Alors que la tentative d’invasion de l’Europe de la part des arabo-musulmans, au VIIIè siècle, ne suscite aucun émoi de la part de la « bien-pensance », l’épisode des Croisades, qui n’a, comme nous allons le voir, rien à voir avec une volonté d’invasion, devient étrangement un acte de barbarie inacceptable.
Pour mieux comprendre le phénomène des Croisades, il faut d’abord se plonger dans l’histoire du peuple arabe, et plus précisément, sur ce qui s’est passé en Arabie au VIIè siècle de notre ère. Au tout début de ce siècle, un prédicateur mecquois du nom de Muḥammad (Mahomet en Occident) s’était donné pour mission d’imposer aux divers peuples d’Arabie, une nouvelle religion : l’Islam. Se présentant comme le messager d’un Dieu unique, Allah, Mahomet réussit tant bien que mal, et parfois même au fil de l’épée, à imposer sa religion, mettant ainsi fin au polythéisme alors en vigueur à cette époque sur les terres d’Arabie. Son œuvre achevée, le prophète Mahomet fit de l’Islam la troisième grande religion monothéiste, après le Judaïsme et le Christianisme, dans la tradition abrahamique. Tous les enseignements de cette religion furent inscrits dans un livre sacré, le Coran.
L’historien Joseph-François Michaud a su faire une très bonne synthèse du contenu des enseignements du Coran :
« Les lois que prescrivait le Coran se trouvaient en pleine harmonie avec les besoins et les mœurs des peuples d’Arabie ; sa politique n’offrait rien de compliqué, elle était comme un hymne au Dieu de la guerre, et cette brutale politique du glaive était à peu près la seule que pussent comprendre des tribus accoutumées à décider toutes choses par le combat. Tel était Mahomet, tel fut le caractère de la mission qu’il se donna ; le fils d’Abdallah prit de la Bible et de l’Évangile ce qui pouvait le mieux entrer dans l’esprit et les habitudes de son pays ; il emprunta aux autres cultes épars en Orient ce qui pouvait le mieux convenir à ses hardis projets de rénovation, et de ce mélange de doctrines diverses il fit le livre confus et ténébreux qui, depuis plus de mille ans, est devenu l’oracle de la moitié du monde. » (Histoire des Croisades par Michaud Joseph-François – Éditeur : Furne, Jouvet et Cie (Paris) – 1877, p.5 )
Ce changement radical de religion bouleversa pour longtemps les peuples d’Arabie, faisant d’eux plus que des sédentaires et des nomades du désert, ils devinrent conquérants et expansionnistes, conséquemment à la volonté coranique d’islamiser le monde entier :
« Et Nous ne t’avons envoyé qu’en tant qu’annonciateur et avertisseur pour toute l’humanité. Mais la plupart des gens ne savent pas. » Coran : Sourate 34 – verset 28
« Et Nous ne t’avons envoyé qu’en miséricorde pour l’univers. » Coran : Sourate 21 – verset 107
Ainsi, à peine le prophète Mahomet eut-il quitté ce monde, que des armées musulmanes partirent à la conquête du monde depuis l’Arabie, pour y imposer l’Islam par l’épée. Nous sommes loin des premiers missionnaires chrétiens qui répandirent la parole du Christ par le prêche uniquement…
Pour les musulmans, les enseignements du Coran sont très clairs à ce sujet :
« Combattez ceux qui ne croient ni en Dieu ni au Jour dernier, qui n’interdisent pas ce que Dieu et Son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu’à ce qu’ils versent la capitation par leurs propres mains, après s’être humiliés. » Coran : Sourate 9 – verset 29
Il y aurait plus de 600 versets consacrés à la guerre aux non-musulmans et aux apostats, expliquant en partie l’aspect conquérant et intolérant des adeptes du prophète Mahomet.
Au terme d’un siècle de conquête, l’Empire islamique divisé en plusieurs califes, s’étendait du royaume Franc jusqu’en Inde, en passant par tous les territoires d’Afrique du nord qui avaient pourtant été christianisés depuis le IIè siècle. Il aura fallu toute la force et la combativité des armées franques de Charles Martel, pour stopper l’invasion des Omeyyades dans toute l’Europe, lors de la célèbre bataille de Poitiers en 732.
