« Les mythes que nous tissons, même s’ils renferment des erreurs, reflètent inévitablement un fragment de la vraie lumière, cette vérité éternelle qui est avec Dieu. » (J.R.R Tolkien)
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Les Songes nous guident :
« … Comme tous ceux qui vivent pour voir de tels temps. Mais la décision ne leur appartient pas. Tout ce que nous avons à décider, c’est ce que nous devons faire du temps qui nous est donné » (Tolkien).
Comment ne pas remonter au fond des âges dits « obscurs », qui ne sont en fait que la possibilité du tout, de l’humain comme des éléments de la création. De ces instants d’une nature non policée aux confins des mondes où règnent encore les divinités et dieux multiples, aux premières pénétrations du christianisme. On découvre alors l’extrême adaptation des sociétés naissantes, aux périls et risques nombreux, comme aux aventures merveilleuses. C’est là que parmi les forêts vivent encore Elfes et Trolls, Gobelins et Orques divers. Ces mondes de l’imagination, des contes et légendes, nous habitent, enfin, pour ceux dont l’esprit s’évade et s’envole. Ceux pour qui la vie demeure dans le regard et l’écoute des merveilles de la nature, l’essence de la vie. Pour ceux dont la dimension du monde n’est pas que matérialiste, dont l’invisible est multiple, étendu et souverain. Ce monde que Tolkien nous a décrit et qui vit à travers ses ouvrages mais pas que…
Dans « La Communauté de l’anneau (Le Seigneur des Anneaux, Tome 1) », Tolkien s’exprime à travers ses personnages : « Tout ce qui est or ne brille pas. Tous ceux qui errent ne sont pas perdus. Le vieux qui est fort ne dépérit point. Les racines profondes ne sont pas atteintes par le gel. Des cendres, un feu s’éveillera. Des ombres, une lumière jaillira ; Renouvelée sera l’épée qui fut brisée, Le sans-couronne sera de nouveau roi. »
Une émission récente mettait en valeur la vie de Tolkien : « Le fantastique fait puiser dans la réalité afin d’être fascinant » (A la recherche du Hobbit, Les Mondes de Tolkien). Tolkien nous fascine, faisant de son œuvre un hymne à la nature, à travers ses interprétations des contes et légendes médiévales revisités par son esprit fertile. Les dessins fantastiques qui inspirèrent les décors sont « une sorte d’alchimie, de mélange entre deux choses, il faut que la forme soit imaginative et fabuleuse mais que la matière, les textures et les couleurs soient réelles. Donc il faut regarder, regarder » dit l’excellent dessinateur John Howe. Celui-ci, parcourant les espaces presque inviolés de la Nouvelle Zélande où furent tournés les scènes du Seigneur des anneaux de Peter Jackson. Tolkien fait partie de notre univers comme de nos idées proches. Il exprime ses pensées à travers ses œuvres, comme il désigne l’adversaire dans les combats du « Seigneur des Anneaux ».
L’adversaire est ce monde industriel, celui d’une course effrénée, dénoncé jadis par Bernanos, qui pervertit les paysages et détruit l’environnement comme nos vies. Dans Le Silmarillion, au chapitre 8, dans « Le Crépuscule de Valinor », on peut y lire : « Alors la Lumière Noire d’Ungoliant s’étendit jusqu’à noyer les racines des Arbres et Melkor s’élança sur la colline. D’un coup de sa lance de ténèbres, il blessa chaque arbre jusqu’au cœur d’une plaie béante et la sève se mit à couler comme du sang et se répandit sur le sol. Ungoliant alors aspira la sève et vint coller son bec noir sur les blessures jusqu’à ce qu’elles fussent exsangues. Puis le poison mortel qui courait dans ses veines vint envahir les Arbres et dessécha les racines, les branches et les feuilles, et ils moururent. Ungoliant avait encore soif et se jeta sur les Citernes de Lumière pour les assécher. A mesure qu’elle buvait, son corps exhalait des vapeurs noirâtres et s’enflait d’une manière si monstrueuse et gigantesque que Melkor lui-même fut pris de peur ».
