1° Notion fondamentale d’unité (doctrinale et stratégique)
La complémentarité de moyens divers est inconcevable, en effet, sans référence à une unité supérieure.
Si Lénine a combattu ceux qui, autour de lui, tendaient à mépriser la formation idéologique, cette formation est plus encore un devoir chrétien.
Si, dans une armée, chaque unité prétendait se battre pour un idéal différent, l’unité est donc la force de cette armée, seraient compromises.
Si donc il importe de favoriser une diversité des moyens qui décuple les possibilités de l’action, cette diversité ne doit jamais faire oublier l’indispensable unité des esprits et des cœurs.
Allons plus loin. Cette unité doctrinale elle-même, ne suffit pas. Si nous sommes décidés à combattre efficacement, une certaine systématisation méthodologique est nécessaire. Une union débonnaire des esprits est sans intérêt s’il n’existe pas d’unité au plan des méthodes d’action.
2° Notion d’harmonie sociale (ou psychologique) d’intérêts (ou soucis) communs
Si l’unité de pensée, l’unité stratégique sont un élément évident de puissance, le respect des harmonies sociales ne l’est pas moins. Se méfier, en conséquence, des formules d’action qui méprisent ou ébranlent celles-ci.
Préférer, autant que possible, celles qui permettent d’utiliser les hommes où ils sont et comme ils sont.
Bien se dire que chacun se donne à l’action avec plus de zèle quand le moyen proposé correspond davantage à ce que l’on désire ou à ce que l’on redoute dans l’immédiat.
3° Notion de continuité (de fréquence)
Car la formule est plus efficace qui tient constamment en éveil par le prolongement d’une action continue. Certains arrêts, certains repos dans l’action représentent autant d’échecs.
4° Notion de soutien mutuel
Il est certes des formules très efficaces mais où les hommes sont trop seuls. Or, nul n’est à l’abri du découragement. Avantage, par conséquent, des moyens d’action où le réconfort mutuel est plus aisé.
5° Notion de facilité relative (dans l’intelligence de ce qui est à dire, à faire, dans le fonctionnement de l’appareil)
Un enseignement trop élevé, inutilement docte, un goût immodéré de l’érudition stérilisent l’action. Les « coupeurs de cheveux en quatre » sont rarement diffuseurs zélés des idées vraies. Ils se contentent de les étudier sans fin.
Il importe que des gens sans capacités extraordinaires comprennent le fonctionnement de l’œuvre proposée.
Se méfier des formules compliquées, exigeant ce dont on manque… : nombreux cadres, beaucoup d’argent, locaux difficiles à trouver, etc…
Préférer les formules d’action « commodes » qui peuvent se plier aux horaires les plus capricieux, tirer profit de locaux de fortune.
6° Notion d’économie
Nous sommes pauvres. Se le tenir pour dit. En conséquence devoir de préférer autant que possible les formules rendant beaucoup aux moindres frais.
7° Notion de sécurité (et de survie)
A tout moment, la Révolution peut redevenir féroce persécutrice. Il est donc sage de concevoir l’action de telle sorte qu’elle puisse continuer malgré tout. En cas de suppression de l’élément directeur, en cas d’impulsion directrice intermittente, il ne faut pas que cette carence de la tête provoque un abandon de l’action.
Prévoir des formules où tout ne dépend pas de la présence d’un seul homme, ou d’un seul groupe d’hommes. S’attacher à assurer la relève sans retard.
8° Notion de perfectionnement continu
Bien se dire que la routine est la mort de l’action. Qui ne cherche plus à en améliorer sans cesse les instruments est déjà, sans qu’il s’en doute peut-être, hors de combat.
Il faut avoir le souci de la plus grande efficacité par le perfectionnement continu des moyens et méthodes. Il importe donc que les formules adoptées soient aisément perfectibles et que chaque amélioration ne provoque pas une crise aiguë dans l’appareil.
9° Notion d’obligation morale
Elle a pour but de rappeler non seulement qu’il est des moyens inadmissibles, mais qu’en certaines circonstances tels moyens légitimes doivent être écartés comme inutilement perturbateurs. Remèdes qui provoqueraient des réactions pires que le mal. Bien se dire que pour être fécondes (donc acceptables) certaines interventions supposent un lent travail de préparation de l’opinion, la formation d’une élite.
Ces notions indiquées, il serait trop long d’effectuer à leur lumière la critique détaillée de chaque formule d’action. L’exercice en serait fastidieux, encombré de répétitions.
Il nous paraît donc suffisant de faire porter nos réflexions sur quelques moyens plus caractéristiques. Leçons générales, facilement applicables à l’études des formules voisines.
Jean Ousset – L’action (1972)