Mais, parmi toutes les conquêtes des armées islamiques, il en est une qui va susciter bien des convoitises pour les siècles à venir. C’est la conquête de la ville de Jérusalem en l’an 637 par le calife Omar ibn al-Khattâb. Jérusalem était déjà à cette époque une ville sainte pour les Chrétiens, car c’est en ce lieu que fut crucifié le Christ. Elle était sainte également pour les Juifs du fait qu’elle était l’ancienne capitale du royaume d’Israël du roi David, et qu’elle conservait entre ses murs, les restes du Temple de Salomon. Pour les musulmans, il est supposé que ce fut en ce lieu que le prophète Mahomet serait monté aux cieux ! Ainsi, depuis l’année 637, jusqu’à la Première Croisade, en 1099, Jérusalem fut sous la tutelle musulmane. Les non-musulmans, comme les Chrétiens et les Juifs, furent traités selon les conditions de la dhimma qui leur accordait une protection tout en faisant d’eux des discriminés, des dhimmis. Cette discrimination se présentait sous la forme d’un impôt à payer, la djizîa, et tout une série d’interdiction, comme celle de construire des lieux de culte, d’exhiber des symboles chrétiens, de monter à cheval ou d’être armé, etc.
Malgré cette situation, il n’y eut pas de volonté de reconquête de la part des autorités religieuses chrétiennes, du fait que les nouveaux maîtres de Jérusalem n’interdisaient pas les pèlerinages en terre Sainte. Ce qui permit de maintenir une stabilité relative en Palestine. Il faudra attendre l’an 722 pour qu’une reconquête s’établisse durablement face à l’expansion musulmane. Il s’agit de la fameuse « Reconquista » des chrétiens ibériques qui s’acheva en 1492.
Le grand calife abbasside Hâroun ar-Rachîd, qui régna de l’an 786 à l’an 809, assura la protection des Chrétiens en terre d’Islam. Il entretenait de très bonnes relations avec l’empereur Charlemagne, et faisait même envoyer à ce dernier quelques cadeaux, comme un éléphant ou une horloge hydraulique.
En l’an 1009, le calife fatimide Al-Hâkim persécuta les chrétiens. Il ordonna la destruction du Saint Sépulcre à Jérusalem, ainsi que d’autres édifices religieux du culte chrétien en Égypte. Il imposa aux chrétiens de porter des insignes distinctifs, comme une ceinture reconnaissable et un morceau de tissu pour les différencier des musulmans.
Cette attitude offensive et intolérante du calife Al-Hâkim fut la première étincelle qui fit émerger l’esprit de croisade chez les Occidentaux. Même si à cette époque il n’y eut aucune réaction de la part du pape, la chrétienté prenait conscience de l’hostilité croissante des Mahométans. Le véritable élément déclencheur fut la conquête de Jérusalem par les Turcs Seldjoukides en l’an 1071. Cette même année, les Turcs avaient battu l’armée byzantine de l’empereur Romain IV Diogène, à la Bataille de Manzikert le 26 août, fragilisant considérablement l’Empire byzantin et ouvrant la voie à Jérusalem.
En cette seconde moitié du XIè siècle, les Turcs Seldjoukides étaient le fer de lance de l’offensive islamique.
« Arabes et persans, les anciens maîtres de l’Islam oriental avaient depuis longtemps perdu sous l’influence d’une civilisation raffinée leur combativité première. Les Turcs, au contraire, race militaire par excellence, endurcis par des siècles de nomadisme et de misère dans les âpres solitudes de la Haute Asie, allaient apporter au monde musulman une force neuve. » (« L’épopée des Croisades » de René Grousset – Éditeur : Tempus Perrin – 2017, p.11)
Le général turc Atsiz ibn Abaq prit donc Jérusalem, en 1071, et y chassa les Fatimides. Peu enclin à tolérer les chrétiens, les nouveaux maîtres de Jérusalem s’évertuèrent à les persécuter et à interdire les pèlerinages venues d’Occident. Désormais, la coupe était pleine ! C’est sous le règne de l’empereur Byzantin Alexis Ier Comnène que les choses se précipitèrent. Alexis Ier entretenait de bonnes relations avec le nouveau pape Urbain II, élu en 1088 sur le trône pontifical. Cette entente entre la papauté et l’empereur Byzantin mit un terme aux dissensions qui régnaient alors entre les Chrétiens d’Occident et ceux d’Orient.