C’est le fruit du Libéralisme, de l’argent-maître, qui corrompt comme soumet les peuples à l’esclavage comme à la numérotation des êtres.
Notre univers est ailleurs, il est vrai, éternel comme bon et beau, il est la vie. C’est celui du royaume des fleurs et des plantes, aux multiples essences, des plaines aux coteaux, abritant quelques ruines éparses, qu’abritent de vieux saules, que courtisent ronces et lierres. C’est l’infini des forêts profondes et sombres, qu’entrecoupes quelques champs aux cultures variées, dont les étés parfument l’approche des belles. C’est le monde de l’infiniment petit, des abeilles travaillant inlassablement à la vie par la pollinisation jusqu’au miel. Au-delà des univers gris d’un monde consumériste : « Je ne dirai pas : ne pleurez pas, car toutes les larmes ne sont pas un mal » disait Tolkien.
Ce sont les oiseaux qui chantent, sous l’œil curieux des écureuils et les multitudes oubliées. Mais aussi les roches parmi des grottes aux secrets enfouis, aux montagnes multiséculaires, que des sources et cascades enveloppes de doux bruits d’une eau qui nous apporte fraîcheur et santé. C’est cet univers que l’on néglige, qui est « nous », notre vie, qui fait notre bonheur et celui de nos descendances. C’est ce monde sous l’œil des cerfs aux larges bois tandis que court encore ours et loups à l’affut des prises pour la régulation écologique des mondes. La « Blanche Biche », comme disait la vieille chanson, finit sur la table des convives parce que nous avons négligé sa défense, continuerons-nous ainsi ? Sylvebarbe, maître des Ents, s’exprime en ces mots : « Il fut un temps où Saroumane se promenait dans mes forêts. A présent, il a un esprit de métal et de rouages et il ne se soucie plus des choses qui poussent » (Tolkien). Le triomphe du bien sera naturel par les eaux, libérés grâce aux arbres, dont nous pouvons facilement imaginer la souffrance aujourd’hui, comme nos terres, en ces temps de pollution impunis. Nos actes quotidiens forment ces petits cailloux qui peuvent ensoleiller l’existence, la nôtre comme celle de nos proches, Tolkien s’exprime encore : « Saroumane pense que seul un grand pouvoir peut tenir le Mal en échec. Mais ce n’est pas ce que j’ai découvert…Je crois que ce sont les petites choses, les gestes quotidiens des gens ordinaires qui nous préservent du Mal. De simples actes de bonté et d’amour ».
Nous savons que le mal peut dominer, qu’il peut même donner l’illusion d’être irréversible mais qu’importe, même si la lutte semble désespérée voir inutile, nous marchons avec les siècles, avec cette sève, qui guidait jadis les leudes tombant avec Roland à Roncevaux. Ecoutons Alfred de Vigny : « Ames des Chevaliers, revenez-vous encor ? Est-ce vous qui parlez avec la voix du Cor ? Roncevaux ! Roncevaux ! Dans ta sombre vallée. L’ombre du grand Roland n’est donc pas consolée ! » Rien n’est impossible, Jehanne l’a prouvé lorsqu’elle fit face et retourna une situation perdue d’avance autour d’Orléans. Rien n’est écrit quand Baudouin, le corps couvert de souffrances, corps brûlé de la chevalerie, genoux à terre face aux templiers, lança son ost dans la marée musulmane de Saladin, écoutons Tolkien : « Comme ceux qui vivent des heures si sombres, mais ça n’est pas à eux de décider. Tout ce que nous pouvons décider c’est que faire du temps qui nous est imparti. Il y a d’autres forces en œuvre dans ce monde à part la volonté du Mal ».
