L’élection présidentielle, toujours en cours, l’a abondamment montré et démontré une fois encore : il y a un malaise dans la représentation et la vie politique de notre pays. Est-ce, en définitive, propre à la France ? Pas vraiment ! Nombre de nos démocraties occidentales connaissent les mêmes symptômes de contestation interne ou de désaffection : ligues ou lignes populistes ; poussées des dissidences et des marges, parfois issues des deux bords de l’échiquier politique ; abstentionnisme important ; volatilité des électorats ; crise, voire éclatement des grands partis traditionnels…
En somme, les basses eaux idéologiques que nous connaissons actuellement, l’affaiblissement de nombre d’institutions sociales ou la perte de crédit de l’État, trop souvent impuissant face aux grands enjeux économiques et sociaux (voire environnementaux), sont en train de perturber les fondements mêmes de notre système politique. De toute évidence, et sans attendre le soir des élections législatives du 18 juin prochain, celui-ci est en pleine recomposition, voire en décomposition. Il parvient surtout de moins en moins à engendrer de véritables enthousiasmes collectifs et le ralliement des principaux ténors du paysage politique français au candidat Emmanuel Macron ressemble plus à de la peur ou à de l’intérêt partisan qu’à une adhésion d’espérance. Par conséquent, ce système politicien tout autant que politique ne peut plus tout à fait prétendre seul au monopole du lien et du débat civiques.
A bien des égards, et au regard de la situation (presque) inédite de finalistes présidentiels issus de partis « hors système » dans le sens où leur représentation parlementaire est, pour l’heure, marginale et « en rupture » avec les structures partisanes classiques et dominantes, nous voyons les grands appareils de partis ne tenir debout que par routine et par la « contrainte de structure », désormais insuffisante (au regard des résultats électoraux), de la démocratie parlementaire de la Cinquième République.
Sans doute voyons-nous se développer (1), sans toujours bien l’appréhender, le remplacement des anciennes références idéologiques par des appartenances moins rigides (quoique…) mais plus « concrètes », davantage reliées à la vie sociale, communale et professionnelle, et à des formes d’identité qui renvoient aussi à des fondations ou à des mythes fondateurs parfois anciens, que cela soit dans le cadre provincial (aujourd’hui bien différent du cadre administratif régional), national ou dans celui de l’imaginaire « révolutionnaire », voire religieux, mais aussi dans celui du social et d’une nostalgie d’une période qualifiée, sans trop de discernement, de « Trente Glorieuses », sorte de nouvel âge d’or mythique de la société française s’intégrant alors dans une société de consommation qui n’avait pas encore tranché le lien avec les racines françaises… Nostalgie du monde de Jacques Tati et de celui, simultané, de Guy Lux…
Mais ces appartenances et allégeances diverses, provinciales en particulier, celles-ci revivifiées depuis les années 1960 après deux siècles de centralisation administrative en France, mais également sociales et, même, face aux vents de la mondialisation, nationales, ces deux dernières se conjuguant en un populisme à plusieurs têtes (Mélenchon et Le Pen sûrement… peut-être même Macron, en faveur des classes moyennes ?), exigent une nouvelle modalité de représentation pluraliste institutionnelle, qui tienne aussi compte des risques de dérives communautaristes et s’attache à les éviter, ou à les « intégrer » à la Communauté nationale de vie et de destin.
Jean-Philippe Chauvin
(à suivre : la Monarchie, meilleure forme politique de la métamorphose institutionnelle ?)
Notes : (1) : en fait, le processus a débuté il y a déjà un bon moment, et je l’évoquais déjà dans les années 1990-2000… Nous arrivons peut-être désormais à l’aube de son épanouissement visible, à moins qu’il ne soit déjà en cours de maturité…