Alexis Ier incarnait le seul bastion chrétien pouvant encore faire face aux puissants Seldjoukides. Mais, depuis la défaite de la bataille de Manzikert, l’Empire byzantin était très affaibli. Alexis Ier comptait alors sur le soutien et le secours du pape pour recruter des mercenaires et des chevaliers pour lui venir en aide.
Ce fut chose faite le 27 novembre 1095, lors du Concile de Clermont, actuel Clermont-Ferrand. C’est en ce lieu que le pape Urbain II prêcha ce qui allait devenir la toute première croisade de l’histoire. Assis sur un trône, face à une foule immense, composée de chevaliers et de badauds venus des quatre coins de la France, Urbain II fit son discours, dont voici un extrait d’après le chroniqueur Foucher de Chartres :
« Il importe que, sans tarder, vous vous portiez au secours de vos frères qui habitent les pays d’Orient et qui déjà bien souvent ont réclamé votre aide. En effet, comme la plupart d’entre vous le savent déjà, un peuple venu de Perse, les Turcs, a envahi leur pays. […] Beaucoup sont tombés sous leurs coups ; beaucoup ont été réduits en esclavage. Ces Turcs détruisent les églises ; ils saccagent le royaume de Dieu.
Si vous demeuriez encore quelque temps sans rien faire, les fidèles de Dieu seraient encore plus largement victimes de cette invasion. Aussi je vous exhorte et je vous supplie – et ce n’est pas moi qui vous y exhorte, c’est le Seigneur lui-même – vous, les hérauts du Christ, à persuader à tous, à quelque classe de la société qu’ils appartiennent, chevaliers ou piétons, riches ou pauvres, par vos fréquentes prédications, de se rendre à temps au secours des chrétiens et de repousser ce peuple néfaste loin de nos territoires. »
Voilà la véritable raison pour laquelle la Croisade fut prêchée par le pape Urbain II. Il ne s’agissait nullement d’une volonté d’invasion des territoires palestiniens de la part des Occidentaux, dans l’objectif de s’approprier les richesses et de soumettre les peuples en esclavage. Il s’agissait d’une réaction purement défensive face à un Islam qui fut toujours offensif et conquérant dès ses débuts, face à la chrétienté. N’oublions jamais que Jérusalem était chrétienne avant d’être sous domination musulmane. La reconquête de la ville Sainte par les Chrétiens était donc parfaitement légitime !
Pour mieux comprendre cette réaction, transposons ces évènements sous un angle différent. Imaginez par exemple si à ce jour, l’armée américaine dans sa lutte éternelle contre le « terrorisme », s’amusait à interdire l’accès des musulmans à La Mecque les empêchant de faire leur pèlerinage autour de la Kaaba ? D’après vous, quelle serait la réaction des Musulmans dans le monde ? Sans surprise, ça déclencherait un tollé monumental et susciterait bien des réactions agressives et somme toutes légitimes aux yeux du monde musulman. Eh bien, c’est exactement ce qui s’est passé pour les Chrétiens du XIè siècle avec l’arrivée des Turcs Seldjoukides à Jérusalem. Si on considère la réaction légitime pour l’un, il faut l’accepter également pour l’autre !
L’enthousiasme que suscita le pape Urbain II avec son discours fut tel, que l’assemblée des fidèles autour de lui se mit à crier à l’unisson « Dieu, le veut ! Dieu, le veut ! » sous l’impulsion de Pierre l’Ermite. « Dieu le veut » était devenu le cri de guerre, le cri de ralliement de tout un peuple, le cri d’espérance qui allait faire écho durant deux siècles d’aventure !
Une grande armée populaire se fit spontanément. Conduite par Pierre l’Ermite et Gautier Sans-Avoir, elle est constituée de gens du peuple, des pauvres galvanisés par le goût de l’aventure et l’élan mystique de cette première croisade. Comme signe distinctif, ils se firent coudre une croix pattée rouge sur leurs vêtements.