C’est une épopée dont les récits nous entraînent ailleurs mais pas tant finalement que cela, si nous reprenions en main notre destin. Les chevaliers de la Table ronde hantent notre mémoire occidentale comme les récits des temps médiévaux, où contaient fabliaux et chansons aux belles de jadis, trouvères comme troubadours. Les chevaliers jaillissaient du creuset populaire pour étendre la justice et constituer au fil des siècles, une noblesse vivant du « chant de l’épée », au service des autres. Tout est symbole et engagement, tant sur la parole que sur les actes, l’anneau, la fidélité, le blason, Tolkien s’exprime en ces mots : « Le monde a changé… Beaucoup de ce qui existait jadis est perdu car aucun de ceux qui vivent aujourd’hui ne s’en souvient ».
Le mal est engendré par des actes prométhéens de manipulations génétiques dont certains aujourd’hui aimeraient ouvrir la « boite à pandore », les robots militaires en sont un exemple. Tolkien le dénonce avec la création des forces obscures dans le mélange des gobelins et des orques. Les fondamentaux essentiels sont là, ceux de l’éternel combat entre le bien et les forces du mal, représentés par le machinisme technique à outrance, dans « Le Seigneur des Anneaux » comme la perversité du pouvoir de l’argent, dans « Le Hobbit, la bataille des 5 armées », Thorin dit : « Si plus de gens chérissait leur foyer plus que l’or. Ce monde serait un endroit plus joyeux ». Ce combat est celui de la chrétienté depuis la nuit des temps, entre les Tables de la loi et le veau d’or, entre l’invisible et le matérialisme, finalement entre la vie et la mort…
Selon Léo Carruthers, médiéviste, John Ronald Reuel Tolkien, après avoir étudié le latin et le grec, se passionna pour l’ancien germanique, le gothique, l’ancien anglais puis les vieilles langues nordiques des scandinaves. Il se plongea dans la lecture de l’Edda poétique, la grammaire finnoise découverte dans les textes mythologiques du Kalevala d’Elias Lönnrot, La langue norroise (vieil islandais) faisait aussi partie de ses passions. J’ai encore en mémoire la Saga d’Egill, fils de Grimr le Chauve, disant : « La fin est tout. Maintenant encore, elle est au sommet de la gloire et attend. La vie s’écoule et je dois la quitter. Face à ma fin, non pas néanmoins dans le deuil et la détresse, mais d’un cœur viril ». Lisant la Saga de Njàll le Brûlé, Tolkien disait que : « les meilleures sagas sont les islandaises, et pour dépeindre la vie et le caractère des hommes vaillants – de notre propre sang, qui sait – ont vécu et aimé, ont combattu, ont voyagé, et sont morts. L’une des meilleures (…) est la Völsunga Saga – un récit étrange et glorieux (…). Il nous révèle le plus grand génie épique qui soit, passant, par une lutte acharnée, de la sauvagerie à une totale et consciente humanité ».
Les Trolls viennent de ces récits. La littérature médiévale était le jus même de son inspiration. Il avait cet amour des mots, la recherche des racines, du sens comme de la forme, des expressions disparues, de cette science nommée philologie (grec ancien φιλολογία, phĭlŏlŏgĭa).
