Arrivée à Chinon le 9 ou le 10 mars, son entrée au château fut marquée par un prodige : un homme d’armes demanda, comme elle franchissait le seuil, si c’était la Pucelle. Sur la réponse affirmative, il blasphéma et railla grossièrement la virginité de Jeanne :
« En nom Dieu, lui dit-elle, tu Le renies et tu es si près de la mort ! »
Une heure après cet homme tombait à la rivière et se noyait.
Introduite dans la grande salle, « Il y avait dit-elle, plus de trois cents chevaliers et de cinquante torches, sans compter la lumière surnaturelle… »
Elle n’a jamais vu le Roi. Celui-ci, pour l’éprouver, a fait revêtir les ornements royaux à son cousin le comte de Clermont et s’est déguisé en simple chevalier. On présenta donc à Jeanne successivement le Comte de Clermont qu’on lui dit être le roi ; elle dit que ce n’était pas lui ; puis un écuyer : même réponse. Le roi paraît alors ; dès qu’elle l’aperçoit, elle va droit à lui et, comme si elle avait constamment vécu à la cour, lui fait les révérences d’usage ; lui désigne-t-il le prince revêtu des ornements royaux.
« En nom Dieu, je sais que c’est vous et non un autre qui êtes le Roi ! »
Et elle ajoutera plus tard, devant ses juges :
« Ma voix me le fit connaître ».
Puis immédiatement, elle proclame sa mission :
« J’ai nom Jeanne la Pucelle, et vous mande par moi le roi des cieux que vous serez sacré et couronné dans la ville de Reims et serez lieutenant du roi des cieux qui est roi de France ! »
[…]
Un projet de campagne en Normandie ayant été proposé, elle a réponse à tout :
« Ce n’est pas en Normandie qu’il faut aller, dit-elle, c’est à Reims pour faire sacrer le roi ! Voulez-vous savoir la raison de cet avis ? La voici. Aussitôt que Charles VII sera couronné et sacré, la puissance de ses adversaires ira toujours en diminuant, et, finalement, ils ne pourront plus nuire ni à notre prince ni à son royaume ».
La suite des événements montra qu’elle avait vu juste.
[…]
Sur l’ordre formel de Dieu, par un acte officiel, solennel, public, authentique et ainsi revêtu de toutes les formes légales d’un contrat pour lui donner toute sa signification et sa portée aux yeux du monde la Pucelle va renouveler le pacte conclu à Tolbiac et aux fonts baptismaux de Reims, l’alliance du Christ et du roi de France, pacte unique dans les annales du monde.
« Gentil Roi, il me plairait, avant de descendre dans le cercueil, d’avoir votre palais et votre Royaume.
« Oh Jeanne, répond Charles VII, mon palais et mon royaume sont à toi. « Notaire, écrivez, dit la Pucelle inspirée : « Le vingt et un juin à quatre heures du soir, l’an de Jésus-Christ 1429, le roi Charles VII donne son royaume à « Jeanne ».
Ainsi, en vertu de cet acte, Jeanne a été quelques instants seulement sans doute, mais très réellement Reine de France. Et avec un fin sourire, montrant le Roi : « Voilà le plus pauvre chevalier du Royaume ».
Puis, se tournant à nouveau vers les notaires : « Écrivez encore : Jeanne Donne à son tour la France à Jésus-Christ.
Puis s’adressant à tous les assistants : « Nos Seigneurs, dit-elle d’une voix forte : A présent, c’est Jésus-Christ qui parle : Moi, seigneur éternel, je donne la France au roi Charles ».
Jeanne interpelle les Seigneurs, la Cour, pour prendre la France et le monde à témoin que c’est Jésus-Christ qui parle par sa bouche et pour consacrer par leur témoignage et leur adhésion ce pacte qui lie non seulement le Christ au roi et le roi au Christ, mais le peuple de France tout entier dans la personne de son roi ; pacte qui constitue la reconnaissance et la proclamation la plus formelle de la royauté universelle du Christ, car en la personne du Roi de France, Fils aîné de l’Église, c’est le monde entier qui est lié au Christ.
Quelle est donc émouvante cette triple donation en bonne et due forme, passée par devant notaires ! Elle est l’éclair fulgurant qui illumine et irradie toute l’Histoire de France ; elle est l’acte capital qui consacre la raison d’être de notre pays. A la face de l’univers, elle proclame non seulement la royauté universelle du Christ sur le monde et plus particulièrement sur notre patrie, mais aussi la mission divine de la France et des Rois de France. Car cet acte a une portée générale ; ce n’est pas seulement à Charles VII que Dieu confie le Royaume, en sa personne, c’est à toute la race royale, pour bien montrer que la race royale est aussi inséparable de la France que la France est inséparable de l’Église et du Christ, comme le monde est inséparable de la France, fille aînée de l’Église et du Christ.
[…]
Pierre Virion ajoute : « Acte nettement politique nous montrant la politique inséparable de la religion et où le pouvoir apparaît sans voile, tel qu’il est, prenant sa source en l’autorité divine… La France vient de recevoir la révélation de sa spéciale appartenance au Christ..
« Jamais, prenons-y garde, sauf peut-être dans l’Ancien Testament, jamais n’était descendu du ciel pareil message politique.
« Oui, la royauté est bien le seul régime politique voulu par Dieu en France ! Quelle confirmation du caractère sacré et divin du seul Roi de France !
[…]
Ne soyons donc pas surpris qu’un grand théologien, ami de dilection de saint Pie X, Monseigneur Delassus, ait conclu :
« La France est née, elle a vécu catholique et monarchique, sa naissance et sa prospérité ont été en raison directe du degré où elle s’est rattachée à son Église et à son Roi. Toutes les fois qu’au contraire ses énergies se sont exercées à l’encontre de ces deux idées directrices, l’organisation nationale a été profondément, dangereusement troublée. D’où cette impérieuse conclusion que la France ne peut cesser d’être catholique et monarchique sans cesser d’être la France ».