En parallèle de cette armée populaire, se constitua également l’armée des chevaliers, ou des barons. Cette armée était scindée en quatre unités avec à leur tête quatre chefs charismatiques : Raymond de Toulouse, Godefroy de Bouillon, Hugues de Vermandois et Bohémond de Tarente.
« Les artisans, les marchands, les laboureurs, abandonnaient leurs travaux et leur profession, ne songeant plus à l’avenir ni pour eux-mêmes, ni pour leurs familles ; les barons et les seigneurs renonçaient aux domaines acquis par la valeur et les exploits de leurs pères. » (Histoire des Croisades par Michaud Joseph-François – Éditeur : Furne, Jouvet et Cie (Paris) – 1877, p.29 )
L’armée populaire parvint difficilement jusqu’à Constantinople, le 1er août 1096, après avoir traversé, non sans heurs et pillages, les territoires jalonnant leur parcours jusqu’à la capitale Byzantine. L’empereur Alexis Ier Comnène proposa à cette armée de guenilleux indisciplinés d’aller s’installer dans le camp militaire de Civitot non loin de Nicée. Ce fut dans ce contexte que l’armée populaire subit les assauts répétés des Turcs qui les exterminèrent. Sur 25 000 hommes, seuls 3 000 survécurent et purent rejoindre l’armée des Chevaliers. Avec les ossements des cadavres, les Turcs érigèrent une gigantesque pyramide.
C’est donc sur l’armée des Chevaliers que reposent tous les espoirs de la reconquête de Jérusalem. Nicée est prise en juin 1097, Antioche est prise en 1098 après sept mois de siège. Le 7 juin 1099, les Croisés arrivèrent en vue de la ville Sainte de Jérusalem. L’émotion était immense ! Les larmes aux yeux, genoux à terre, au cri de « Jérusalem ! Jérusalem ! » à la vue de cette ville qu’ils ne connaissaient qu’à travers les récits bibliques, annonçant la fin d’un long périple aussi sanglant qu’éprouvant.
Le temps de faire une longue procession autour des remparts de la ville, de fabriquer des machines de siège, les Croisés s’acharnèrent ensuite à prendre la ville en lançant de furieux assauts. À cet instant, la ville Sainte n’était plus sous domination Seldjoukide. Les Fatimides avaient repris la ville un an auparavant, et c’est eux qui eurent à subir les assauts répétés des Croisés.
Le 15 juillet 1099, la ville tomba enfin ! Les Croisés prirent possession de Jérusalem et commencèrent à massacrer la population musulmane.
« Irrités par les menaces et les longues insultes des musulmans, aigris par les maux qu’ils avaient soufferts pendant le siège et par la résistance qu’ils avaient trouvée jusque dans la ville, ils remplirent de sang et de deuil cette Jérusalem qu’ils venaient de délivrer et qu’ils regardaient comme leur future patrie. » (Histoire des Croisades par Michaud Joseph-François – Éditeur : Furne, Jouvet et Cie (Paris) – 1877, p.117 )
Si ce massacre est avéré, il n’en demeure pas moins qu’il fut bien moindre que ce que les chroniqueurs ont pu en dire à ce sujet.
Après quatre siècles de présence musulmane, Jérusalem redevenait enfin chrétienne en toute légitimité ! Il s’ensuivit la création d’un Royaume franc de Jérusalem, et ce fut au duc de Basse-Lotharingie, Godefroy de Bouillon, que le titre de roi de Jérusalem fut proposé. Titre qu’il refusa, estimant qu’il ne pouvait porter une couronne d’or sur le lieu où le Christ fut couronné d’épines. Il se contenta alors du titre d’« avoué du Saint-Sépulcre ». C‘est son frère, Baudouin de Boulogne, qui, après la mort de Godefroy, endossa le titre de premier Roi du Royaume Franc de Jérusalem, sous le nom de Baudouin Ier de Jérusalem.