Il est inutile de dire que son esprit alla aussi puiser dans l’antiquité grecque, puisqu’il en étudia la langue ancienne. Qui ne frémit aux noms des héros oubliés d’Hector à Achille, en passant par Ulysse et les demi dieux de l’Olympe. Qui, chez ceux dont le sang boue dans les veines, n’entend pas le poème de Simonide de Céos « Passant, va dire à Lacédémone que nous sommes morts ici… », au passage des Thermopyles avec les spartiates de Léonidas, dont on retrouve chez Tolkien, les signes de bravoure et sacrifices. La transformation des êtres en statue de pierre avec les trolls, au chapitre II, dans Bilbo le Hobbit, nous ramène à Persée avec la Gorgone ou Méduse (en grec ancien : Μέδουσα), et autres chimères…
Dans ces mondes créés par Tolkien, cartographies et histoires naissent, peuples et identités mêmes jusqu’aux langues elfiques proches du gaélique qu’il inventera par ailleurs en disant : « Les récits furent imaginés avant tout pour constituer un univers pour les langues et non pas le contraire ». Il va même très loin, avec ses dialectes et ses différences dans le « Haut elfique », comme le « Quenya » qu’il créa vers 1915. Perfectionniste à souhait il désirait que sa langue soit vivante avec ses particularités, inclinaisons comme son passé et son avenir, le Silmarilion en fut le fruit. Il se plongea dans les mythes, contes et légendes, dans un travail passionné et infatigable, reprenant le jus même des épopées médiévales dans un creuset que son esprit va reprendre à travers ses œuvres aboutissant à une création mythologique originale sortie de sa propre imagination. Tout y est, poèmes épiques et chants, où chacun se sent comme emporté dans cette identité venant du fonds des âges dans un rendez-vous vers la « Terre du milieu ». Je me souviens du film sur Patton où devant Carthage, parlant des combats épiques avec les Romains, le général disait : « A travers l’enfantement des siècles, dans les pompes et les vicissitudes de la guerre, je me suis battu ; j’ai lutté désespérément et mon sang a coulé des milliers de fois sous les étoiles. Suivant une route sans fin, cette lutte immémoriale je l’ai menée sous tant de drapeaux, tant de noms. Mais c’était toujours moi. » (George C. Scott incarnant George Patton).
C’est tout un univers qui s’articule avec ses passions et ses récits, son romantisme et ses sagas, sorte de dimension parallèle pour ceux qui suivent ses périples. Les princesses ne manquent d’ailleurs pas, Eowyn l’elfe, les symbolise. Comme aussi Arwen face aux cavaliers de l’apocalypse dont elle déchainera les eaux, symboliquement représentés par des vagues de chevaux, après des incantations qui ne sont pas sans rappeler le langage gaëlique. L’enterrement de Theodred, épée en main, gisant sur le champ de bataille, retrouvé par Eomer, demeure aussi un moment fort, de la mythologie chevaleresque émotionnelle, sous le chant de sa sœur Eowyn. On entend dans la « La Communauté de l’Anneau » : « La mort n’est qu’un autre chemin qu’il nous faut tous prendre. Le rideau de pluie grisâtre de ce monde s’ouvrira, et tout sera brillant comme l’argent… Alors vous les verrez… Les Rivages Blancs ! Et au-delà… la lointaine contrée verdoyante, sous un fugace lever de soleil ». Le magicien Gandalf rappel la profondeur de Merlin, sans parler des ressemblances avec le dieu Odin, dans les mêmes errances, lorsqu’il dirige contre Saroumane le combat au gouffre de Elm. Le combat sera terrible avec l’arrivée du Rohan avec la préparation de la charge par la harangue du roi Théoden : « Gamelin, suivez l’étendard du roi au centre ! Grimbold, menez votre compagnie à droite quand vous aurez passé le mur ! En avant ! Ne craignez aucune obscurité ! Debout ! Debout cavaliers de Theoden ! Les lances seront secouées, les boucliers voleront en éclats, une journée de l’épée, une journée rouge avant que le soleil ne se lève ! … »
Les cors de la cavalerie sonnent la charge, une bataille mythique commence. Ces sons qui déchirent les brumes du matin et qui retentissent du fond de l’histoire, de Roland à Roncevaux jusqu’aux batailles épiques. Les vers de Verlaine pourraient illustrer l’instant :
« Voix de l’Orgueil : un cri puissant comme d’un cor. Des étoiles de sang sur des cuirasses d’or. On trébuche à travers des chaleurs d’incendie…
Mais en somme la voix s’en va, comme d’un cor » (Verlaine, Sagesse, XIX).
