« Le Canada n’a actuellement que 4484 habitants en état de porter les armes depuis l’âge de 14 ans jusqu’à 60, et les 28 compagnies de troupes de la marine que le roi y entretient ne font en tout que 628 soldats. Ce peu de monde est répandu dans une étendue de 100 lieux. Les colonies anglaises ont 60 000 hommes en état de porter les armes, et on ne peut douter qu’à la première rupture elles ne fassent un grand effort pour s’emparer du Canada ». Lettre de M de Vaudreuil au ministre Pontchartrain en 1714…Le 5 Aout 1689, des bandes Iroquoises (entre 12 à 1500) déferlent en pleine nuit sur le Québec à Lachine (ou La Chine ). Tous les hommes sont massacrés sans avoir eu le temps d’une quelconque défense «Les autres garrottés, subirent, au milieu des bâtiments en flammes, les plus effroyables supplices ; les enfants embrochés vifs, étaient mis au feu comme des bêtes à rôtir ; les mères étaient obligées, sous les coups, de tourner ces broches avant d’être déchirées et brûlées elles-mêmes ; des femmes étaient éventrées, d’autres empalées vives, les cadavres déchiquetés et dévorés palpitants. En moins d’une heure deux cents victimes avaient succombé dans ces horribles tortures. » ( La Nouvelle France ). Une centaine de soldats tentèrent de s’interposer dans un fortin pres de Montréal mais furent tous exterminés dans d’atroces souffrances. L’ile de Montréal, à l’entrée du lac St Louis, connut à ce moment là une infernale nuit apocalyptique de cauchemar. Les incursions durèrent jusqu’au mois d’Octobre…
UN NOUVEAU GOUVERNEUR
Ecoutons Bernard Pothier : « Des vétérans endurcis du commerce des fourrures avaient fait partie des expéditions et l’on tint compte de leur expérience et de leur aptitudes : robustes, énergiques et indépendants, ils avaient adopté un grand nombre des techniques indigènes. Ces hommes portaient le costume des Amérindiens, avaient adopté leur nourriture et parlaient leur langue ; en outre, souvent ils prenaient comme épouses des femmes amérindiennes. A force de poursuivre le castor et de livrer des combats pour défendre leurs pelleteries contre les Iroquois à l’affût, ces Français étaient parvenus à surmonter les fatigues dues à la géographie et au climat hostile du pays. »Frontenac arrive à 70 ans à Québec dans une situation plus que désespérée…Il commença par renvoyer les chefs des cantons iroquois prisonniers en France chez eux en ayant préalablement conquis certains à notre cause…Il renforça les fortifications autour de Montréal et décida de frapper un grand coup au cœur des possessions anglaises. Trois expéditions sont décidés, une vers Orange commandée par les lieutenants d’Aillebout de Mantet et Le Moyne de Saint-Helene, réputés intrépides et accompagnés d’officiers tels que M de Repentigny, d’Iberville, de La Brosse , de Montigny, 114 français, 80 indiens du Sault St Louis et 16 Algonquins. Février 1690, froid intense, raquettes aux pieds, sacs de couchage et provision en portage ou en bandoulière avec le fusil. On dort sur le sol sans abri et on approche de la nouvelle York. Finalement, on se dirige sur Corlar à 6 lieux d’Orange et 9 jours de marche dans des conditions terribles, le froid et les marécages jusqu’aux genoux. Quatre vingt maisons sont repérées derrière la palissade. L’attente du petit jour est impossible tellement le vent glacial pénètre les chairs sans parler de la neige. Personne n’imaginait à Corlar que les français pourraient défier les éléments de la nature si loin de chez eux pour venir menacer les britanniques. «L’effrayant cri de guerre des sauvages donna le signal de l’attaque ; les maisons et un fort gardé par quelques soldats furent promptement enlevés ; le feu consuma ensuite les bâtiments. Un soixantaine de prisonniers, pour la plupart femmes, enfants ou vieillards, eurent la vie sauve. Une veuve, habitant Corlar, avait à diverses reprises donné des témoignages de compassion aux captifs français amenés dans ce pays ; elle avait soigné des malades, fourni des vivres et des vêtements à plusieurs ; ses bienfaits ne furent pas oubliés et sa maison ne subit aucun dommage. »( La Nouvelle France )Après quelques escarmouches, ils revinrent en mars à Montréal et l’effet psychologique porta ses fruits «…la terreur s’empara des colons anglais lorsque ce hardi coup de main leur fut connu, et nos plus acharnés adversaires comprirent que la distance ne les sauverait plus des représailles des Canadiens »( La Nouvelle France )Le 28 Janvier 1690, François Hertel partit de Trois Rivières avec trois fils et 55 canado-indiens.Ils arrivèrent le 27 Mars au bourg anglais de Salmon Falls.Ils se divisèrent en 3 bandes, les deux forts sont pris ainsi que la place et la grande maison barricadée. « Tout ce qui résistait fut taillé en pièces» ( La Nouvelle France )
«…beaucoup de peine à arrêter la fougue de nos Canadiens qui, faisant de grands cris à la façon des sauvages, ne demandaient qu’à jouer des couteaux » d’après le chevalier de Troyes lors de la prise du fort Moose en 1686…
Frédéric WINKLER