Suite à la victoire chrétienne de la première croisade, et la création du Royaume franc de Jérusalem, un ordre religieux militaire vit le jour en 1129, sous l’impulsion des chevaliers Hugues de Payns, Godefroy de Saint-Omer et du moine cistercien Bernard de Clairvaux. C’est le très célèbre Ordre du Temple, qui s’était donné pour mission à l’origine, de protéger les pèlerins sur la route de Jérusalem. Sa cause était noble, mais au fil du temps, les Templiers se lancèrent dans des activités économiques et commerciales, en créant les tout premiers systèmes bancaires. Au début du XIVè siècle, l’Ordre n’avait plus de raison d’être, du fait qu’il avait été chassé définitivement de la terre Sainte depuis 1291. A défaut d’incarner une protection chrétienne en terre d’Islam, il était devenu un puissant réseau européen autonome, possédant beaucoup de richesse, conséquemment à ses activités bancaires et commerciales. Suscitant méfiance et convoitise, il fut officiellement dissous en 1312, et les Templiers arrêtés le 13 octobre 1307, sur ordre du roi Philippe IV le Bel. Certains membres, comme le grand maître Jacques de Molay, finirent sur les bûchers de l’inquisition. Si à l’origine l’Ordre du Temple était respectable, son héritage idéologique depuis sa dissolution officielle, a largement inspiré les sectes crypto-maçonniques qui s’en revendiquent à ce jour.
Les croisades firent émerger d’autres Ordres chrétiens comme ceux des Hospitaliers et des Teutoniques.
La première croisade, n’ayant su atténuer les appétits conquérants des Islamistes, ne fut que la première d’une série de huit :
La deuxième croisade (1146-1149) fut prêchée à Vézelay, en 1146, par le moine cistercien Bernard de Clairvaux, en présence du roi Louis VII et de la reine Aliénor d’Aquitaine. C’est le pape Eugène III qui la proclama, suite à la prise d’Édesse par Zengi l’atabeg de Mossoul, en 1144. Elle fut menée par les deux plus grands princes d’Occident, Louis VII et Conrad III l’empereur germanique. Elle se clôtura malheureusement par une défaite des armées croisées.
La troisième croisade (1189-1192) fut proclamée par le pape Grégoire VIII, conséquemment à la prise de Jérusalem par le puissant Sultan d’Égypte Saladin. Avant de reprendre la ville Sainte, Saladin eut à affronter le jeune roi lépreux, Baudouin IV de Jérusalem, qui sortit vainqueur de la bataille de Montgisard. Ce ne fut qu’après la mort de ce jeune roi, pure effigie du roi français, que Saladin put reprendre Jérusalem. Trois grands souverains de cette époque se lancèrent dans la reconquête de la terre Sainte. L’empereur germanique Frédéric Barberousse, le roi de France Philippe Auguste et le roi d’Angleterre Richard Cœur de Lion. Seul Richard assura la reconquête face aux armées de Saladin. Frédéric Barberousse se noya avant d’arriver en terre Sainte, et Philippe Auguste préféra retourner en France, après la prise de Sainte Jean d’Acre, afin de consolider son royaume face aux incessantes offensives anglaises. Cette croisade se solda par la signature du traité de Jaffa (1192) assurant une mince victoire pour les croisées.
La quatrième croisade (1202-1204) fut proclamée par le pape Innocent III afin de reprendre Jérusalem. C’est Foulques de Neuilly qui fut chargé de la prêcher sur la demande du pape. Cette quatrième croisade ne suscita pas le même engouement que les précédentes. Aucun grand souverain européen n’y participa. La cité de Venise se chargea de l’embarquement de la petite armée croisée qui répondit à l’appel. Mais la croisade fut détournée par les Vénitiens pour une question de dette à régler. C’est à Constantinople que les croisées achevèrent leur périple en faisant par deux fois le siège de la capitale byzantine, avant de la piller honteusement. Cette croisade ne fut qu’une lutte inutile entre les chrétiens d’Occident (Latins) et ceux d’Orient (Byzantins), aboutissant à la création d’un éphémère Empire latin d’Orient.
La cinquième croisade (1217-1221) faisait suite à une petite croisade organisée par de pauvres pèlerins en 1212, appelée croisade des enfants. Cette croisade se solda par un échec cuisant, tuant des milliers d’entre eux, quand ils n’étaient pas vendus comme esclaves en Égypte. Conséquemment au désastre de la quatrième croisade, le pape Innocent III proclama la cinquième croisade, qui fut prêchée en France par Robert de Courçon. L’objectif était d’attaquer l’Égypte afin d’affaiblir le sultanat Ayyoubide. Damiette fut prise en 1219, ouvrant l’accès au Nil. Mais le refus de négociation de la part du légat Pélage d’Albano avec le sultan Al-Kamil, ainsi que des dissensions au sein des croisés, aboutit à une défaite pour ces derniers.