La présence d’Aragorn rappel Siegfried ou Sigurðr en vieux norrois, ou Sigurd, Edda de Snorri et la « légende des Nibelungen », interpelle nos souvenirs lointains du massacre de 20.000 Burgondes par Attila au IVe où Ve siècle de notre ère. Remontant le Rhin, passant par le château de Rheinfels vers Worms, l’ancienne capitale de Burgondie, notre esprit s’évade vers la tragique vie de Brunhild. La présence de l’anneau, la cape rendant invisible, le dragon Fàfnir et les nains semblent ressurgir avec l’œuvre de Tolkien.
Signalons l’arrivée providentielle des morts errants dans les nimbes pour la « journée de l’épée, une journée rouge », suite à la charge des « Rohirrim » à la bataille des champs du Pelennor. La mythologie semble dominer mais n’y a-t-il pas pas aussi, une part de rêve dans notre existence et que serions-nous sans cela ?
Le chemin de la libération est clair, il se désigne sous le nom du Roi, mais pas n’importe lequel, celui qui possède des valeurs et qui est à cheval, aurait dit Bernanos. Celui qui vient du fond de nos consciences, sang divin de la terre du peuple et qui symbolise la chevalerie éternelle, dont nous sommes les serviteurs, « peuple et Roi » sont de droit divin disait Marcel Jullian. En 1943, s’adressant à son fils Christopher, Tolkien dit : « Mes opinions politiques penchent de plus en plus vers l’Anarchie (au sens philosophique, désignant l’abolition du contrôle, non pas des hommes moustachus avec des bombes), ou vers la Monarchie « non constitutionnelle ».
Ce roi, cet homme est celui qui unit, et non qui divise comme le sont des parodies de gouvernants, que nous connaissons malheureusement aujourd’hui, toujours en recherche d’une légitimité qui leur échappe. Mais comment unir avec 20% de voix, obtenus avec le mensonge et les outils de la communication, triste réalité d’un monde moderne, si terne ! Tolkien d’ailleurs aurait pu prendre d’autres exemples de gouvernement pour ses histoires mais non, la royauté reste pure et prend d’ailleurs toute sa dimension élévatrice par la quête. Les héros doivent affronter les périls, se remettre en question et gravir les épreuves afin de devenir comme dans le Roi Arthur des preux ! La lutte s’engage contre les faux prophètes avec Saroumane où chefs d’un soir entraînant les peuples à la folie destructrice, dans « La Route perdue », écrit en 1936. Cette résistance est aussi contre ce règne du mal aveuglé par la souffrance faisant perdre tout repère humaniste, fruit de la folie des hommes, que seule la tempérance peut sauver, que l’on voit dans l’île de Númenor soumit par Sauron. Il dira plus tard, en 1956, ne pas être démocrate : « uniquement parce que « l’humilité » et l’égalité sont des principes spirituels corrompus par la tentative de les mécaniser et de les formaliser, ce qui a pour conséquence de nous donner, non modestie et humilité universelles, mais grandeur et orgueil universels » (Tolkien).
