Le président M. Macron est-il en difficulté ? La perte de sa majorité absolue à l’Assemblée nationale et la multiplicité des oppositions auxquelles il doit faire face au lendemain de sa victoire présidentielle et de l’échec de ses troupes aux législatives pourraient le laisser entendre, mais il semble n’y prêter qu’une attention réduite, préférant se concentrer sur les questions internationales et européennes, et distillant quelques notes de politique intérieure entre deux avions… Contrairement à ce que certains pourraient penser, rien de très régalien dans cette attitude, qui semble plutôt d’éloignement que d’écoute et de proximité à l’égard du pays réel qui a, pour une part, usé de son bulletin de vote comme d’un pavé dans la vitrine présidentielle : l’éviction de quelques « poids lourds » de la République macronienne tels MM. Blanquer, Ferrand, Castaner, ainsi que Mmes de Montchalin et Bourguignon, a réjoui nombre d’électeurs frustrés de ne pas avoir été entendus durant le quinquennat précédent. A défaut de pouvoir directement évincer le président (réélu par rejet plutôt que sur projet quelques semaines auparavant), l’élimination des caciques du champ parlementaire du pays légal prive le président de quelques uns de ses fidèles sans, malheureusement, remettre en cause l’ordre général du système de la République macronienne : la forte personnalisation de la République actuelle en a fait une monocratie incarnée en « un seul », le président Macron et, tant qu’il est en place, la monocratie demeure, quels que soient les chocs et les défaites politiques qu’il puisse subir.
Dans le même temps, l’absence d’une majorité claire à l’Assemblée nationale et les jeux d’appareil, en particulier autour des alliances possibles et des postes à pourvoir, rappellent (sans en avoir, pour l’heure, les mêmes effets délétères) les us et coutumes de la Troisième et de la Quatrième Républiques, celles-là mêmes dont M. Mélenchon, dans son aveuglement idéologique (ou sa « mauvaise foi » ?) souhaite rétablir le parlementarisme partisan qui a, pourtant, fait tant de mal à la France et à l’efficacité de l’État dans le passé. Pour autant, certains peuvent y voir un moyen de sortir de la monocratie et de rétablir une activité démocratique plus attractive et motivante pour les citoyens : n’est-ce pas la meilleure façon de faire reculer l’abstention, pourraient-ils arguer de bonne foi ? Mais ce n’est sans doute qu’une illusion, et il me semble nécessaire de sortir de la fausse alternative « Monocratie ou parlementarisme », non pour les rejeter dans leur entièreté mais pour les ordonner et les concilier, dans leurs aspects utiles, voire nécessaires, en en défalquant les nuisances et les erreurs fondamentales. Ni monocratie, ni parlementarisme, mais Monarchie et Parlements, comme fondations politiques, pourrait-on dire succinctement : encore faut-il en préciser le sens et la portée…
La Monarchie royale que je souhaite et pour laquelle je milite, n’est pas qu’un intermède entre deux élections, qu’elles soient présidentielles ou législatives (ou les deux à la fois…), elle s’enracine dans une histoire et un temps long dont la dynastie représente le tronc et les racines parfois tourmentées… Contrairement à la monocratie macronienne, elle n’est pas le « Pouvoir-Tout » mais le Pouvoir central, axe des autres pouvoirs nationaux, de l’Assemblée nationale et du Sénat, et des pouvoirs provinciaux, communaux et socio-professionnels. Ce que je nomme « les parlements », ce sont tous les conseils, assemblées, chambres des métiers, etc. qui innerve le pays dans toutes ses particularités et tous ses aspects politiques et sociaux : en somme, les « républiques françaises », au sens traditionnel du terme, et non idéologique ou républicaniste. Dans ce cadre général et « fédératif », l’exercice démocratique (le terme civique serait d’ailleurs plus approprié…) aurait plus de sens et de portée, grâce à une subsidiarité garantie par la Monarchie royale et fédérative, centrale et arbitrale, et non omniprésente et oppressante comme l’actuelle République monocratique… Car, si l’on veut rendre aux Français le goût de la politique au sens le plus positif et actif du terme sans qu’il soit la simple expression d’un individualisme de masse, c’est par la remise en ordre d’institutions locales dans lesquelles le citoyen ne soit pas qu’un pion, mais un acteur et un animateur : en somme, de nouvelles agoras ou, mieux, de nouvelles « ecclésias » (au sens athénien du terme) appliquées aux décisions communales, provinciales ou socio-professionnelles (corporatives, en somme) par le biais de référendums locaux et, pourquoi pas, d’initiative citoyenne, comme cela avait été réclamé il y a quelques années par des Gilets jaunes alors peu écoutés par la monocratie macronienne.
Bien sûr, il est encore hasardeux de décrire précisément les institutions locales qui seront mises ainsi en place car, au-delà du cadre général évoqué ci-dessus, chaque territoire provincial et communal s’organisera lui-même, avec la garantie de l’État et dans l’unité française, mais sans être forcément la copie du voisin, dans une pluralité peut-être audacieuse mais qui devra être tentée, sans que cela n’empêche les évolutions et les corrections. Une France nouvelle ? Pourquoi pas, mais la condition de son advenue est, encore et toujours, la clé de voûte royale… Sans elle, rien ne tient, rien de durable ne peut se faire…
Jean-Philippe Chauvin