La sixième croisade (1228-1229) se fit sous la responsabilité de l’empereur germanique Frédéric II de Hohenstaufen, sur la demande du pape Honorius III. Tardant à s’engager dans la croisade, Frédéric II fut excommunié par le successeur d’Honorius III, le pape Grégoire IX. Ce fut avec le statut d’excommunié que l’empereur germanique partit à la croisade, ce qui n’arrangea pas les choses. Profitant des dissensions régnant au sein de la dynastie Ayyoubide, Frédéric II réussit néanmoins à obtenir de la part du sultan Al-Kāmil la signature du traité de Jaffa (1229), rendant Jérusalem aux croisés. Ce traité ne fut qu’une victoire fragile pour dix ans.
La septième croisade (1248-1254) fut précédée par celle des barons (1239-1241), prêché par le pape Grégoire IX et commandée par Thibaut IV de Champagne, conséquemment à l’expiation du traité de Jaffa. Elle fut un succès pour les francs qui laissèrent derrière eux une paix fragile. Après avoir appris que Jérusalem fut conquise par des pillards musulmans, les Khwarezmiens, en 1244, Saint Louis décida de se croiser, suivi par la grande noblesse de son royaume. Voulant réitérer la stratégie de la cinquième croisade, le Saint Roi et son armée prirent Damiette (1249) et obtinrent une victoire à la bataille de Mansourah. Malgré cela, Saint Louis fut fait prisonnier lors de la bataille de Fariskur, et libéré un mois plus tard contre une forte rançon et l’évacuation de Damiette. Malgré cet échec, Saint Louis resta quatre années en terre sainte afin de fortifier les États latins d’Orient. Il ne rentra en France qu’en 1254.
La huitième croisade (1270) fut prêchée par le cardinal Sainte-Cécile Simon de Brie sur la demande du pape Clément IV, conséquemment à la menace que faisaient peser les Mamelouks du sultan Baybars sur le royaume de Jérusalem. Cette croisade ne fit pas l’unanimité, mais Saint Louis décida de se croiser contre l’avis de son entourage. Il embarqua avec son armée à Aigues-Mortes en 1270, à destination de Tunis. Mais le siège de l’ancienne capitale carthaginoise fut un échec total. L’armée du Saint Roi fut décimée par les maladies comme la dysenterie. Le roi lui-même mourut pieusement sur un lit de cendres, le 25 août 1270, après avoir reçu les derniers sacrements. Seul le prince Édouard d’Angleterre se rendit en terre sainte avec sa petite armée pour affronter Baybars. Avant de quitter la terre sainte en 1272, Édouard d’Angleterre obtint de la part du sultan la signature du traité de Césarée assurant une trêve de dix ans. Cette expédition de la part du prince d’Angleterre est souvent considérée comme une neuvième croisade.
Si vous souhaitez connaître dans les détails le déroulé de chaque croisade, nous vous invitons à découvrir les œuvres de René Grousset, historien spécialiste des Croisades.
Le siège de Saint-Jean-d’Acre en 1291 par les Mamelouks, et la fin du Royaume franc de Jérusalem mirent un terme à l’épopée des Croisades. Il faudra attendre l’année 1571, pour voir s’affronter à nouveau les armées chrétiennes face à l’Empire ottoman, lors de la bataille navale de Lépante (7 octobre 1571). Cette bataille faisait suite à la prise de Chypre par les Ottomans du sultan Sélim II où près de 20 000 Vénitiens y furent massacrés. Elle fut une victoire totale de la Sainte Ligue du pape Pie V, face à la flotte ottomane. Ce fut le triomphe de la chrétienté sur l’Empire musulman, dans la lignée des Croisades.