C’est la raison qu’il faut garder comme la mesure dans toute chose, relire dans le doute les paroles de Jehanne d’Arc, montrant toujours les limites de tout acte et parole humaine. L’enseignement est là, les écrits ne demandent qu’à être lus et compris. Et puis qu’importe les grincheux s’exclamait Cyrano rêvant en regardant les quartiers de Lune, s’il nous plaît de voir ce monde différemment comme Tolkien le pensait. Si les rêves tracés de sa plume fleurissent le nôtre un peu trop parsemé de gris. Dans « Le Retour du Roi », Gimli dit : « Je n’aurais jamais pensé mourir aux côtés d’un elfe », et Legolas répond : « Et que pensez-vous de mourir aux côtés d’un ami ? ». Si paré d’un peu de naïveté antique nous reconstruisons un univers communautaire fait de serments et de fidélité où la noblesse des hommes ferait s’enfuir les êtres vils comme Alfrid, dans « Le Hobbit, la bataille des cinq armées ». Il s’agit de redonner une âme à ces temps de confusion, bref un sens à l’existence, c’est l’appel de Tolkien. C’est l’appel de l’espérance, de l’humain dans toute l’acceptation de sa dimension vivante, contre une société en perdition basculant vers l’enfer du numérique. L’homme doit réfléchir sur son destin comme de l’environnement naturel qu’il désire préserver et voir s’enrichir demain pour ses enfants. Nous sommes de ceux, trouvant encore plus de vie dans les ruines d’un château où un monastère que dans un centre de supermarché, il suffit de le comprendre. La grâce des papillons comme le chant des oiseaux, voir le bruissement de l’eau, nous parlent plus que la froideur des ordinateurs… L’Ent dit dans « La Communauté de l’Anneau » : « Lorsque le printemps déroulera la feuille du hêtre et que la sève sera dans la branche, Lorsque la lumière sera sur la rivière de la forêt sauvage et le vent sur le front ; Lorsque le pas sera allongé, la respiration profonde et vif l’air de la montagne, Reviens vers moi ! Reviens vers moi et dis que ma terre est belle !… »
Ce que les matérialistes ne comprennent pas et ne comprendront jamais, hommes de peu d’humanité, c’est que cette part de rêves et d’imagination, nous permet d’avancer vers un univers de couleurs et de musiques, de nature et de vie. Loin de l’univers des machines dénoncées par Tolkien mais pas que : Bernanos, Huxley, Orwell et bien d’autres humanistes dans le sens chrétien de l’universalité humaine, les matérialistes sombrent dans un néant, qui n’est autre que l’enfer. L’analyse du mal chez l’homme, appuyé des connaissances sur l’éthologie de Konrad Lorenz, montre combien les débordements de celui-ci, deviennent nocifs pour l’espèce, surtout depuis les armes de destructions massives, à la différence des animaux…
Ce monde absurde des machines devenues « maîtres » de nous, symbolisés dans le « Seigneur des Anneaux » est finalement l’épilogue ensemencé de la pensée des « Lumières », aux bourgeons malfaisants, d’où naquit le XXe siècle des horreurs concentrationnaires. La racine du mal, ces « maîtres à penser », ces libéraux aux vies perturbées, furent ceux-là même, qui assouvirent les peuples en instituant l’usure en système de référence, renversant l’éthique des siècles, basé sur la Justice sociale dans l’élévation des âmes, au service des autres. Ces hommes du XVIIIe siècle, las de la douceur de vivre (Talleyrand), voulurent contrarier la nature en désirant changer l’homme. Les « soi-disant » bonnes idées comme volontés, détruisant traditions et usages des siècles, générèrent les pires systèmes dictatoriaux et génocidaires, de celui de la Vendée en 93, on passa des socialistes aux nationaux-socialistes et divers avatars, tous plus terribles les uns que les autres, au nom des chimériques « lendemains qui chantent ». Cela Tolkien l’a vu et par son formidable génie imaginaire, l’a signifié dans ses œuvres fantastiques. C’est pour cela qu’il est temporel dans ses récits d’une extrême réalité, pour ceux qui veulent y voir clair et comprendre. C’est pour cela que l’on y trouve toutes les références historiques et imaginaires chevaleresques d’élévation, de justice, de charité, de foi et de sacrifice. Le héros est un être humain en symbiose avec la nature vivante, qui se bat contre l’insupportable système dictatorial mis en place avec les machines, c’est cela la leçon éternelle de la survie de l’humanité, sous la plume de Tolkien.
