du XXe siècles n’ont été que la réponse, parfois maladroite et violente, à la terrible violence « légale » des lois d’Allarde et Le Chapelier. Car, si les syndicats ont constitué, à partir de 1884, des formes de substitutions aux anciennes associations corporatives, ils n’ont jamais pu, en tant que « sociétés professionnelles » se constituer un « patrimoine corporatif » qui aurait pu leur permettre, au-delà de l’Etat et des subventions, de recréer un rapport de forces durable, en particulier dans les périodes de mondialisation qui ont accéléré leur déclin et révélé leur impuissance un temps masquée par les avantages octroyés (mais parfois conquis grâce à des mobilisations d’ampleur mais trop souvent éphémères, et à une situation géopolitique qui faisait craindre aux possédants une « lutte finale » qui leur serait défavorable…) par le soutien d’un Etat qui avait encore, s’il le voulait (ce qui n’était pas toujours le cas…), la force et les moyens de s’imposer au monde des féodalités économiques et financières.
Bien sûr, il est trop tard pour empêcher Le Chapelier de faire voter sa loi et pour raccompagner fermement les révolutionnaires libéraux de la fin du XVIIIe siècle à la porte de l’Assemblée constituante de 1791, et ce qui est fait, même mal, est fait : mais cela n’empêche pas de dénoncer les fondements de ce qui, aujourd’hui, fait le malheur du peuple des ronds-points et sa colère… Cette dénonciation ne doit pas non plus empêcher la proposition d’une nouvelle fondation sociale, dans laquelle les associations socio-professionnelles, les travailleurs eux-mêmes et les dirigeants d’entreprise, les communes et les régions (à travers leurs institutions propres ou une forme de Conseil économique et socio-professionnel local, plus ou moins large mais toujours enraciné dans les territoires et les populations), avec la bienveillance et sous la surveillance arbitrale de l’Etat, joueraient un rôle majeur dans la garantie de la justice sociale, « premier droit des travailleurs au travail ».
Que l’on ne s’étonne pas que la Monarchie sociale soit, par sa situation de grand arbitrage et de par sa légitimité qui ne doit rien aux féodalités financières et aux oukases de la « gouvernance », son régime et ses institutions politiques la mieux placée (et j’emploie ce qualificatif à dessein) pour surmonter les crises sociales que la mondialisation contemporaine et le libéralisme dominant nourrissent aux dépens de nos concitoyens et des classes moyennes… Si le Roi politique n’a pas de sceptre magique pour dissoudre les causes du malaise social, il est symboliquement porteur de cette Main de justice qui rappelle que, sans ce devoir social assumé et garanti par la magistrature suprême de l’Etat, il n’y a pas d’ordre légitime qui puisse s’affirmer et tenir dans la durée…
(à suivre)
MESSAGERIE GAR RESEAU INFOS :
N’HESITEZ PAS A VOUS INSCRIRE SUR NOTRE MESSAGERIE AFIN D’ÊTRE TENU AU COURANT DE NOS ACTIVITES ET DE NOS DERNIERES ANALYSES !
LE LIVRE NOIR DES REPUBLIQUES EN FRANCE – 2
On nous enseigne que ce qui s’oppose aux dictatures et à l’oppression, c’est forcément les républiques, les démocraties et les Droits de l’Homme. Pourtant lorsque l’on fait le bilan de ce qui a été fait au nom de cette sacro-sainte trinité, on ne peut s’empêcher de constater qu’elle s’apparente cruellement, à une forme de dictature qui ne veut pas dire son nom…
Ce que vous allez lire dans ce livre n’a rien de conformiste. Le but étant d’apporter à toute intelligence curieuse et critique, ce que les médias et l’éducation nationale vous cachent dans un but idéologique afin de mieux vous déraciner et vous manipuler.
Ces dossiers furent traités avec sérieux et rigueur dans le cadre de la création de vidéos, afin de mieux mettre en lumière ce que l’histoire nous enseigne sur l’aspect destructeur du régime républicain en France.
Pour ceux qui seront sceptiques à la lecture de ces dossiers contenus dans ce livre, nous vous invitons à faire vos propres recherches avant de formuler toute critique inutile !
SOMMAIRE : L’obscurantisme des « Lumières » – Les Femmes face à l’obscurantisme des « Lumières » – 1914-1918 l’épuration républicaine – 1914-1918 la république contre les trônes – L’Homme nouveau, un projet abject des régimes totalitaires – La Vè république, fossoyeuse de la France – Architecture et urbanisme – Les ravages des idéologies de gauche – L’immigration, le néo-esclavagisme des mondialistes – La lutte républicaine contre le complotisme – France/États-Unis l’alliance impossible – Gloire et défense de notre langue française – La république expliquée par ses enfants