Bref ! Ce qu’il faut retenir de toutes ces expéditions militaires que furent les Croisades, c’est qu’elles ne furent motivées que par une volonté défensive face à un agresseur qui n’a jamais cessé de vouloir étendre sa domination. Nous sommes très loin de cette image préfabriquée qui veut que les Croisades ne fussent qu’une invasion gratuite des territoires musulmans, par des chrétiens fanatiques et intolérants.
C’est ce que veut faire croire l’écrivain Amin Maalouf dans son essai intitulé : « Les Croisades vues par les Arabes », publié en 1983. L’idée de raconter les Croisades du point de vue des arabo-musulmans est une idée intéressante. Mais, malheureusement, dans cet essai, M. Maalouf préféra jouer la carte de la malhonnêteté en présentant les Croisades comme une ruée de barbares sanguinaires, venus d’Occident pour envahir le Levant, tout en s’abstenant de préciser la raison principale qui poussa ces « Franj » à de telles expéditions.
« Ils resteront deux siècles en Terre sainte, pillant et massacrant pour la gloire de leur dieu. Cette incursion barbare de l’Occident au coeur du monde musulman marque le début d’une longue période de décadence et d’obscurantisme. Elle est ressentie aujourd’hui encore, en terre d’islam, comme un viol. » Peut-on lireen quatrième de couverture de son essai.
Oui, il est vrai que les Croisés ne se sont pas toujours très bien comportés lors de ces expéditions militaires que furent les Croisades, c’est certain. Mais, à qui la faute ? Qui s’est donné pour mission de conquérir le monde au fil de l’épée depuis l’avènement du prophète Mahomet, et ce, sans aucun respect pour les religions déjà existantes ? (Le fameux djihad !) Qui a pris possession de Jérusalem par la force et traité les croyants des autres religions en Dhimmis, avant d’en interdire les pèlerinages ? Jamais les Croisades n’auraient vu le jour si tous les califes qui se sont succédés, avaient eu la bienveillance d’Hâroun Ar-Rachîd du temps de Charlemagne.
Et si véritablement les Occidentaux ont cherché à envahir le Levant par pure cupidité et intolérance, comme le sous-entend M. Maalouf, alors, pourquoi prendre le risque d’une traversée aussi périlleuse depuis la France jusqu’à Jérusalem, alors qu’à cette époque, il suffisait simplement de franchir les Pyrénées pour obtenir le même résultat ? Et pourquoi l’Église a-t-elle attendu quatre siècles pour lancer une expédition militaire afin de reprendre possession de Jérusalem ? Son intolérance supposée aurait dû l’obliger à lancer les Croisades dès le VIIè siècle ! On peut aussi se demander pourquoi l’Église n’a-t-elle pas cherché à lancer une expédition sur La Mecque afin de christianiser cette ville et détruire la Kaaba ?
Il est évident que le problème était bien plus complexe que veut nous le faire croire M. Maalouf, pour qui les Croisades s’apparentent plus aux colonisations des territoires africains du XIXè siècle. Son essai a plus vocation à alimenter une certaine rancœur auprès des musulmans, et à plonger les chrétiens dans la repentance et la honte de leur histoire.
C’est oublier que les Croisades ne furent qu’un épisode dans l’histoire de la chrétienté, une parenthèse indispensable face à l’intolérance et l’expansionnisme islamique. Si à ce jour les Croisades ne sont plus d’actualité, nous n’en dirons pas autant du djihad…
N’oublions jamais aussi que c’est l’esprit chrétien qui a toujours su nous préserver des conquêtes musulmanes, depuis l’avènement du prophète Mahomet. Et c’est la disparition de cet esprit chrétien, au profit de celui des droits de l’Homme, qui a permis à l’Islam de faire ce qu’il n’avait jamais pu faire jusqu’alors : s’implanter dans toute l’Europe !
Pour conclure, soyons tous fiers de cette grande épopée que furent les Croisades. Une épopée aussi fascinante que douloureuse, face à laquelle nos ancêtres surent consentir au sacrifice pour la gloire et la défense de la civilisation chrétienne. Nous ne pouvons que saluer la mémoire de tous ces hommes qui, aujourd’hui encore, nous montrent le chemin à suivre face à un Islam qui n’a jamais cessé d’être conquérant. Ce chemin, c’est celui de Jérusalem, c’est celui du Christ-Roi, c’est celui de la Reconquista !
Notre jour viendra !