Où sont les couleurs, où est cette musique, où demeure le rêve ? Cette magie que seule la volonté chevaleresque d’un Roi incarne, écoutons Tolkien : « Je reviens vers vous en ces temps difficiles ». Mais cela ne suffit pas, tout se mérite, c’est sur la route du sacrifice que se construisent les sociétés policées et paisibles, avec des hommes qui s’oublient pour le service des autres, c’est l’enseignement de l’histoire, qu’imaginairement réécrit Tolkien. Car cet imaginaire est en nous, dans l’esprit et le cœur de nos jeunes enfants, pure et noble, comme les rêves des fées et princesses, paladins et chevaliers, preux et bâtisseurs, gueux et guides spirituels. C’est ainsi que se reconstruisent les cités et que se prolongent les sagas, lorsque l’on se promène à travers des paysages dont nos ancêtres constituent l’humus de la terre, que l’on doit respecter comme notre mère. Tolkien rajoute : « Nombreux sont les vivants qui mériteraient la mort. Et les morts qui mériteraient la vie. Pouvez-vous leur rendre, Frodon ? Alors, ne soyez pas trop prompt à dispenser mort et jugement. Même les grands sages ne peuvent connaître toutes les fins ».
Notre monde quel qu’il soit ou devienne ne peut s’améliorer dans la dignité sociale qu’en respectant certaines règles qui élèvent l’homme pour la vie sociétale humaniste, tel que la chrétienté l’enseigne depuis les temps les plus lointains. Le triomphe de la vérité progresse que si les gens de bien se battent contre le mal. Des contes et légendes, que reste-t-il ? Notre imaginaire fabrique des sagas et invente des histoires sans fins, que nos cultures ancestrales sèment dans nos consciences et aux quatre vents. Quel bonheur d’imaginer, en ces temps confus et matérialistes, des époques où seuls l’ami et le service importaient à la vie. Il est bon, voir passionnant, de vivre de tels instants en des quêtes sans fins, en des mondes aux couleurs pastel, aux musiques enchanteresses, où règnent chevaliers et princesses. Les histoires de Tolkien sont ancrées dans des mondes merveilleux, d’enchantements et de fééries très anciens. Les codes sont ceux du Moyen-Age dont les récits sont hors du temps, peut être afin d’amener le lecteur à se souvenir de ses racines en s’appropriant à travers Tolkien, l’héritage des légendes et sagas, constituant son identité, afin qu’à travers son sang, il trouve dans le monde moderne, les clés, les réponses essentielles, sur le sens de son existence.
Il est réconfortant de savoir qu’il n’y a pas que ce monde gris qui nous entoure mais que l’impossible peut un jour se réaliser. Quelle est la temporalité réelle et le virtuel, le cauchemar et le rêve, l’imaginaire que nous y mettons peut demain changer, telle est l’âme humaine. Telle est l’esprit de la « Terra Francorum », de la « Geste des Francs », comme de nos espérances, rien n’est décidé, rien n’est écrit. Le « laisser-faire », la résignation, cette forme de lâcheté dans la soumission facile de nos existences à un pouvoir d’un soi-disant nouvel ordre mondial reposant sur l’argent, n’est que le résultat de l’abaissement de l’homme, comme de l’acceptation à un fatalisme réduisant nos enfants à une numérotation vers la robotisation des individus. Alors oui, nous pensons que l’élévation est un défi humaniste, le service de l’autre dans une forme de chevalerie perpétuelle, toujours présente et renouvelée, l’exemple et l’humilité et puis qu’importe ! C’est notre choix, même si c’est inutile, même si nous devions mourir, nous avancerons dans cette détermination, cette voie tracée par nos ancêtres, de Roland à Baudouin IV, comme de Bayard à D’Artagnan. Nous sommes fils de France et avons un destin, comme un héritage sur nos épaules et dans notre sang. En nous, résonne encore le cor de Roland, annonçant les périls qui nous guettent. C’est la chevalerie franque avec les templiers qui, aux portes de Jérusalem, marqués de la croix rouge du Christ, vainquirent à un contre dix, parce que la foi ne renonce jamais, parce que c’était et c’est cela la France !
Notre jour viendra…
F. Winkler